Pouvoirs et politisation : Hédé et son canton
( 1785 — An II)


I — UNE SUBDELEGATION A LA VEILLE DE LA REVOLUTION ( 1785 — 1789)

C- La vie religieuse

    2. Le général de paroisse : les cas de Guipel et Saint-Gondran

    Cette institution, avec ses spécificités bretonnes, ne sera étudiée ici que dans ces deux paroisses, puisque ce sont les seules pour lesquelles les registres ont été conservés. Nous disposons de quelques éléments lacunaires pour Bazouges et Saint-Symphorien, mais ils ne seront utilisés uniquement comme éclairages supplémentaires.

    Le cas de Hédé est particulier car il semble que la municipalité d’Ancien Régime, étudiée dans la partie suivante, fasse également office de général de paroisse : "dans plusieurs villes qui ne comprennent qu’une paroisse[…]la communauté remplit en même temps les fonctions de corps de ville et de général. [Cependant], même dans le cas où le même corps dirige ainsi une ville et une paroisse, les administrations restent distinctes 41", c’est-à-dire que les deniers de la communauté ne doivent pas alimenter ceux du général, et réciproquement. On note tout de même que le général a un rôle effacé puisque la communauté accapare l’administration municipale. Or, il faut attendre le 20 décembre 1790 pour voir la municipalité s’occuper des élections des trésoriers et des rentes de la fabrique, puis les inscrit sur ses registres : le général disposait-il avant de ses propres registres ?42 D’ailleurs, nous ne sommes pas certains de pouvoir affirmer que le général et la communauté soient composés des mêmes membres. Un indice pourtant : la délibération du 6 février 1791 signale qu’en 1789, Guynot Deschapelles, membre de la communauté, était aussi trésorier de la fabrique au côté de Jacques Buan, qui lui, n’en a jamais fait partie. Alors, qu’en va-t-il des autres délibérants ? Toutes les possibilités sont envisageables. Il est à noter que Guynot devait à ce jour solder les comptes et apporter son reliquat mais il " était remplit de grossièreté et de termes injurieux et indécents. Le général de la ditte paroisse a cru ne pouvoir recevoir un compte dans cet état 43". Vu son parcours ultérieur, nous ne serions pas étonnés qu’il s’agisse de termes anticléricaux !

    Depuis la fin du XVIIème siècle, des arrêts du parlement rennais ont réduit l’assemblée paroissiale à un corps politique plus restreint, auquel la fonction religieuse de la fabrique a été confiée, mais nous avons d’abord voulu vérifier l’état de la ferveur religieuse, grâce aux confréries. Nos recherches sur ces associations de fidèles sont peu fructueuses : les registres du général de Bazouges signale l’élection de prévôts 44, c’est-à-dire ceux chargés de gérer les biens, les services religieux et la réputation morale des postulants à la confrérie. Ceux de Guipel ne mentionnent aucune élection, puisque c’est le seigneur qui les nomme. La confrérie du Rosaire a été créée en 1660, et destinée à promouvoir le culte de la Vierge Marie : les fondations foncières portent encore son nom, et lui assurent environ 40 £ de revenus, additionnés à ceux de la fabrique 45. Cela ne semble pas le cas à Hédé, car la municipalité élit le premier février 1791 un prévôt du Rosaire et un autre pour la confrérie du Saint-Sacrement, destinée au culte du Christ : il est signalé qu’ils " questeront à la messe du matin 46", ce qui n’est pas sans évoquer la faiblesse de leurs revenus, et le maigre dynamisme des legs et aumônes ! Voyons alors les généraux de paroisses rurales.

    Le général se réunit quelques dimanches par an, après avoir été annoncé au prône de la grande messe la semaine précédente, " en corps politique en la sacristie de la ditte paroisse lieu ordinaire des délibérations, en conséquence la convocation faite dimanche dernier et le son des cloches à la manière accoutumée 47". Le rythme moyen des réunions de nos 2 paroisses oscille seulement entre 2 et 3 par an entre 1785 et 1789, mais il n’existe aucune périodicité régulière car Saint-Gondran se réunit par exemple à 5 reprises en 1786, et seulement 1 fois en 1789 : on se réunit donc en fonction des besoins. Même au niveau annuel, on ne note pas de grandes différences selon les saisons, surtout à Saint-Gondran où l’on se réunit autant pendant les moissons estivales qu’en période creuse hivernale, sauf peut-être à Guipel : la moitié des assemblées se fait en hiver.

