PREMIÈRE PARTIE


LA SÉNÉCHAUSSÉE ROYALE DE HÉDÉ DE 1694 A LA FIN DE L'ANCIEN RÉGIME.


CHAPITRE V : LES LIEUX où S'EXERCE LA JUSTICE

 

a) L'auditoire de Hédé et la prison

L'Auditoire de Hédé (ensemble de constructions (47) qui comprenait l'Auditoire lui-même, les prisons et les Halles situés sur la place centrale ) était le siège de la juridiction, le centre auquel venaient se rattacher toutes les terres nobles et juridiction qui y étaient comprises. Ces constructions remontaient au XIIIe siècle.

Le Sénéchal, premier officier, rendait la justice au nom du roi et recevait pour celui-ci les actes d'hommages, d'aveux, d'obéissance et de soummîssion. Les bourgeois de la ville se réunissaient dans une des deux salles de l'Auditoire pour discuter des affaires et des intérêts de la Communauté.

Le rez de chaussée était divisé en quatre pièces aménagées à usage de boutiques s'ouvrant sur la façade et louées à de petits de marchands. A l'extrémité Nord s'ajoutaient deux autres pièces faisant partie de la prison, cachot et basse fosse.

L'étage auquel on accédait par un double escalier extérieur contenait seulement 2 pièces blanchies à la chaux d'allées de carreaux de briques. L'une très grande, au dessus des boutiques, la salle des plaids généraux, pour les affaires civiles de la juridiction royale et quelques juridictions seigneurales.

La seconde chambre criminelle de moindre dimension recouvrait le cachot et la basse fosse, communicant avec la première par une porte intérieure et avec les prisons par une galerie et escalier aboutissant à la cour de la geôle.
Les prisons (48) formaient une annexe du tribunal. Elles donnaient sur la place entre la rue du four ou de l'église et la de Saint-Malo.

Au rez de chaussée, au dessus de la chambre criminelle de l'auditoire ou Hôtel de ville étaient situés le cachot et la basse fosse pour renfermer les prisonniers les plus coupables, puis les latrines et à la suite deux autres prisons pour ces cas moins graves, simples délits ou contraventions de police ou destinés aux femmes pour les isoler et éviter toute promiscuité avec les hommes.

A l'étage desservi par un escalier partant de la cour pour aboutir à une galerie en bois et les reliant à la chambre criminelle s'ouvraient trois autres pièces le logement du geôlier, contigu à cette chambre, puis deux autres plus petites, au dessus des prisons utilisées soit par lui-même pour son service personnel, soit comme local supplémentaire pour les femmes, soit enfin, pour les prisonniers plus favorisés et admis à la pistole.

Toutes ces pièces, sauf la chambre criminelle (par sa fenêtre intérieure, et celle occupée par le gèôlier, seule éclairée sur la rue) recevaient l'air et la lumière uniquement de la cour intérieure à travers les grilles et les barreaux d'étroites ouvertures.

 

b) L'administration - gestion et entretien des prisons

Les Etats géraient le Domaine Royal et confiaient le soin à des fermiers, chargés de son administration et de veiller à son entretien.

Le geôlier, agent inférieur de la justice devait affermer sa charge et fournir caution au receveur du domaine (49). Il devait présenter des garanties morales avant d'être agréé par les magistrats et admis à prêter serment.
En échange le geôlier avait la gratuité du logement dans les prisons même. Il était exempté de la capitation et du logement des gens de guerre (charge lourde pour les habitants de Hédé à cause des continuels passages et séjours des troupes).
Cependant, il n'avait pas d'appointements fixés, son salaire variait selon le nombre et la qualité des gens qu'il avait à sagarde.
Le geôlier de Hédé était seul et n'avait point de guichetier pour l'aider dans son service. Il suffisait à sa besogne. "Il n'était point en titre d'office, les juges nommaient qui bon leur semblait" (50).

Les charges du Domaine de la Couronne vis-à-vis des prisonniers consistent en leur logement (51), entretien, nourriture " à l'eau et au pain du Roi " juste le stricte nécessaire. Il attribue 2 sous par jour au geôlier, 2 sous par jour aux prisonniers pour se faire payer, le geôlier doit encore entamer une longue procédure et présenter au procureur du roi un état des dépenses et obtenir du Sénéchal un jugement exécutoire.

 

Quelques noms de geôliers :

1680 :
Jean GUIN0T
Julien DACORET
, geôlier et tambour
(seconde ressource compte tenu de la baisse du nombre des prisonniers par suite du mauvais état des prisons)

1782 :
Julien THÉBAULT

 

Une enquête faite en 1769, par ordre de l'Intendant concluait "La chambre criminelle s'est écroulée depuis tantôt 15 ans avec les prisons au dessus desquelles elle était placee...

Lorsqu'il se trouve des criminels, on est obligé de les faire conduiredans les prisons de Rennes (52), ce qui occasionne des frais considérables au Domaine, et le défaut de ces prisons présente de fâcheuses conséquences".

Dans la lettre qu'il adressait à Mr de la BOVE, avec cette enquête, M. RUAULX de la Tribonnière subdélégué de l'intendant et sindic de la communauté de Hédé ajoutait avec découragement
"Quant aux prisons, il n'y en a plus, ce défaut de prisons semble donner au peuple une certaine licence et l'autoriser à manquer aux juges même et à tous ceux qui tiennent un certain rang dans la ville, qui, souvent sont insultés impunément. Enfin, il se passe peu de tirage au sort (53) où il n'y ait quelques rébellions, et si on avait des prisons sur les lieux, la seule menace serait un moyen de les contenir.

