Pouvoirs et politisation : Hédé et son canton
( 1785 — An II)


II- LE POUVOIR LOCAL, ENTRE ADHÉSION ET MÉFIANCE (1789 — An II)

E- Les communes à l’épreuve (An II-An IV)

    La vie politique locale va connaître un véritable bouleversement dès cette année 1793. Les multiples réquisitions d’hommes provoquent une révolte qui embrase tout le grand Ouest, donnant naissance à la guerre civile vendéenne et, plus tardivement, à la chouannerie au nord de la Loire. Les autorités locales doivent donc faire face à la radicalisation armée de la contre-révolution, mais aussi aux changements institutionnels venus de la capitale.

    Alors que la République est proclamée depuis plusieurs mois, la Convention voit s’affronter les députés girondins et montagnards sur de nombreuses questions dont celles de la conduite de la guerre, la mise à mort du roi, la question religieuse… La prise du pouvoir par les Montagnards, avec l’appui populaire des sans-culottes, inaugure en juin la République jacobine qui met à l’ordre du jour la Terreur contre les rebelles et suspects. De nouveaux pouvoirs locaux se greffent aux municipalités pour appliquer plus efficacement les directives du Comité de Salut Public. La Constitution de l’an I et son grand idéal populaire d’une République démocratique ne sera pourtant jamais appliqué car l’on proclame le gouvernement révolutionnaire jusqu’à la paix : toutes les élections sont suspendues dès le mois d’octobre 1793. La chute des robespierristes en juillet 1794 ouvre la voie de la Convention thermidorienne qui applique une politique réactionnaire en étouffant les pouvoirs locaux, dans un mélange surprenant de persécutions religieuses et de retour au libéralisme économique.

    Les nécessités militaires et économiques, les épurations municipales et le contexte de la guerre civile sont au cœur des préoccupations quotidiennes du canton. Les élections de novembre 1792 avait porté un personnel municipal qui sera amené à traverser cette période jusqu’au retour des élections en brumaire an IV (novembre 1795). Confrontés aux exigences des autorités et aux réalités locales, la question en suspend reste bien sûr leur capacité de conciliation ou d’application zélée des mesures révolutionnaires.


    1. Une continuité du personnel ?

    Malgré le suffrage universel et l’accélération du processus révolutionnaire, il s’avère que 1792 n’apporte pas de bouleversement notable dans les municipalités du canton : Lebrun et Pollet sont maire depuis 1790, respectivement de Vignoc et Bazouges, ou encore Deslandes à Hédé, et Guérin à Guipel depuis 1791. Nous ne reviendrons pas sur le chef-lieu, mais un bref état des lieux s’impose pour ce qui concerne les officiers municipaux. Son originalité révèle une persistance des personnages clefs au sein des communes : ce sont toujours les mêmes noms qui reviennent, comme par exemple à Saint-Gondran où Julien Quenouillère et François Couapel occupent ces postes sans interruption depuis 1791. Inutile de rappeler qu’ils étaient membres du général, mais cette inamovibilité se confirme à Bazouges avec Jean Hannier et Jean Dauphin. Dans les cas contraires, ces postes d’officiers municipaux sont pourvus par le vivier des notables. Seul la charge de procureur connaît un véritable roulement car rares sont ceux qui se maintiennent plus d’un an, fruit sans doute d’une surcharge de travail que beaucoup ne souhaiterait pas assurer indéfiniment, même si Hédé est un cas particulier. Aubrée est obligé de quitter ce poste et sa profession de notaire conformément à la loi : " comme il réunit ces 2 fonctions maintenant incompatibles, il déclare par sa dernière lettre opter en faveur de la justice de paix ". Remplacé par Guynot, celui-ci déclare être domicilié à Saint-Symphorien depuis la Saint-Jean dernier, et se plaint de devoir vivre en pension à Hédé aux jours des séances municipales. Il demande alors au conseil général de nommer un autre procureur, " mon deffault de fortune ne me permettant pas de pouvoir subsister alieurs qu’à mon domicile et vu encore que les décrets ne permettent pas d’être d’une commune pour les offices sur une autre ".

    Globalement, toutes les municipalités fonctionnent avec un personnel très réduit, une trentaine serait un grand maximum pour la plupart d’entre-elles, car seules Saint-Gondran et Langouët comptent sur une vingtaine de ses concitoyens pour la gestion communal. La plupart sont issus de la notabilité paysanne.

    Le 19 vendémiaire an II (10 octobre 1793), Saint-Just effectue un rapport à la Convention, où il montre que les institutions sont révolutionnaires alors que ceux censés les faire fonctionner le sont beaucoup moins : " dans les circonstances où se trouve la République, la Constitution ne peut être établie : on l’immolerait par elle-même. Elle deviendrait la garantie des attentats contre la liberté parce qu’elle manquerait de la violence nécessaire pour la réprimer ". La Convention proclame en conséquence le " gouvernement provisoire de la France révolutionnaire jusqu’à la paix ", augmente les pouvoirs du Comité de Salut Public et réorganise les autorités constituées selon des liens plus étroits avec le pouvoir central, grâce au décret du 14 frimaire an II (4 décembre 1793). Les administrations de district prennent une nouvelle envergure mais auprès d’elles, et comme chaque municipalité, le procureur est remplacé par un agent national nommé par les autorités : chargé de requérir et surveiller l’exécution des lois, de dénoncer les négligences ou infractions commises, il doit rendre des comptes décadaires, " ce formalisme bureaucratique tatillon, symptomatique de centralisme très accentué du nouveau système politique ". Toutes les municipalités doivent également obéir aux injonctions venues du district, en procédant à une séance électorale épuratoire. Or, elle est généralement " de pure forme et confirme chacun dans ses fonctions. Et lorsqu’il s’agit de désigner l’agent national de commune, personnage clef dans le nouveau dispositif, presque toujours, on reprend simplement l’ancien procureur ".