    Assemblée restreinte, elle ne se compose que de 17 membres dont 14 sont élus, et 3 sont des membres de droit. Le recteur est évidemment de droit, et dispose de l’une des 3 clefs qui ouvrent le coffre où sont entreposés le cahier de délibérations, les archives et les fonds paroissiaux. " Les présences aux délibérations traduisant davantage un choix personnel, le goût du recteur pour la chose publique est bien sûr un facteur déterminant […]. Il paraît plus facile de participer à toutes les délibérations du général de paroisse lorsque les délibérateurs ne se réunissent […] que de 1 à 4 fois par an 48".  En ce sens, Mottay semble plus assidu car il est présent aux 2/3 des réunions, contrairement à Reuzé qui lui ne participe qu’à la moitié.

    La présence aux réunions du seigneur et de ses officiers de justice est également prévue, mais seul du Bouays de Couesbouc assistera à une assemblée de Saint-Gondran : cela ne saurait masquer la désaffection des nobles pour les affaires paroissiales. Le sénéchal seigneurial a également droit de séance car il " est le chef de la police et le premier administrateur : ces derniers objets forment le lot commun des délibérations paroissiales 49", mais on ne trouve trace d’un tel déplacement qu’à Guipel, où Jean Belletier et Jean François Mathurin Allix, juge et notaire du Chesnay Piguelay, ont assisté à une séance le 28 octobre 1787.

    Le troisième membre de droit du général n’est autre que le procureur fiscal. Il détient aussi une clef du coffre, poursuit le paiement des rentes seigneuriales et défend les intérêts " public ", car à ce titre, il peut référer au parlement s’il note des abus, et ainsi faire des remontrances au général. Il est l’officier le plus présent car Pollet assiste aux 2/3 des réunions de Saint-Gondran, et Louis François Aubrée à 9 des 11 assemblées de Guipel. Ne résidant pas sur place, ils ne concèdent qu’un effort modeste pour parcourir à cheval 1 à 2 lieues.

    A partir de là, nous pouvons considérer que les membres de droit encadrent fortement les réunions, ne laissant que peu de place à la liberté des délibérants élus : seule une réunion à Guipel, et 3 à Saint-Gondran se font sans tutelle entre 1785 et 1789. Cela change pourtant le contenu des délibérations, mais elles restent tout de même rares car cela suppose que les délibérants, qui n’ont qu’une clef, s’arrangent avec le recteur et le procureur pour récupérer la leur, et ainsi, accéder au cahier enfermé dans le coffre. Ce serait la preuve d’une grande confiance entre les 3 protagonistes, à moins que le cahier ne soit confié à l’un des fabriques, au lieu de l’entreposer au coffre. 50

    Le général est donc composé de 14 membres élus, ou plutôt cooptés, dont 12 délibérants et 2 trésoriers. Ces derniers sont nommés pour un an par les délibérants afin de gérer les finances de la fabrique, destinées aux biens temporels de l’église paroissiale et à l’exercice du culte : adjudications pour les réparations de l’église, achat de chandelles,… C’est une charge qui peut s’avérer onéreuse car cela implique parfois de faire des avances sur ses propres deniers, à l’image de Jean Delacroix, notable et membre de la municipalité de Hédé. Elu trésorier pour l’église Notre-Dame le premier février 1791, il demande son remplacement puisqu’il l’a déjà été à Saint-Symphorien en 1790 et " qu’il n’avait pu encore se faire paier des sommes qui lui étaient dus à cet égard  51". C’est un cas assez exceptionnel car dans les généraux de campagne, ce poste est rarement refusé : il donne accès au corps politique. Prenons simplement l’exemple de Michel Cherel, l’un des plus gros laboureurs et capités de Guipel (20 £) : nommé par le seigneur du Chesnay 52 pour l’année 1787, le général ne fait qu’approuver sa décision, mais le 11 janvier 1789, il s’agit bien de lui qui va élire Cherel comme délibérant. Or, ce cercle coopté est entièrement constitué d’anciens trésoriers et comme Hédé, il forme une oligarchie villageoise où seules les familles les plus aisées et influentes y ont séance, particulièrement à Guipel, où la moyenne de capitation des délibérants est de 8 £. L’accès y est peu ouvert aux plus modestes car ils ne sont que 2 à payer moins de 4 £, alors que la moyenne de l’ensemble des habitants est d’un peu plus de 3 £. Saint-Gondran et Bazouges semblent un peu plus ouvertes avec une moyenne respective des délibérants de 5 et 7 £, où ceux qui paient moins de 4 £ sont un peu plus nombreux, et pour un montant moyen des habitants de 4 £.