Le subdélégué n'obtiendra rien. Le Roi (qui n'avait pas d'argent pour l'entretien des auditoires et prisons de son domaine) le mit, par l'arrêt de son conseil d'Etat du 29 mars 1773 (54) à la charge "des villes dans lesquelles les cours et juridictions sont établies" sous prétexte que "s'il doit en résulter une charge pour elle, elles en sont indemnisées par les avantages que leur procure l'établissement des dites juridictions soit par la plus grande promiscuité des tribunaux et une police plus exacte, soit par le loyer plus avantageux des maisons, la plus grande consommation et le haut prix des denrées occasionnées par l'affluence des étrangers, d'où résulte l'augmentation des octrois dont jouissent la plupart des villes où les dites juridictions sont établies".

Le 3 février 1771, les bourgeois prennent alors une délibération "par rapport à un corps de garde où l'on puisse mettre les perturbateurs du repos public (55), les mendiants que les cavaliers de la Maréchaussée (56) amènent journellement à Hédé pour être transportés à Rennes, attendu que les prisons de Hédé sont totalement assolées, et supplient Monseigneur l'intendant de vouloir bien permettre à la communauté de prendre sur ses derniers une somme de 500 livres... jusqu'à concurrence de laquelle, sous le bon plaisir de Monseigneur l'Intendant, elle ferait édifier par économie, un petit bâtiment qui servirait de corps de garde".

Pas de résultat.

En 1772, second échec ( Plan d'un auditoire par le Sieur Dorotte Ingénieur ).

La communauté de ville trouvera un autre moyen. Elle pensa à deux des quatre boutiques sous l'Auditoire, comme prisons et les les deux autres comme logement du geôlier, après réparation (57). Cette fois-ci l'Intendant accepte la requête.

Le 16 mai 1776, les travaux d'élargissement de la route de Saint Malo entrainent la destruction d'un pignon des prisons par la Communauté elle-même.

Le 10 août 1782, un autre logement "corps de garde" est affermé par la ville pour 3 ans au géolier Julien THEBAULT.

Tout au long du XVII et XVIIIe siècle, de nombreux procès verbaux et états des lieux des bâtiments cités ci-dessus concluent un état déplorable des murs et ouvertures nécessitant d'urgents travaux de réfrection.

L'Auditoire et la prison "construction de simple "maçonnaille" de pierres noyées dans la terre dont la solidité tenait surtout à l'épaisseur des murs furent en décadence tout au long du siècle"
On note quelques évasions, à la fin du XVIIe s

En 1674, le Sieur ROULLEAUX s'évada en plein jour, suscitant une grande émotion de la population. Son évasion aboutit à une enquête du 18 mai 1674 (57), à la demande des habitants, celle-ci conclua à la ruine des prisons.

"Situation impossible, intolérable, absence de fermeture de portes, les serrures arrachées, les portes pourries ont disparu, les planchers sont percés : il est impossible de garder les prisonniers".
Le domaine se montra récalcitrant, trouvant la dépense trop forte. Il ne fit rien sinon reboucher les trous.

18 juin 1680 nouvelle évasion constatée par Jan GUINOT geôlier. Il y eut probablement d'autres évasions au cours de la première moitié du XVIIIe si ècle, aux prisons de Hédé. Les sources étudiées ici n'en indiquant aucune.

Les états des lieux et procès verbaux de l'auditoire et des prisons :

11 janvier 1649, puis 1658 : piteux état

Les réparations les plus urgentes furent entreprises par les trésoriers généraux de France et du Domaine.

Suite au rapport du Sieur DEBROU, Conseiller d'État et Intendant, on prit la décision de faire quelques dépenses aux frais du Roi, pour empêcher les prisons de tomber.

1723 : devis de réparation (prison et auditoire) - 3340 livres. (58)
1729 : Appel d'offre 2880 livres par le Sieur de Beaumont. (59)


Adjudication des ouvrages, au rabais en faveur du moins disant et dernier enchérisseur.

Ce sont les derniers travaux entrepris pour la consolidation des prisons. En 1755, le cachot et la basse fosse s'écroulaient entraînant avec eux la chambre criminelle bâtie au dessus. Le geôlier était obligé d'abandonner son logement.

 

(47) ANNE-DUPORTAL, Bull. et Mémoires de la société archéologique d'Ille et Vilaine, Tome XLIV 1914,
"
Hédé la Seigneurie ", p.342 et suivantes
(48) ANNE-DUPORTAL, p.357 et suivantes.
(49) A.D d'Ille et Vilaine
Minute du greffe de la Sénéchaussée - p.359, ANNE-DUPORTAL.
(50) Rapport de
Mr de la Tribonière à l'Intendant de Bretagne - A.D Ille et \!ilaine C.110
(51) Logement exigu et insalubre. Nous en reparlerons dans le chapitre :
"La vie des détenus en la prison de Hédé".
(52) "Attendu que les prisons de Hédé sont totalement assolées" 38E 435 (1773)
(53) 38E 452 Excès et mauvais traitement à Jean Marie et Louis DESCOURS.
(54) Cité par ANNE-DUPORTAL, p.351.

(55) 38E 405 Tapage nocturne - dépôt d'ordure aux portes de bourgeois à Hédé en 1763 , Plainte de Sébastien HERVOCHE, Noble Homme, Sieur de Guilliot ( Echevin et capitaine de la Milice bourgeoise de la ville de Hédé.)
(56) Ils étaient jugés par la juridiction des prévôts
(57) ANNE-DUPORTAL, p.379.
(58) A.D
Minute du greffe liasse 1671 cité par ANNE-DUPORTAL
(59) Archives d'Ille et Vilaine, "
l'état des prisons en Bretagne, enquête de 1769."

 

 

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