PREMIÈRE PARTIE


LA SÉNÉCHAUSSÉE ROYALE DE HÉDÉ DE 1694 A LA FIN DE L'ANCIEN RÉGIME.


 

CHAPITRE II : LA VILLE DE HÉDÉ, SIÈGE DE LA SÉNÉCHAUSSÉE

 

L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE ET JUDICIAIRE

Petite ville d'importance avec ses institutions propres, ses franchises Hédé était dotée d'une communauté de ville (14) (peu de villes bretonnes en possédaient) avec ses deux rouages de l'administration municipale :


- l'Assemblée générale (elle tenait ses réunions dans la grande salle de l'auditoire)
- les officiers municipaux,détenaient le pouvoir exécutif. Celle-ci prenait soin de la règlementation, de la composition des assemblées (pour exclure les éléments de désordre) et n'admettre que les seuls notables.


Avoir une communauté de ville entraînait d'importants privilèges : tout d'abord politiques : être représenté aux Etats de Province où leurs députés constituaient l'ordre du tiers, puis des privilèges d'ordre fiscal : Hédé étant affranchie de tout impôt noturier (impôt sur les fouages...). Ainsi les bourgeois qui étaient astreints au service militaire pour la garde du château étaient regardés comme Nobles et leurs maisons considérés comme telles telle la Maison et Auberge de l'Ecu aux Hevroches en 1694.

L'organisation judiciaire de la Bretagne était complexe, trois ordres de justice fonctionnaient concurrement :

- les justices royales (au nombre de 45)
- les justices seigneurales et écclésiastiques avec prépondérance de la justice royale, avaient à leur tête le parlement de Bretagne (leur supérieur hiérarchique).

a) Les justices royales furent introduites dans la Province à mesure que reculait l'indépendance du Duché, symbole de la présence royale, leur nombre ne cessa d'abord de croître d'une manière anarchique.

Le pouvoir royal les réforma, supprimant les sièges au ressort trop exigu ou pas trop vaste leur nombre passa de 42 en 1551 à 24 à la veille de la révolution (15).

 

a) L'origine des Sénéchaussées


"Au Moyen-Age, depuis le XIIIe siècle la Bretagne en huit grandes baillies ou comtés (circonscriptions ou Sénéchaussées) qui s'étendaient eux-mêmes sur des paroisses au-dessous desquelles des juridictions ou barres ducales inférieures se trouvaient dans les châtellenies possédées personnellement par le Duc (16).


Le Sénéchal était placé à la tête de la juridiction, ce juge en appel de toutes les sentences civiles et criminelles". Les jugements des sénéchaux ducaux pouvaient être portés devant le Sénéchal de Rennes par voie de contredit (17).Au contraire, le Sénéchal de Nantes avait sur les juges du comté nantais, la même supériorité que le Sénéchal de Rennes sur les juges du reste de la Bretagne (18).


En 1532, François1er modifia ce système. Considérant que de la sorte les causes étaient rendues "comme immortelles mettant à pauvreté le peuple du dit pays", il supprime le droit de contredit du Sénéchal de Rennes sauf en ce qui concerne les sentences rendues par les sièges de Fougères, Saint-Aubin, Hédé, Lamballe, Moncontour et Dinan qualifiés eux-mêmes de Sénéchaussées.

En1552, nouvelle réformation : les baillies furent supprimés. Les présidiaux furent créés. A chaque Présidial correspondait 40 Sénéchaussées(19).

 

b) La Sénéchaussée de Hédé

- Son origine et son ressort :


Elle subit de nombreux changements depuis la date de sa fondation (lointaine) à celle de sa suppression (1790). La juridiction de Hédé était juridiction ducale et par conséquent jugeant en haute justice ( existence d'officier à la couronne de Hédé dès 1413-1420 ).
En 1565 la Sénéchaussée de Hédé fut avec celle de Saint Aubin du Cormier rattachée par Charles IX à la Sénéchaussée ou Présidial de Rennes. (François1er créa les trois présidiaux de Bretagne : Rennes, Nantes, Vannes, tribunaux à compétence plus étendue que les hautes justices = nouvelles cours d'appel ).

En 1619, la terre de Hédé rentra dans le domaine royal. Hédé faisait partie des Sénéchaussées les moins étendues (20).
13 paroisses formaient le ressort de la juridiction royale (21). Dans ces paroisses se trouvaient inclus un nombre assez considérable de terres nobles, (22) relevant du roi par son domaine de Hédé ; certaines données par les ducs ( généralement à l'occasion et en récompense du service militaire, exemptés d'impôts noturiers ).

Les limites de son ressort, anciennes étaient imprécises, leur imbrication avec les justices seigneurales voisines provoquaient parfois des conflits d'ordre de compétence (23).