    Les membres de ces familles sont donc généralement les principaux capités roturiers et forment de véritables monopoles dynastiques. A Guipel dominent les Bazin 53, Lebret, Duclos et Guérin, ou encore à Saint-Gondran : les François Couapel père et fils délibèrent de 1785 à 1786 inclus, les Thébault sont au nombre de 3 en 1787 ( sans que nous puissions établir ici les liens de parenté). Cette élite villageoise est d’autant plus visible que tous savent signer, à de rares exceptions près et même si un bon tiers ont une signature plus qu’hésitante.

    Cette régence familiale est encore convaincante lorsque l’on s’intéresse au renouvellement qui doit s’effectuer théoriquement tous les ans : le taux est quasiment nul à Guipel, car il faut attendre qu’un délibérant décède pour qu’il soit remplacé, si bien qu’en 5 ans, il n’y eut que 3 remplacements ! Or, le règlement oblige également que 12 délibérants doivent toujours assister aux réunions du général : qu’à cela ne tienne, le 26 décembre 1789, à Guipel , Jean Guérin est porté malade et se fait remplacé provisoirement… par son frère Michel 54! A défaut de parenté, il s’agit souvent d’un ancien trésorier et on comprend alors qu’à Guipel et Saint-Gondran, il y ait presque toujours 12 délibérants. Nous pourrions interpréter cette participation par " un intérêt accru pour la chose politique 55" mais soyons prudent face à cette belle certitude : nous avons également constaté que les " listes de délibérations présentent souvent un ordre identique, d’une délibération à l’autre, tout au long de l’année : elles font inévitablement songer à une préparation préalable ", car le greffier " avance son travail en copiant d’une réunion sur l’autre  56". Des vides ont été manifestement préparés pour la date, et remplis lors de la réunion suivante, facilement remarquables avec le changement d’encre et d’écriture. Justement, le 5 décembre 1785 à Saint-Gondran, Julien Collet est signalé présent mais pas sa signature : or, il sait très bien signer comme l’atteste d’autres réunions 57! Mais heureusement ce cas n’est pas généralisé car par exemple, l’assemblée de Bazouges du 9 avril 1786 signale bien 10 délibérants seulement, ce qui ne semble pas déranger outre-mesure le procureur fiscal Pollet, pourtant très prompt à dénoncer les délibérants de Saint-Gondran à la moindre infraction au règlement ! Ses liens plus personnels, voir d’interdépendances, à Bazouges engendrent sûrement cette tolérance.

    Cela reste pourtant un bel exemple d’inertie du pouvoir au village, qui pourrait se calquer à Saint-Gondran : on retrouve les mêmes membres de 1785 à 1786, et il faut attendre le 15 juillet, date de la première réunion de l’année 1787, pour que la moitié d’entre eux soit renouvelée 58. Pas vraiment spontanée, elle fait suite aux remontrances du procureur fiscal Pollet le 12 février 1786 qui consistent " aux abus qui luy revient dans cette paroisse tant à l’occasion de l’ordre des assemblées que pour l’administration des biens de la paroisse  59", puis il fait lecture d’un arrêt du parlement du 24 décembre 1785 qui interdit " aux délibérants de faire aucune assemblées sourdes et hors le lieu accoutumé ", ce qui suggère que des réunions ne se tenaient pas dans le cadre formel de la sacristie, donc hors du contrôle du procureur et du recteur, et peut-être au domicile de l’un des délibérants, voire même dans " l’indécence du cabaret 60".  Si bien que certains ne devaient plus juger nécessaire ensuite d’assister au général car l’arrêt stipule qu’ils " sont tenus de se rendre aux dites assemblées immédiatement après la messe principale finie ", sous peine d’une amende de 10 £, et " enjoint aux délibérants de Saint-Gondran de délibérer chacun à son tour et rang sans bruit ni tumulte et de signer le champs des délibérations qui seront prises à la pluralité des voix, et leur fait défense de faire aucune brigue[…] pour empêcher les délibérants de l’assemblée de les signer  61". Ce passage est très important car contrairement à Guipel et Bazouges où tout semble bien se passer, il prouve qu’il existe une cabale, parallèle aux réunions du général, où s’exerce une formidable lutte d’influence entre deux groupes de paroissiens, que l’on ne peut encore appeler factions. Ces réunions occultes, où aucune décision n’avait emporté l’unanimité, passionnent les paysans car elles transparaissent encore dans la sacristie durant la réunion du général : on peut imaginer que le ton monte rapidement, et donne libre-cours à un " bras de fer " houleux ! En cela, nous pouvons affirmer l’existence d’une pré-politisation paysanne, car délibérer ne semble pas ici une contrainte, contrairement à ce qu’affirme Ch. Kermoal pour le Trégor.