    C’est d’ailleurs ce que laisse clairement entendre Dansay, procureur de Guipel, qui se qualifie d’ " agent provisoire " lorsqu’il écrit à son collègue du district : " citoyen, je ne reçu que dimanche dernier la loi du 14 frimaire […] et convoquai pour dimanche prochain les citoyens de cette commune pour procéder à l’épuration […]. Aussitôt cette opération terminée, je t’en ferait passer le procès verbal en cas que par continuation je sois réélu agent national. Tu voudras bien prendre toutes les mesures nécessaires pour que les pacquets à mon adresse me parviennent sans retard, sans quoi je ne pourrai entretenir avec toi une correspondance exacte au désir de la loi, et par ce moyen, la responsabilité qu’elle prononce deviendrait plutôt une tyrannie qu’un vrai moyen d’assurer son exécution ". Ayant conscience que la loi révolutionnaire remplace désormais la légitimité électorale, il est remarquable de noter cette force d’adaptation, d’inertie des campagnes face à ces mesures venues d’en haut. Est-ce une fatalité ? Peut-être pas, le tutoiement, symbole d’égalité et de fraternité, est une marque théorique de l’engagement des révolutionnaires mais reste le signe de nouvelles perceptions mentales sur la solidarité politique. Son successeur à Guipel n’est autre que Jean François Allix : apparaissant comme agent national en prairial an II (juin 1794), nous sommes en mesure de confirmer l’idée de Y. Tripier sur l’origine de recrutement de ces nouveaux relais locaux du pouvoir central. Pour ce qui est des municipalités rurales, ils sont souvent issus de la petite bourgeoisie des procureurs et des notaires, et de la paysannerie aisée (Jean Josse à Langouët, de Bréal à Saint-Symphorien). Mais pas seulement, car il est tout à fait possible qu’un modeste paysan soit nommé pour ce poste (Julien Guillemer à Bazouges, Joseph Cheruel à Saint-Gondran), posant ainsi le problème de la compétence et d’une instruction minimale. Tous n’ont pas forcément les capacités intellectuelles et administratives requises pour ce poste exigeant, mais tous savent signer. Le cas de Bazouges nous a en cela interpellé. Une lettre signée de l’agent national François Grinhard est tout bonnement rédigée de la main du maire Pollet. Décidément, ce dernier contrôle sa commune d’une main de fer, et il nous paraît difficile alors d’imaginer dans ce cas précis, qu’il s’agisse d’un agent du pouvoir indépendant des pressions locales. D’ailleurs, dans cette lettre, Pollet se permet même d’ironiser sur les compétences de l’agent du district : " tu nous as menacé d’une garnison à cause de la fourniture de foin, paille et avoine que le district nous avait assigné pour notre contingent, tu ignorais sans doute que le directoire du district nous as autorisé, sur nos représentations, à délivrer ce contingent au commis de l’étapier à Hédé […], tu misais de rigueur envers nous, ce serait contre toute règle et abuser de notre bonne foi ". Son interlocuteur n’est d’ailleurs absolument pas dupe et répond, non pas à l’agent de Bazouges, mais au maire pour lui signifier que " j’ai su mettre de l’ordre dans ma correspondance, longtemps avant la leçon peu décente que tu te permets de me donner à ce sujet ". Le ton devient ensuite bien plus menaçant car si Pollet s’adjuge les fonctions de l’agent national auprès de Bazouges, alors soit, mais " je saurais faire mon devoir. Il consiste en partie à te rappeller le tien et à te dire que tu ne l’as pas remplie puisque le recensement des grains de ta commune n’est pas encore arrivé, quand le tableau général du district est déjà parti pour la Convention avec fort peu de lacunes comme celle de ta commune. Mais j’ai fais mon devoir et je ferais passer les ordres que m’enverra la Convention pour les communes négligentes ou réfractaires ". Un tableau de l’état politique du district confirme ces remarques " édifiantes " sur Bazouges : " point de patriotisme dans cette commune mais aussi point d’aristocratie turbulente […], un maire intelligent mais foible, de même que ses administrés ". Ces tensions ne sont pas rares car les agents nationaux du district manifestent souvent leur agacement pour dénoncer les négligences voire la complicité de l’agent national d’une municipalité. La situation précaire de ce dernier et les contradictions nées de la survivance d’un personnel antérieur à l’ère républicaine provoquent immanquablement des tensions au sein même de cette hiérarchie administrative des agents nationaux, surtout si le sommet est plus révolutionnaire que la base. Soumis aux pressions du district, les agents municipaux prennent le risque d’être exposés à la fureur des habitants qui refusent de coopérer aux directives, car pour beaucoup, l’objectif unique reste de faire respecter, au moins en surface, la loi républicaine. Une véritable foi révolutionnaire peut donc très bien se mêler à la mauvaise volonté générale.
    Cette situation ne peut donc évidemment pas durer car la loi de frimaire an II prévoit également que les municipalités, comme toute autre administration, doivent être régénérées au détriment des éléments inaptes ou suspects. L’épuration du canton de Hédé sera assez tardive, car elle fait suite à l’arrêté du représentant du peuple Lecarpentier, en mission auprès de l’armée de l’Ouest, en date du 15 floréal an II (4 mai 1794) : " la Liberté, tant de fois menacée par des conspirations sans cesse renaissantes qui offroient, au calcul des ennemis de la patrie, des espérances […], c’eut été conduire la liberté au tombeau […]. Aujourd’hui, il n’y a qu’un gouvernement de terreur qui convienne à notre position. […] C’est pour vous remettre le dépôt de l’application des lois révolutionnaires qu’elles les a arraché des mains infidèles des départements [fédéralistes ?] qui, oubliant qu’ils tenoient leurs pouvoirs du peuple, les ont tourné contre le peuple ". L’article II ordonne donc que les " agents nationaux des districts appelleront auprès d’eux, les commissaires des assemblées primaires du canton, et un patriote connu de chaque commune, pour procéder à l’épuration des municipalités et des comités de surveillance ". Le 26 prairial an II, l’agent Juston reçoit donc les délégués du canton de Hédé :

    . Belletier, commissaire de l’assemblée primaire
    . Deslandes et Pollet, maires de Hédé et Bazouges
    . Allix et Josse, agents nationaux de Guipel et Langouët
    . Piguel, officier municipal de Vignoc
    . Guynot le jeune " de la commune de Saint-Symphorien "
    . Thébault, membre du comité de surveillance de Saint-Gondran


    Nous ne savons pas sur quels critères Juston s’est basé pour définir le patriotisme de chacun, mais pour ce qui est de Pollet et Piguel, ses renseignements laissent à désirer… Globalement, tous sont républicains et cela a son importance car Juston va " révolutionnairement réorganisés " ces municipalités par ces délégués qui vont l’ " éclairer de leurs conseils […]et après avoir pézé dans la balance de la vérité et de la justice les observations de chacun sur le civisme et la capacité des différents membres ". Les motifs invoqués pour les remplacements sont pour nous très importants car ils révèlent l’état d’esprit régnant au sein des municipalités, échos par extension de l’ensemble des habitants. Grosso modo, le personnel reste inchangé car sur les 132 élus municipaux, seulement 24 sont remplacés. Et encore, les motifs sont dans la moitié des cas purement " techniques ". Ainsi, Hédé ne connaît pas de changement (sauf pour Olliviéro, enfermé au Mont-Michel, mais nous y reviendrons). Concernant Bazouges et Guipel, 2 de leurs officiers municipaux sont remplacés car " Jean Biet étant trop éloigné [du bourg] et Pierre Simon étant chargé d’une très grande exploitation, sa femme infirme et 5 enfants en bas âge ". Un notable est remplacé à Vignoc et Saint-Gondran mais c’est dans cette dernière commune que Pierre Thomas est astreint au motif que " ses affaires ne permettent pas de gérer plus longtemps cette place ". Seul Laurent Colombel, maire de Saint-Symphorien, est remplacé à cause de son grand âge, par Guynot, l’ancien procureur de Hédé.

    Or, l’argument de révocation le plus grave reste bien sûr les appréciations du type " peu de bonne volonté ", " incapacité ", " insouciance " voire " incivisme ", car toutes définissent des élus comme autant d’opposants, ou au moins, comme trop modérés. Cela devient intéressant dans la mesure où Bazouges et Langouët en comptent 3 chacune, et même 6 à Saint-Symphorien ! Le personnel de cette dernière commune est la plus touchée par les épurations (11 sur 20), même si de Bréal a réussi a sauvé sa " tête " : " quoiqu’ex noble [il] sera continué agent national d’après les preuves de civisme et de capacité qu’il n’a cessé de montrer depuis et même avant la Révolution, s’en référant néanmoins à la sagesse du représentant du peuple ". Ces décisions n’ont sûrement pas contenté Belletier, car de Bréal et Pollet sont maintenus ! Juste une précision qui n’est pas anodine. Nous ne connaissons pas la profession exercée par tous les individus nommés, mais même si la plupart sont laboureurs, nous savons que certains sont artisans (quel ratio ?) : 2 tisserands et 1 tailleur au moins à Saint-Symphorien, ou encore François Soufflet, menuisier à Hédé. La grande majorité d’entre-eux n’avait jamais exercé la moindre fonction municipale. Soyons prudent, mais ne serait-ce pas une tentative de " sans-culottiser " cette épuration rurale ? Or, il faut bien savoir qu’il n’est pas forcément évident de trouver un personnel entièrement régénéré et compétent, le pragmatisme est donc de mise si l’on ne souhaite pas saper la gestion municipale.