 

- Ses compétences - ses emblèmes :

L'instruction de certains crimes était réservée aux juridictions royales. Pour toute peine afflictive, le justiciable pouvait porter son appeldevant le Parlement de Rennes. Les cas royaux définis par l'ordonnance de 1670 (24) étaient réservés aux présidiaux.

La Noblesse était jugée à part, "écclésiastiques gentilhommes, secrétaires" devant la grande chambre du Parlement.
La Sénéchaussée royale de Hédé avait compétence de Haute justice avec ses prisons, ses potences, emblèmes de son droit "Fourches patibulaires" situées au bord du chemin qui menait à Rennes au lieu "la justice" afin service d'exemple et d'épouvantail aux malfaiteurs.
L'exécuteur de Haute justice exerçait son office pour les rares exécutions capitales.

En 1718 (25), M. HERVAGAULT Sénéchal écrivait à Monseigneur l'intendant de Bretagne, avouant que les magistrats ont eu encore des crimes à juger ; "il déclare que depuis plus de 30 ans le bourreau n'avait point eu lieu d'exercer son office. Tous ceux qui ont été
comdamnés à mort ont été exécutés à Rennes, aux fins de leurs appellations.

Le sceau de la juridiction de Hédé ( puisque toute cour devait en avoir un pour garantir l'authenticité de ses actes portait naturellement les armes de la Bretagne - fait "d'hermines plein" -en usage jusqu'en 1680, date à laquelle le généologiste officiel d'Hozier imposa à toutes les cours royales les fleurs de Lys de France ).
La Révolution par son décret du 14 Août 1789 a aboli, avec les droits féodaux, les juridictions royales pour en faire des tribunaux.

Cet évènement aura de graves conséquences sur la ville de Hédé et entraînera sa ruine et sa déchéance.

"Auparavant Hédé était plus qu'une préfecture avec son subdélégué de l'intendance, sa cour royale civile et criminelle prenant une part active à l'administration de la Province par le moyen de ses députés élus ; possédant une administrature intelligente et de nombreux
officiers qui formaient le quart de sa population. C'est un passé brillant qui disparaît. Hédé devient un simple chef-lieu de Canton et une petite justice de paix"(26).

 

(14) Histoire de la Bretagne E. DURTELLE de Saint SAUVEUR. Une communauté de ville : les bourgeois gèrent leurs affaires directement.
(15) Carte des Sénéchaussées ou sièges royaux en 1789 (d'après BRETTE) 400. Les Sénéchaussées ou "baillages" connaissaient des appels des jugements des prévôts et des châtelains, en première instance des causes civiles et criminelles des Nobles, des tutelles et des curatelles". Au criminel, leurs sentences s'exécutaient nonobstant appel jusqu'à 200 livres". Les baillages ne jugaient qu'à charge d'appel aux présidiaux et aux parlements.
(16) DURTELLE de Saint Sauveur, pp.22-23.
(17) A. OHEIX "Essai sur les Sénéchaux de Bretagne des origines au XIVe siècle, Paris 1913, p.82.
(18) TREVEDY : "Organisation judiciaire de la Bretagne avant 1790 dans Nouvelles revue historique de droit français et étranger 1893, p.195.
(19) TREVEDY, p.238.
(20) Histoire de Bretagne DURTELLE de Saint Sauveur, 4ème édition, p.23 Les institutions bretonnes, Ch.IX L'organisation judiciaire (11 paroisses seulement)
(21) Anne DUPORTAL compte 13 paroisses (DURTELLE 11) Les paroisses correspondaient sensiblement aux communes actuelles.
(22) ANNE-DUPORTAL Grandes seigneuries de Haute Bretagne comprises dans le département d'Ille et Vilaine. Mémoire de la société Archéol., Tome XXII et suivants.
(23) Affaire 3BC 454 1786 Conflit d'ordre de compétence entre le Sénéchal de Hédé et le Sénéchal et procureur fiscal de COMBOURG à propos de la levée "lief" d'un cadavre de femme en la Lande de Tanouarn près de la fontaine ORAIN en Tinténîac, cf. annexe.
(24) Cas Royaux, ordonnance d'août 1670, titre I, Article XI - Crimes de lèse-majesté - sacrilège avec effraction - rebellion - police-port d'armes - assemblées illicites, sédition, émotions populaires, fausse-monnaie - correction des officiers - malversations dans leurs charges - crime d'hérésie - trouble public fait au service divin - Rapt ou enlèvement de personne par la violence.
(25) Cité par ANNE-DUPORTAL Hédé, La seigneurie, Tome XLIV 1914, Juridiction III.
(26) Même auteur, tome XLJV 1914, p.246.

 

 

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