    La première attribution du général est donc la fabrique, dont est issue l’affaire ci-dessus, et la sempiternelle question de la réparation du presbytère, à savoir, qui paiera la facture.

    Ainsi, à Saint-Gondran, il faut attendre l’arrêt du parlement du 24 décembre 1785 qui indique que " le produit des rentes annuelles payées par les curés ne pourront […] être employées à autre objet qu’aux réparations des dits presbytères ". C’est pourquoi, le 21 mai 1786, le général arrête " qu’il sera fait des informations le plus déligemment qu’il sera possible pour placer du presbytère aussi avantageusement qu’il se pourra ". Apparemment, le général n’y met aucun zèle, le seigneur de Couesbouc devant se déplacer lors de la réunion suivante du 8 septembre 1786, car " sur la négligence dudy général ", il a dû trouver lui-même " un emprunt avantageux par les créanciers de Lebatz ", et auxquels on confierait la somme. Il a alors " sommé le général de délibérer en conséquence " : il accepte la proposition d’après les " airs de Mr de Couesbouc 62". Il est remarquable de noter l’embarras de Mottay, car même présent, jamais il n’est intervenu, signe qu’ " il se réfugie dans la neutralité 63". Nous ne pensons pas que les réparations du presbytère ont été effectuées, car le 15 juillet 1787, le général arrête qu’en mars 1788, ce sera la nef de l’église qui profitera des fonds.

    Cette question empoisonne également le général de Saint-Symphorien, car il refuse de participer financièrement aux réparations du clocher. Il perd cependant le procès mené de 1764 à 1782 contre l’abbé de Saint-Melaine. Deux ans plus tard, le recteur Boursin décède alors que le général l’avait accusé ,lui et son héritière, de ne pas avoir utilisé les arbres abattus, issus des terres dépendantes du presbytère et des fondations de la fabrique, aux dites réparations. Débute donc un nouveau procès car Pollet, procureur fiscal de la Crozille, assigne l’héritière à comparaître à Hédé : elle est condamnée le 10 février 1785 à rembourser la fabrique. 64

    A Guipel, on se tourne plutôt vers la médiation, grâce notamment au recteur Reuzé. Le conflit oppose le général à des nobles : " les héritiers de feu Mr Rocher[…] conformément à la délibération du 2 avril 1775[…] sont tenus de faire faire les dites réparations ". En effet, le général refuse la somme de 502 £ qu’ils offrent, si bien que Reuzé leur demande d’accepter car de son côté, il propose une rente viagère de 36 £ au général " chaque année pendant qu’il sera recteur pour que lui et ces héritiers ne seront tenus à aucune grosses réparations de son vivant ny après son décès 65". Cette proposition fait l’unanimité car chacun fera un effort, et surtout évite un procès dangereux financièrement.

    L’enjeu reste bien la modicité des rentrées d’argent qui explique la résistance des généraux à engager de tels frais 66. Mais tous s’en tirent plutôt bien, car les recteurs semblent dorénavant assumer une partie des frais, ce qui n’était pas le cas auparavant.

    Auxiliaire du fisc et de l’administration provinciale, le général est aussi chargé de nommer des " égailleurs " pour la répartition fastidieuse des impôts, et des collecteurs auprès des paroissiens. Personne ne peut refuser ces postes, mais cela n’empêche pas les demandes d’exemption principalement pour la charge redoutée de collecteur, car il est responsable sur ses propres deniers du montant qu’il est chargé de récupérer. Les généraux ont alors recours à un compromis pour trouver des candidats : Bazouges et Saint-Gondran par exemple, désignent toujours les deux trésoriers comme collecteurs des fouages et de la capitation : échange de bons procédés s’ils veulent un jour devenir délibérants ! Un problème persiste pourtant, car il faut nommer un troisième collecteur pour le 20ème, et il semble qu’ici, presque tous les habitants soient susceptibles d’être concernés. Ainsi, le 18 mai 1788, le général de Saint-Gondran nomme Jean Bouget pour la collecte du 20ème : il semble qu’il ait multiplié les demandes de remplacement car le 3 août, le général est obligé de confirmer sa décision " pour mettre fins aux instances que Bouget a faites pour être déchargé " !