    Il nous semble primordial maintenant de vérifier les réactions populaires suite à ces décisions. En effet, la transition de l’autorité conférée par la voie électorale se fait désormais par la nomination. Nous nous limiterons au cas de Langouët par souci de brièveté. Quelques précisions auparavant car la situation et les enjeux y sont complexes : l’épuration par Juston a aboutit à un remaniement de poste assez subtil. L’agent national Jean Josse remplace le maire François Geffroy, qui est nommé à son tour à la place de François Guillet, un officier municipal qui récupère le poste d’agent national (serait-ce en raison de sa profession de notaire ?). Son fils remplace Gilles Laisné dans la fonction de secrétaire-greffier. Le 20 messidor (8 juillet 1794), Jean Josse signale à Juston qu’à la suite de l’épuration, " il s’est levé de très grandes discutions qui sont venues de la part des citoyens Geffroy encien maire et encore davantage de Gilles Laisné de ce bourg, et François Simon qui ont tâchés de soulever toute notre commune, qui n’ont jamais voulu approuver notre réorganisation, disant qu’elle n’auroit jamais lieu, me traitant de failli petit roy, que je voulois m’attribuer des droits particuliers et que je l’avois fait d’authorité privée. Enfin, ledit Simon m’a déclaré à haute voix qu’il se foutoit de moy tout en entier et que je ne serais jamais maire. […] Le citoyen Geffroy ne veut pas non plus accepter la place d’officier municipal ". A cette lecture, la tentation est forte d’y voir l’expression d’un refus de toute atteinte à l’autonomie du pouvoir local. Ces nominations leur donne sûrement le sentiment d’une remise en cause d’une subtile hiérarchie sociale et des liens de clientèles au sein même de la municipalité, étant elle-même la transposition symbolique de cette micro-société villageoise. Perdre son siège de notable ou le prestige de maire au profit d’un autre fait naître ces rancoeurs : le refus de reconnaître Jean Josse révèle, si ce n’est une opposition de conviction politique, au moins la face dévoilée d’une oligarchie municipale qui ne lui a pas accordé une légitimité élective. En effet, la tentative avortée de " soulever " une révolte au sein des habitants de Langouët ne démontre rien d’autre que leur désintéressement à l’égard d’une affaire qui ne concerne, estime-t-on, que la sanior pars. Pour Juston, il n’y a pas de discussion possible car cette épuration n’a pas été arbitraire ni clandestine, elle est le fruit d’une décision du représentant en mission " qui ordonne à tout citoyen capable de remplir des fonctions quelconques, de les exercer, et ceux qui ont eu assez notre confiance […]. Est déclaré ennemis de la chose publique ceux qui refuseraient de travailler pour elle […] et traités comme tels ". Témoignage éloquent de 2 conceptions bien différentes de la démocratie en action car face à la municipalité élue par la souveraineté populaire, source de toute légitimité, s’oppose la parole du missionnaire de la République qui " s’exprime au nom de l’Assemblée dans son entier, donc au nom de la Nation et de la Loi ". Le pouvoir local ne dispose d’aucun recours face à la hiérarchie des puissances, mais l’agent national de district ne fait que suivre les consignes de fermeté de Lecarpentier, en choisissant de " chauds " patriotes voire des " terroristes ", pour appliquer la politique révolutionnaire. Or, leur bonne volonté se heurte quotidiennement au mauvais gré de leurs concitoyens pour exécuter les lois. Jean Josse, étant encore agent national de Langouët en prairial an II, demande que le district lui envoie des commissaires pour récupérer les effets de l’églises et le numéraire du coffre-fort. Constat d’échec sur son autorité, il avait pourtant convoqué la municipalité pour cet objet mais " les uns s’assembleront à 10 ou 11 heurs, les autres ver midy et après […] il ne se leva que discutions, les uns d’un avis, les autres de l’autre, on ne fit rien. […] La municipalité et les notables ont dit qu’ils n’en feroient point ouverture [du coffre-fort] sans le committé " de surveillance. Seul problème, les membres de ce dernier ne s’assemblent jamais… " Je les ays priés même sommés de l’ouvrir. J’ai même commandé à un serrurier […] de l’ouvrir et de lever la clavure où manque la clef. On m’a répondu que je n’avois que droit de représentation, et non d’authorité. Je me suis sur le champt retiré dans la maison du citoyen Jean Eon [ex procureur] où plusieurs m’ont suivis. Je lui ay dit qu’il eut dut fermer la porte et de ne laisser personne entrer […]. Julien Collet, un des notables, m’a répondu qu’on ne fermeroit la porte qu’à des chiens comme moy ". Coincé entre ses obligations d’agent révolutionnaire et le refus d’obtempérer des habitants (défendant le patrimoine paroissial), Josse reçoit une réponse en prairial caractéristique du district en l’an II : " dénonce-les et ne souffre pas que ceux qui sont chargés de faire exécuter les loix les enfreignent impunément ".

    Au contraire, suite à la chute de robespierristes le 9 thermidor an II (27 juillet 1794), le discours change radicalement. La proclamation de Lecarpentier signale aux départements de l’Ouest que " Robespierre étoit tout simplement qu’un tyran […] on avait voulu bâtir un triumvirat sur les débris du trône et sur les ruines de la liberté, c’est un attentat qui ne peut s’expliquer que par l’excessive audace, la prodigieuse perfidie et la monstrueuse ambition d’un Robespierre et de ses compagnons [Couthon et Saint-Just] de crime ". Il ne s’agit ici bien sûr que d’une simple facette de l’argumentation thermidorienne pour justifier le coup d’état parlementaire contre le Comité de Salut Public. Or, la " rupture avec la Terreur devait s’opérer sans remettre en cause ni la continuité de l’Etat républicain ni la légitimité de la Convention ". Ce qui nous intéresse ici n’est pas tant le revirement du montagnard Lecarpentier, mais bien sa volonté de restaurer la souveraineté nationale au sein du pouvoir législatif de la Convention, lorsqu’il demande aux citoyens d’avoir " confiance à la masse de vos représentants, aux lois de la République, au caractère du peuple français, au génie de la liberté. Voilà vos guides ". La transition du pouvoir doit donc s’effectuer en épurant les terroristes locaux : Hédé doit-elle craindre cette nouvelle ligne politique ?

    La Convention thermidorienne incite dorénavant ses missionnaires à recourir à des comités électoraux réduits, composés des administrateurs et de l’agent national du district, 2 délégués, et 3 citoyens de chaque commune. Par le décret du représentant Boursault en date du 6 vendémiaire an III (27 septembre 1794), une nouvelle épuration a lieu dans le district de Rennes. Les tableaux dressés à partir du personnel en place ne seront presque pas modifiés, nulle trace de commentaires sur d’éventuels opposants qui n’auraient pas été épurés en prairial an II, ni même de destitution pour " terrorisme ". Les patriotes sont même salués à l’image de Guipel où " ils sont en place depuis le commencement de la Révolution, soit dans les municipalités soit dans la garde nationale, tels que Chottard, Chabot, Gandilion et Allix ". La majorité est donc confirmée dans son poste, tel que François Grinhard fils, agent national de Bazouges qualifié de " très actif, sûr patriote ", et réélu par le comité électoral le 30 nivôse suivant car Boursault exige simplement des conditions de civisme et de compétence.

    Les modifications sont donc seulement " techniques ", comme à Langouët où Julien Biet, notable, " est décédé, ont [sic] réclame pour le remplacé Pierre André ", même si Jean Hannier est un officier municipal suspect de Bazouges : il " s’éloigne, depuis qu’il a été continué révolutionnairement dans ses fonctions le 26 prairial, des assemblées de la municipalité et des décades, il refuse de faire tout acte de sa place, il serait bien remplacé par Michel Monnier notable, lequel aurait pour successeur […] Pierre Rué qui étoit du comité de surveillance, tous 2 vivant de leur bien et sachant lire et écrire ". Les difficultés d’application de la loi restent toujours d’actualité car Allix, L’agent national de Guipel, signale au district que " nous sommes déterminés à faire conduire à Rennes le mobilier de notre église, les uns sont d’avis, les autres s’y opposent, sous prétexte disent-ils qu’ils n’ont jamais vu d’ordres de l’administration. Les gens que cela ne regardent en rien murmurent et menacent ".


    La réaction thermidorienne contre d’éventuels jacobins locaux n’est donc pas sensible dans le canton de Hédé alors que la Convention recherche la stabilité pour une République qu’elle croit menacée d’une " contre-offensive jacobino-populaire ". Faute d’alternative ou par satisfaction, la continuité est de rigueur dans le canton : doit-on souligner que très peu d’individus sont gratifiés de commentaires élogieux ? A l’inverse, nous n’avons relevé aucune dénonciation des hommes de l’an II, malgré le contexte de transition difficile.

    2. L’après-thermidor

    Après 2 années de suspension électorale, il faut attendre le Directoire, établit par la Constitution de l’an III, pour revoir les citoyens près des urnes. Votée par la Convention le 5 fructidor an III (22 août 1795), elle les charge de nommer en assemblée primaire les électeurs du second degré, qui se réuniront tous ensuite en assemblée départementale pour élire leurs députés dans les 2 nouveaux Conseils. La réunion des citoyens du canton de Hédé se déroule le 20 fructidor dans le Temple de l’Etre Suprême au chef-lieu. On soumet d’abord la Constitution à leur approbation, mais le taux de participation reste médiocre : sur 768 actifs, seulement 99 présents soit 13 %. M. Crook arrive à un montant comparable de 11 % à l’échelle nationale mais il soulève à juste titre un problème sémantique. Notre procès verbal rapporte les 768 " ayant droit de voter ", ce qui est sensiblement différent du nombre des inscrits car la liste de ces derniers ne comprend généralement que la moitié des ayants-droits. Disposer du droit de voter nécessite une démarche volontaire du citoyen pour venir s’inscrire sur la liste électorale auprès de l’administration municipale. Le taux de participation est donc sous-évalué car il se base sur des votants potentiels. Il n’en demeure pas moins que cette évaluation reste faible, chose compréhensible si l’on prend en compte le retour de la citoyenneté censitaire de 1791. L’éligibilité est de son côté encore plus restreinte cette fois-ci, car seuls les gros métayers et propriétaires terriens peuvent être électeurs. Fondement même de cette nouvelle République bourgeoise qui aspire soi-disant à l’ordre public en mettant fin à une République sociale, le canton de Hédé lui accorde un " oui " à l’unanimité et tous ont " promis de l’exécuter et faire exécuter, et témoigné par acclamation leur gratitude envers la Convention nationale de ses utiles travaux pour la perfection du pacte social qui a pour objet le bonheur général du peuple ".

    Suite à son acceptation, on procède à l’élection du bureau définitif. Plusieurs indices inquiétants nous laissent penser que seuls les citoyens de Hédé et de Guipel se sont déplacés : le faible nombre d’actifs présents et la composition du bureau préfigurent que les futurs élus sont déjà connus, alors pourquoi se déplacer ? Peut-on y voir une forme d’apathie de la part des communes rurales envers la Révolution ? Nous parlerions plutôt d’un progrès de l’indifférence concernant Guipel car son poids électoral potentiel est visible dans les résultats. En effet, on procède rapidement à " un seul tour de scrutin et de liste et simple ", et Michel Deslandes parvient à la présidence. Les citoyens Jean Blin, Jean François Allix et Joseph Guynot père sont nommés scrutateurs, et Mathurin Lemarchand secrétaire. Comme nous pouvons le constater, tous sont de Hédé hormis le notaire de Guipel. Absence complète du monde paysan, ce bureau indique clairement les rapports de force car seuls les patriotes républicains sont présents. Au terme de la Constitution, le canton doit nommer 4 électeurs : par " un seul bulletin secret " et " une seule liste simple ", tous les membres du bureau sont élus sauf Guynot et Blin, car le quatrième électeur n’est autre que Jacques Belletier. Pourtant, il nous est impossible de savoir si tous avaient déclaré officiellement leur candidature, légalisée depuis la loi du 15 fructidor : c’est probable car il n’y eut qu’un seul tour , signe de l’absence de votes dispersés, bien que cette pratique novatrice soit apparemment peu répandue dans les campagnes.

    La réaction bourgeoise se caractérise également par une recentralisation car la logique de la sans-culotterie rurale au sein des municipalités (très forte dans le bassin parisien) menace directement l’ordre thermidorien. Une nouvelle géopolitique casse l’autogestion communale et les districts pour concentrer tous les pouvoirs au sein d’une municipalité cantonale, sans autonomie locale car elle sera sous la tutelle directe de l’administration départementale. L’administration de Hédé sera donc doté d’un président, autour duquel chaque commune devra élire un agent municipal et son adjoint. Ces derniers disposent d’un pouvoir plus que limité, n’étant pas censés " exprimer ou exécuter la volonté de leurs concitoyens, mais leur imposer celle du gouvernement ". L’essentiel de l’autorité se concentre dans les mains du commissaire du directoire exécutif, il est nommé et rémunéré par le gouvernement dont il est le représentant direct. A ce titre, il exerce une surveillance constante sur les élus municipaux, sur l’application des lois et doit rendre des comptes décadaires sur l’esprit public.

    Du 10 au 26 brumaire an IV (premier-17 novembre 1795) ont lieu les élections des administrateurs du canton, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles ne suscitent aucune mobilisation empressée de la part des citoyens, contrairement à ce qu’affirme M.Crook. Ces élections à l’échelle communale sont un échec car " après plusieurs convocquations ", seulement 13 citoyens actifs (17 %)se sont présentés à Langouët : " les billets [sont] déposés dans le chapeau du président ", afin d’élire en un seul tour de scrutin leur agent et son adjoint. Confronté au même problème à Guipel, le 15 brumaire, on repousse l’assemblée de 2 jours mais ils ne seront que 31, soit 14 % ! Cette abstention massive s’explique sans doute par lassitude, mais ne négligeons pas non plus le rejet de cette collectivité locale voulue par la Constitution de l’an III. Pour ces ruraux, seule compte la " cellule villageoise ", et le canton ne serait donc à leurs yeux qu’une " organisation qui veut ignorer l’aspiration des membres de chaque communauté à se gouverner eux-même, non pas avec les voisins de la localité d’à côté ". A Hédé, on ne se bouscule pas pour être candidat à ces postes, dont la conséquence immédiate est l’extrême dispersion des votes. Il faut 3 tours de scrutin pour élire Gersin agent municipal et 2 autres pour l’adjoint Pigeon. Il est important de souligner qu’aucun d’eux n’avait été élu au sein du bureau, présidé par Michel Deslandes. Or, il faut attendre le 7 frimaire an IV (28 novembre 1795) pour qu’un certain Thomas Joseph Denoual, ex-juge au tribunal du district de Port-Malo, soit nommé par l’administration départementale comme commissaire auprès de Hédé. Pourquoi n’a-t-elle pas installé un homme du canton ? Serait-ce une méfiance à l’encontre des républicains locaux ou un soucis d’impartialité ? Il ne restera pourtant en place que 4 mois, signe explicite qu’il n’a pu asseoir son autorité face à une mauvaise volonté des administrateurs. Cela amènera le département à nommer Gersin à sa place, car ce " fonctionnaire est actif, intelligent et probe […] un républicanisme prononcé ".