    Le manque de fonds limite également la dernière attribution des généraux : l’assistance aux pauvres en 1785. On s’en rend compte lorsque le 11 mars 1786, le procureur général alerte le parlement de Bretagne 67: la cour suit ses conclusions et prend un arrêt autorisant les généraux de paroisse à prendre dans leur coffre toutes les sommes nécessaires pour subvenir " aux besoins les plus pressants des pauvres 68", car en effet, les généraux n’ont aucune autorité pour lever les fonds de leur fabrique : bel exemple de confusion des ressources de la paroisse et de la communauté. Les registres de Guipel se contentent d’enregistrer l’arrêt, et seul Saint-Gondran a délibéré en conséquence : " que n’ayant rien dans les cofres et que la fabrique est même débitrice et que d’ailleurs chacuns des habitants de cette paroisse aiment mieu la gesne pour secourir les pauvres de leur paroisse 69". 

    L’assistance ne peut donc se faire sans aide extérieure. Le 9 avril 1786, l’assemblée de Bazouges lit une lettre de " l’abbé Fournier l’un des Monseigneurs de la Commission intermédiaire des Etats en datte du 27 mars dernier, annonce un don accordé par le Roy et les Etats […] pour être employé au soulagement de la corvée et des pauvres habitants de cette paroisse et en ustanciles nécessaires 70" : la paroisse reçoit 89 £ 6s 9d, et celle de Saint-Gondran, 55 £ 12s 9d. La somme est utilisée pour confectionner des masses par les " taillandiers ", et le reste pour " faire travailler les gens nécessiteux à curer les rigoles et à dresser les banquettes et au surplus pour faire tirer de la pierre 71", que Bazouges destine plutôt aux réparations du grand chemin. Cette mesure est d’autant mieux accueillie que les réquisitions de main-d’œuvre, pour l’entretien des routes royales et des chemins qui bordent les propriétés des paroissiens, n’a jamais enthousiasmé personne. Bazouges fixe la journée à 14 sols pour les journaliers, 8 pour les femmes, et les enfants 6 : le procureur fiscal Pollet est chargé de " payer les travailleurs et à veiller à l’ouvrage ", mais ce qui est intéressant ici, c’est le rôle des syndics. Toujours à Bazouges, il " commandera les ouvriers […] et tiendra registre des journaliers ", tandis qu’à Saint-Gondran, on ajoute même qu’il sera payé 24 sols et chargé d’aller avec des " députés " au marché pour " faire tirer de la pierre pour le grand chemin ". On peut s’interroger sur son rôle réel, car dans le bassin parisien, " lorsque la communauté des habitants avait des intérêts distincts de ceux des seigneurs ou de la fabrique et du curé, elle choisissait un mandataire pour les soutenir 72". Nous ne savons pratiquement rien d’eux, sauf peut-être qu’ils sont plutôt des notables : tous savent signer, dont Jean Riche, fils de Julien, le principal notable de Saint-Gondran, dont il sera le futur maire. A Guipel, Toussaint Duclos occupe ce poste depuis au moins 1787 et sera remplacé le 11 janvier 1789 (par qui ?), après son décès : on peut juste noter qu’il appartient à une principale famille souvent présente au général, mais ce n’est pas le cas de Pierre Depoues, syndic à Bazouges, qui ne paie d’ailleurs que 3 £ 5s de capitation. Contrairement à C. Bouthon, nous ne pensons pas qu’ils occupent ce poste pour le prestige ou pour diriger la vie villageoise. Sans être des agents seigneuriaux, nous ne savons pas par qui ils ont été élus, mais leur autonomie semble subordonnée au général qui ne leur confie qu’un rôle de commissaire pour des missions sporadiques : ils ne sont d’ailleurs jamais présents aux réunions du général de 1785 à 1789, sauf à celle d’avril 1786 pour les secours aux pauvres à Bazouges et à Saint-Gondran. En cela, nous partageons l’idée que la " présence du grand-père ou du père délibérateur coïncide trop souvent avec l’attribution d’une petite fonction locale à un fils pour retenir le seul fait du hasard : nommer un fils de notable rassure ", et cela concerne également les alliés proches par des intérêts sociaux ou une parenté spirituelle. 73



    Face à ces quelques exemples, on note que les paysans sont familiarisés à une gestion administrative (réunions structurées, comptes rendus) et aux débats politiques (délibérations, votes). Le recteur, en tant que médiateur, est respecté et écouté s’il assure ses responsabilités. D’ailleurs, la communauté n’hésitera pas à s’affranchir des tutelles ou engager des procédures si ses intérêts vitaux sont menacés. Cependant, on perçoit déjà l’influence des procureurs fiscaux : Aubrée, présent mais presque effacé, laisse le général de Guipel "s’autogérer ", sans arbitrer les conflits, contrairement à Pollet pour Bazouges et Saint-Gondran, où il semble totalement dominer sous sa houlette les paroissiens. D’ailleurs, en sa présence, aucun conflit avec les nobles n’a été observé.