    Une lacune nous fait cruellement défaut, celle de ne pas avoir retrouvé le procès verbal de l’assemblée du 10 brumaire qui a élu le président de l’administration de Hédé. Privé des rapports de force au sein du bureau électorale, nous savons heureusement que de Bréal est élu, alors que la loi du 3 brumaire (25 octobre 1795) rend les parents d’émigrés inéligibles. Depuis son château de la Bretèche, le ci-devant noble écrit à Hédé pour leur signaler sa démission en conséquence : " citoyens, j’allais faire tous mes efforts pour répondre à l’attente de mes concitoyens, et mériter le choix qu’ils ont bien voulu faire de moi : je me trouvais heureux d’être associé à vos travaux, et de pouvoir en commun offrir avec vous, à la patrie, le tribut de mes services […]. Mais relever aussi en même temps l’assurance de mon éternel attachement aux lois de la République ". L’agent municipal de Hédé Gersin réagit vigoureusement en écrivant au commissaire général du département, pour réclamer, avec la signature de son adjoint pigeon, le maintien de son vieil ami Bréal à la présidence : " les regrets bien mérités dont l’honore des sincères amis de la liberté seront bien propre à modifier la loi [à cause de] l’impulsion qu’il n’a cessé de donner pendant le long espace de tems qu’il a exercé des fonctions publiques, l’exactitude qu’il a mis à les remplir avec énergie ". Il est évident que Bréal doit symboliser une sorte de compromis politique au sein du canton, car à la fois représentant des campagnes qui ne s’était engagé que prudemment dans la Révolution, et sûr patriote. Or, en vertus de l’article 188 de la Constitution, l’administration de Hédé procède à son remplacement et nomme Pollet comme nouveau président : connaissant sa personnalité et ses convictions, nous pouvons aisément imaginer la réaction des patriotes hédéens ! Les rapports de force sont donc clairement établis car si cette nouvelle municipalité n’est pas l’émanation d’un républicanisme engagé, mais sans être franchement hostile, la plupart de ces administrateurs penchent clairement vers l’apathie passive. Nous pouvons également remarquer l’expérience de ce personnel dans la mesure où sur les 17 administrateurs, 2 sont d’anciens maires, 5 des notables et 3 des officiers municipaux. Seulement 4 n’ont aucun passé municipal. Or, il faut souligner que peu d’entre-eux sont issus des figures qui animaient la vie politique communale. Une brève typologie nous paraît nécessaire car la donne évolue sur la période an IV-an V. La première situation envisagée par J.-P. Jessenne ne s’applique pas ici car aucun individu lié à l’Ancien Régime et éliminé en 1790 n’est de retour dans le cadre de la réaction thermidorienne, hormis peut-être Bréal. Par contre, chaque commune envoie un agrégat d’agents et adjoints dont le passé politique est aussi divers que varié. Prenons simplement 3 exemples. A Guipel, Jean Biet et François Chottard ont un passé municipal depuis les premières années révolutionnaires, mais seul Biet a été éliminé durant l’An II. A Bazouges, Pollet est typiquement l’homme d’Ancien Régime qui a fait une carrière municipale sans interruption, au côté de Joseph Allix, car seul Michel Monnier n’a pas exercé de pouvoir local durant la période 1792-1794. Quant à Jean Eon, il fait partie de la " fournée " des hommes nouveaux. Enfin, à Langouët, tous les cas de figures se côtoient : Jean Duval est un " inconnu ", Julien Gaucher un homme de l’an II (tout comme Pierre Rouyer à Saint-Gondran), Jean Eon illustre la consécration des élus en permanence aux commandes du pouvoir local, et enfin, Gilles Laisné fait partie des modérés exclus de 1792 à 1794. Globalement, aucune commune n’exprime clairement les remises en cause révolutionnaire, preuve que les ruptures n’ont absolument pas marqué durablement la relation au pouvoir des habitants des campagnes. Même Hédé ne fait pas exception à la règle, la faveur va autant aux hommes de 1790 qu’à ceux de l’an II, à ceci près que la bourgeoisie oligarchique d’Ancien Régime a presque totalement disparu : Ruaulx, Delamarre, Hérisson Delourme,… La fin des pouvoirs traditionnels de Hédé a mis un coup d’arrêt à la présence de ces familles.

    Etre élu est une chose, mais encore faut-il obtenir l’agrément de l’individu concerné. Or, la fuite devant les responsabilités et les démissions multiples sont nombreuses : plusieurs agents ou adjoints ont été nommés contre leur volonté, ou bien " par défaut ", puisque personne d’autre ne souhaitait devenir administrateur. Prenons simplement quelques exemples. L’agent de Guipel, Jean Biet, est élu " malgré sa réclamation et le refus qu’il fit d’accepter cette place ". Ses justifications sont classiques : des problèmes de santé et son éloignement du bourg de Guipel (3/4 de lieue, " là où les ordres et avertissements sont portés pour le service public "), et de la ville de Hédé (2 lieues) : " c’est une trop grande intervalle à parcourir pour se rendre aux assemblées ". Il ne sera pourtant pas remplacé et assistera même à la plupart des réunions de l’an IV ! Les démissions ne sont peut-être pas toutes à mettre sur le postulat de la mauvaise volonté car Morel, l’agent de Hédé, réclame son remplacement le 28 germinal : " mon âge de 70 ans révolu, les infirmités qui l’entraîne, 35 ans de ma vie qui se sont écoulés au service militaire m’ont tellement tenu écarté de toutes affaires, que j’ignore complettement toutes les loix anciennes et modernes ". Enfin, le cas le plus intéressant est celui de Vignoc car l’élection du 15 brumaire a porté Vauléon et Heurtaut comme agent et adjoint. Etant annulée, le 7 pluviôse suivant (27 janvier 1796), une nouvelle assemblée électorale se déroule à Vignoc et confirme ces 2 citoyens, car " nous n’en connaissons pas de plus capable à notre connaissance ". Cela commence sérieusement à agacer le commissaire Denoual qui signale le 15 pluviôse au département que Julien Vauléon n’a pas 25 ans, et ne peut donc pas exercer de fonction publique. Nous pensons que son remplaçant a été coopté par l’administration de Hédé puis entériné par le directoire du département, bien que Hervoches fasse partie des hommes de l’an II. Cela n’a peut-être pas d’importance car ces administrateurs ne sont pas des représentants de leur commune mais " des fonctionnaires du gouvernement recrutés par élection. Encore le recrutement fut-il dans une large mesure une apparence ". Ne négligeons pas non plus le refus catégorique de la plupart des personnalités traditionnelles à accepter ces fonctions, alors que tous sont généralement présents lors de ces élections communales.

    Il est donc évident qu’il n’y a aucun enthousiasme à participer à l’administration cantonale, et sans surprise, on constate une " déferlante " des démissions en ventôse an IV et des taux de présence des élus ruraux assez éloquents : durant l’an IV, aucune séance ne se fera en présence de tous les administrateurs, car ceux de Langouët, Saint-Symphorien, Vignoc ou Bazouges assistent à peine à la moitié des séances. Le contraste est saisissant dans la mesure où ceux de Hédé, Guipel et Saint-Gondran, le président et le commissaire assistent à la majeure partie des assemblées. Et encore, nous n’avons pas comptabilisé les séances (1 sur 2 en l’an IV) où la présence (réelle ou fictive ?) de quelques agents et adjoints est complétée de la mention " et autres en nombre suffisant ". La rareté des signatures confirment cette impression. Denoual nous fournit une explication concernant les élus de Langouët, car depuis que l’administration leur a réclamé " les rôles de contribution de 1793 et l’état des citoyens sur lesquels doit porter l’emprunt forcé, ils n’ont pas reparu à l’administration. Sans doute qu’ils auront eu des défenses d’occuper, de la part des chouans, car c’est encore la commune la plus chouanisée de ce canton ".


    Après ce (long) détail des cursus individuels, il apparaît clairement une inertie du personnel sur la période de 1792 à 1795, car toute rupture dans la hiérarchie villageoise peut entraîner des conflits locaux. Sans grand engagement dans le refus ou l’adhésion, ils sont conservés par les autorités mais l’an IV met à mal cette continuité rurale sans pour autant aboutir à un total renouvellement du pouvoir local. Refusant de reconnaître cette nouvelle administration cantonale, la plupart des élites rurales n’ont aucun scrupule à y envoyer des citoyens dénués de poids local ou peu appréciés au sein de la communauté : l’élection serait-elle une sorte de " promotion " empoisonnée ? Malgré la réduction drastique du nombre de responsables cantonaux oblige, aucun membre ne restera en place de brumaire an IV à prairial an VIII : seuls quelques uns se maintiendront à leur poste 1 ou 2 ans à suivre. Le contexte militaire nous semble alors essentiel pour comprendre le fonctionnent municipal à Hédé.

    3. L’activité municipale de Hédé

    Les prérogatives du conseil général ne changent pas en soit, mais il s’agit bien du contenu des délibérations qui expriment au mieux les nouvelles préoccupations quotidiennes.

    Nous devrions fort logiquement débuté cette étude par le mois de mars 1793, mais un événement majeur nous prive de précieuses sources. Le 18 octobre 1793, l’Armée catholique et royale, forte de 60000 vendéens, franchit la Loire à Saint-Florent-le-Vieil et remonte toute l’Ille-et-Vilaine. C’est la fameuse Virée de Galerne qui tenta de prendre le port de Granville, pour faciliter un débarquement anglais. Celui-ci n’aura jamais lieu mais ce qui nous intéresse ici, c’est l’intérêt stratégique de Hédé, commune patriote essentielle pour les communications et les étapes militaires. Alors que le gros de la troupe " blanche " marchait vers le nord, le 11 novembre 1793, un détachement de cavalerie qui en constitue l’avant-garde, parvient à pénétrer à Hédé, et a fait se " rendre la municipalité et habitants fugitifs pendant quelques jours ". Heureusement pour eux, une rumeur avait répandue l’idée que Hédé était le prochain objectif de l’armée vendéenne, et tous parvinrent à s’échapper à temps. La ville abandonnée connaît alors le même sort que Dol et Pontorson, car l’arbre de la liberté est coupé et le bonnet jeté à terre. Le plus grave pour nous est qu’ils ont saccagé la maison commune pour y détruire " les décrets et loix adressés à cette municipalité depuis 1789 jusqu’au dit jour, également que les registres de délibération depuis le 4 février dernier ", hormis ceux de l’état-civil. Plus de peur que de mal, ce sont les symboles de la République que l’on malmène mais selon une destruction sélective. Cela va poser des difficultés dans l’exécution des lois, car le conseil général de Hédé se plaint de ne plus pouvoir appliquer celle du 3 septembre sur l’emprunt forcé, malgré les rappels à l’ordre réitérés du district.

    Le retour à la vie municipale se fait dans la douleur car tous les patriotes et élus locaux craignent d’être assassinés. Cela donne lieu à une véritable zizanie car le procureur Guynot signale que " depuis plus de 15 jours que la municipalité est rentrée dans ses fonctions, qu’une partye des membres nu comparaissent que rarement, surtout depuis le premier de ce mois que cette ville est en état de siège ". Seul le maire Deslandes marquerait de sa présence régulière la maison commune et n’aurait été assisté que 2 fois par des officiers municipaux (Gersin et Duclos). C’est pourquoi, " il requere que tous les officiers municipaux, même les membres du conseil général de la commune, s’assemble sur le champs pour prendre un ordre d’eux afin qu’il y ait au moins jour et nuit 3 membres en permanence ". La séance suivante du 18 frimaire est entièrement consacrée à une joute verbale d’anthologie opposant le procureur aux autres membres. Ainsi, Thouault l’accuse de vociférer sous " l’effet d’un délire " et proteste que son " inculpation " est injuste car " je n’ai jamais abandonné mon poste que 24 heures après le procureur [et] repris 24 heures avant lui ". De son côté, Gersin signale qu’il a passé des nuits entières à la municipalité, et n’aurait quitter son poste qu’à la demande expresse du maire, ce qui provoque chez Guynot de très vives réactions : il affirme qu’ils n’ont rien fait pendant leur présence, " ce qui est prouvé par les registres ". Acculé sur la défensive, Thouault déclare n’avoir " jamais refusé le travail et je l’ai partagé autant qu’il a été possible ", comme doit le faire " un vrai citoyen et un vrai sans-culotte ".

    Avec ces débuts chaotiques, l’activité municipale ne sera en rien affectée par la suite. En effet, de l’an II à l’an IV, nous comptabilisons 88 séances soit une moyenne de 2 à 3 séances annuelles, bilan assez satisfaisant compte tenu des circonstances. Malgré un léger ralentissement de la périodicité délibérative, l’an II apparaît sur notre période comme l’ultime année de la gestion municipale avec 41 séances en 10 mois, soit 4 par mois. Cela tranche nettement avec l’an III : 17 séances et quelques mois sans la moindre assemblée, mais ne tombons pas dans le pessimisme car le tiers des réunions se fait en présence des officiers municipaux, à défaut sinon d’un ou 2 absents. Les notables sont toujours au nombre de 8 en moyenne car les délibérations en conseil général concernent 38,5 % des assemblées de l’an II, contre la quasi totalité en l’an III, un bon résultat pour ce dernier que l’on doit sûrement rapprocher de la réduction du nombre des séances. La légère reprise avec la municipalité cantonale est marquée par 30 séances en l’an IV (2 à 3 par mois), une norme durant tout le Directoire globalement, mais selon une extrême irrégularité : quelques mois par an où l’activité sera très soutenue (germinal an IV compte 6 réunions), suivie d’une atonie de la vie politique durant le reste de l’année.

    Les préoccupations de la municipalité reflètent cette réalité. L’an II est particulièrement marqué par l’enregistrement des lois (30 % des séances), symbole de l’accélération de la législation révolutionnaire pour régénérer toute une société jusque dans ses moindres domaines de la vie quotidienne. Les réquisitions viennent ensuite largement en tête cette année là (26 %), car le monde rural est particulièrement touché par cette dimension essentielle de la Terreur. Il s’agit de subvenir aux besoins de l’armée tout en mettant en place l’économie planifiée. Les mesures révolutionnaires (cocarde, épuration,…) marquent sensiblement les esprits (15 %). Les affaires militaires et la chouannerie deviennent le thème principal à Hédé lorsqu’il passe de 4 à 35 % en l’an III. Soulignons dès à présent que la municipalité ne s’occupe pas de lutter contre les insurgés mais uniquement de fournir le matériel ou des hommes à l’armée. Pour le reste, il s’agit clairement du comité de surveillance qui prend les décisions, hormis peut-être la garde de nuit que la municipalité réinstaure le 2 ventôse an III (20 février 1795). Ce service n’est pas plus impopulaire qu’auparavant car nous n’avons enregistré qu’un seul refus de la part du fusilier Yves Delaporte : il sera condamné à une amende de 24 sols.

    L’an IV peut nous donner une vue biaisée du Directoire car elle apparaît clairement comme une année de transition, de rodage sans toutefois oublier qu’elle fixe les grandes lignes de la nouvelle gestion municipale sur cette période. Les difficultés de trouver de nouveaux locaux pour l’administration ne se posent pas car cette dernière ne fait que reprendre ceux de l’ancienne municipalité de Hédé, situés à la Maison Neuve appartenant à l’ancien couvent.

    Les difficultés liées aux démissions concernent 28 % des séances de l’an IV, mais les affaires militaires ne concernent que 9 % : accalmie trompeuse, car il faudrait attendre l’an VII pour que ce thème monopolise le tiers des assemblées, même s’il est vrai que cette année là, la chouannerie prend un nouvel essor. Mais recentrons nous sur l’an IV. Au bout de 5 mois d’un fonctionnement calamiteux sous la surveillance laxiste du commissaire Denoual, il faut attendre son remplaçant, Gersin, pour entrevoir une réaction car " il ne pouvait garder un plus long silence sur le peu de régularité qui s’observe dans la tenue des assemblées ", alors que les fonctions administratives " commandent impérieusement de mettre la plus grande promptitude dans l’exécution des lois ". C’est pourquoi, il exige " 1° que les assemblées déterminée par la loi soyent toujours complètement composée de tous ses membres. 2° que l’heure à laquelle elles doivent avoir lieu soyent fixée invariablement et qu’aucun membre ne s’en absente [avant] que le président n’ait déclaré lever la séance. […] 4° que chaque affaire terminée, la dessission [sic] en soit porté sur un registre par le secrétaire. […] 7° de maintenir le calme et la tranquilité dans les délibérations ". Constat accablant alors que jamais auparavant, le greffier n’avait fait mention de ces problèmes lors des séances. Conformément à la loi, Gersin fixe le début des réunions à 8 heures du matin, tous les 10 jours ou au moins 3 fois par mois. Son réquisitoire semble être globalement suivi, mais le mois de prairial suivant signe le retour à la norme d’une ou 2 réunions mensuelles. Par contre, l’absentéisme n’est plus de mise car toutes les communes ont au moins un agent ou un adjoint présent. Optimisme de courte durée, car l’an V sera l’année désertée par les communes rurales et les démissions. Hormis les séances consacrées aux répartitions d’impôt, on se garde bien d’évoquer le nécessité du quorum, car il est évident que jusqu’à l’an V, la moitié des séances est gérée par le triumvirat du président, du secrétaire et du commissaire du directoire exécutif, assistés de quelques agents ou adjoints. Tel sera son fonctionnement durant les 2 premières années du Directoire. Sans aller jusqu’à parler du fiasco d’une institution factice ou d’une dérobade générale des notables à l’égard des responsabilités civiles comme le fait D. Woronoff, il s’agirait plutôt d’une mise en place assez lente. Elle fonctionne avec des difficultés certes (la présidence de Pollet y est sûrement pour beaucoup), malgré les efforts de Gersin. Il ne cherchera jamais à provoquer une destitution massive de peur de mettre son administration hors de fonctionner : l’essentiel pour le département n’est-il pas que les impôts rentrent normalement ? Résignation pragmatique, il serait alors difficile de trouver un personnel compétent qui accepterait de ne pas démissionner.

    Il faudra attendre le coup d’état de fructidor et les épurations de l’an VI qui en découlent pour enfin voir progressivement un fonctionnement qui se normalise. En cela, l’an VII apparaîtra paradoxalement comme l’apogée de la municipalité cantonale (réunions régulières, bons taux de présence de toutes les communes,…) malgré la recrudescence des troubles. A notre sens, l’intensité de la chouannerie et les convictions politiques de chaque administrateur ont un impact direct sur l’efficacité de la gestion au chef-lieu durant tout le Directoire. C’est pourquoi l’an IV préfigure largement les années à venir.

    La loi du 19 ventôse (9 mars 1796) exige de tous les fonctionnaires un serment de haine à la royauté, opération facilement effectuée du 28 germinal au 5 floréal, même par les opposants notoires à la République, tel que l’agent de Guipel Biet par exemple. Le problème consiste avant tout en la capacité des élus à pouvoir exercer librement leur fonction. Or, Allix tente de rappeler mélancoliquement l’état des campagnes : il oppose clairement Hédé, ville protégée des incursions chouannes par les garnisons, aux communes rurales du canton soumises à la menace constante des meurtres. Le commandant Belletier se plaint auprès du département de ces chouans qui " vous arraches vos cocardes, les foulent aux pieds, ils veulent vous faire renoncer au doux nom de Républicain et accepter un tyran sous le nom de Louis 17, ils engagent tous les laboureurs et artisans dans leurs hordes et s’ils refusent de le faire, ils menacent de les faire fusiller ". Braver les mises en garde relève d’un grand courage car tous ont à l’esprit que des patriotes ont été assassinés à Guipel, Vignoc ou à Saint-Gondran par exemple. Or, dans ce climat de prudence, le Directoire sera la période " de plomb " dans le canton, où chacun craint d’effectuer des tâches administratives. Ainsi, les agents et adjoints de Guipel, Vignoc et Langouët " refusent de délivrer des bans pour la délivrance des passeports ", et l’administration est obligée d’inviter les citoyens, qui en auraient besoin, de se rendre à Hédé. Illustration de cette nouvelle centralisation cantonale, elle laisse un grand handicap pour la politisation rurale car la délibération précise également que la municipalité " donne lecture des lois et autres pièces lui adressée au commencement de ses séances ". Cela suppose le déplacement des habitants vers le chef-lieu, difficilement imaginable alors que même les élections primaires sous le Directoire ne concernent déjà plus que les citoyens de Hédé, ceux de Guipel se raréfiant progressivement. Atonie politique et repli communautaire iront donc sans doute progressivement de paire dès l’an IV.

    Il est donc important de conserver ces paramètres à l’esprit, et juste pour illustrer concrètement ces ambiguïtés, prenons seulement le cas de la réintroduction des contributions. Dans les cantons de Retiers et Martigné, la collecte se heurte à des habitants qui n’étaient plus habitués à verser régulièrement des impôts ou bien seraient désormais dans l’incapacité de la faire. Le canton de Hédé connaît sûrement aussi ces difficultés, mais si 21 % des réunions municipales sont consacrées à ce thème (taux récurrent sur tout le Directoire), ce n’est pas à propos des insolvables mais " il ne se trouvoit point dans les dittes communes [rurales] des citoyens qui veuillent se charger de la perception des contributions pour l’an 3 et de la recette des rolles d’emprunt forcé, attendu le peu de sureté qui y existe ". La situation est suffisamment grave pour que Gersin signale à son collègue du directoire du département " les difficultés qu’on éprouve à faire exécuter des lois dans une administration qui n’est pas encore entièrement organisée, et encore dont partie des membres qui la composent ont l’esprit comprimé par la terreur que les chouans leurs impriment par les pillages les plus atroces, et les assassinats les plus cruels qu’ils commettent de jour et de nuit dans leurs communes, ce qui les met dans le plus grand embarras de remplir leur fonction ". D’ailleurs, l’administration de Hédé est réduite à alourdir la charge de tous les agents et adjoints municipaux en les destinant à correspondre et à " recevoir spécialement les ordres des généraux, les sommations, les loix et les affiches destinés à estre rendus public ", alors que Kerlin, commandant militaire de la place de Hédé, avait exigé que chaque commune s’assemble pour élire ces " agents militaires ". Preuve flagrante que toute vie politique au village est anéantie par les chouans, et que seul le chef-lieu tente vainement de rassembler sous son égide les communes rurales, en donnant une impulsion par l’intermédiaire de ses administrateurs, plutôt marqués par leur absentéisme aux réunions. C’est l’un des grands paradoxes de cette municipalité cantonale, le bas blesse lorsque les agents doivent exécuter les décisions administratives dans leur commune. L’embarras à Hédé se fait sentir quand elle signale au département qu’elle est contrainte de confectionner elle-même les rôles de la contribution foncière de l’an III pour tout le canton, mais s’inquiète de ne trouver personne pour en faire la périlleuse perception, " d’ailleurs ne seroit-il pas aussi imprudent que dangereux de confier à un percepteur de campagne des fonds qui pourroient lui être enlevé dès le soir ? ". Elle a donc nommé un certain Bocher comme receveur, ce qui n’est absolument pas du goût des autorités départementales, qui leur répond le 16 germinal que c’est à eux, les agents municipaux, de s’en charger d’après la loi d’octobre 1791. Hédé passe outre car Boher a accepté de faire les perceptions dans tout le canton et " remettra à l’administration l’état des citoyens en retard de paie ", même s’il exige en contrepartie que ce soit la municipalité qui ait le soin " d’exécuter les contraintes ordonnées par la loi ". Il y a fort à parier que les gardes nationaux seront utilisés contre les contribuables récalcitrants, comme se sera le cas en l’an V, mais selon K.Tonnesson, ce moyen est l’expression même que dans " certaines communes, les agents et adjoints créèrent de grandes difficultés par leur faiblesse ou leur complicté en face de la résistance de leurs co-villageois ". Un fait troublant a attiré notre regard, car à la séance du 21 frimaire an V, (11 novembre 1796), on signale le décès de Bocher qui n’aurait pas eu le temps de rédiger son rôle de collecte pour l’an III : mort naturelle ou assassinat ? En tout cas, on notera que Hédé décide d’augmenter le nombre des gardes nationaux au corps de garde dès la nuit suivante… Par la suite, les collecteurs seront nommés par la municipalité parmi ses membres, mais nous pensons que toutes les contributions sont récoltées difficilement car le 19 fructidor, le commandant militaire fait " une sommation de payer dans 10 jours un contingent de grains, comme représentative de leur impôt en nature établi par la loi du 2 thermidor ". Hédé se défend d’être sujette à cette loi qui considèrerait alors le canton comme insurgé, alors que la " presque totalité de cet impôt est acquitté, aucune des communes du canton n’a montré la moindre la résistance pour satisfaire à cette dette sacrée ". En effet, le Directoire avait autorisé les contribuables les plus indigents, en grains, à régler leur contingent en partie en nature, l’autre en assignat. Cette mesure a été interprétée par l’administration de Hédé comme applicable à tous. Ainsi, les " cultivateurs qui se sont trouvés avoir des grains au-delà de leurs besoins ont payés la moitié de leurs cottes en nature, ceux qui ont été reconnu ne posséder que la quantité de grains suffisantes pour leur nourriture " ont été autorisé " à solder en valeur représentative la partie qu’ils ne pouvoient acquitter en grains ". Alors, est-une tentative de compromis pour arranger les paysans en réelles difficultés, ou bien le commandant militaire a-t-il senti l’attitude complice des administrateurs envers la fraude ? Il faut bien savoir que les exportations de grains en dehors du canton sont totalement interdites, comme en l’an II au temps du Maximum. Or, la vérification des greniers des paysans est sujette à caution, car il est plus intéressant de vendre ses grains ailleurs au marché noir, et payer en numéraire ou en assignat son imposition en fonction d’une quantité de grains largement sous-évaluée. Cependant, jamais nous n’avons trouvé la trace de dénonciation sur de telles pratiques, mais cela tendrait à montrer que payer ses impôts n’est pas forcément synonyme d’un bon esprit républicain. Cela suppose également la " faiblesse d’un élément jacobin et anticlérical aiguillonant par ses remontrances et ses dénonciations, les autorités supérieures à sévir contre les administrateurs indignes ", qui proclame les principes républicains mais les appliquent avec une prudence pragmatique.

    De 1793 à 1796, nous disposons donc bien d’une gestion municipale largement dominée par les exigences directes de la Terreur, auxquelles suivront celles de la chouannerie. L’efficacité relative de son fonctionnement reste pourtant liée fortement à la présence permanente de l’armée à Hédé. Les nécessités de la guerre seront pour une large part supportées par les communes du canton.

    4. Les réquiqitions militaires et le problème des subsistances

    Le gouvernement révolutionnaire doit faire face dès le début de 1793 à la profonde désorganisation d’une armée en pleine recomposition. Les volontaires de 1792, plus politisés mais moins disciplinés, prennent massivement le départ après avoir effectué leur campagne. Face aux dangers extérieurs, la Convention doit compenser d’urgence ces pertes et accroître ses moyens militaires, tant en hommes qu’en matériel. Or, les grandes levées de masse impliquent de nombreux sacrifices que toutes les communes en France ne sont plus prêtes à fournir. Les 20 et 24 février 1793, les députés votent la formation de contingents départementaux qui visent principalement les hommes de 18 à 40 ans, veufs et sans enfants. Ce qui est mal acceptée, c’est l’exemption des municipaux, juges et autres administrateurs. Recrutés par tirage au sort, cette levée des 300000 hommes devient rapidement l’origine de la rébellion qui embrase tout le grand ouest. Exaspération paysanne à l’égard des exigences révolutionnaires et parallèle fait avec la milice royal de par le mode de recrutement, les premiers incidents éclatent à Cesson (district de Rennes), le 13 mars.

    Or, de tout notre canton, seule Hédé remplit son contingent de 8 hommes par des volontaires spontanés, signe que l’on a d’abord fait appel au civisme avant une désignation arbitraire. Leur inscription remonte étrangement au 24 février, le jour même du décret sur la levée : sans doute que la municipalité a antidaté le registre afin de signifier aux autorités son zèle. En effet, hormis Bazouges et Langouët qui ne précisent pas les dates d’inscription, celles de Guipel se déroulent dès le 17 mars en pleine période des insurrections, signe que cette commune n’a pas attendu la fin du soulèvement pour débuter ses obligations. C’est loin d’être le cas dans les dernières communes restantes, car aucune n’a procédé aux inscriptions avant la fin du mois : celles de Vignoc débutent le 25, alors qu’à Saint-Gondran et à Saint-Symphorien, on y procède du premier à la mi-avril. Cette dernière commune précise même que l’un des 6 enrôlés a refusé cet engagement. Si le canton n’a pas participé à la révolte, la plupart ont traîné les pieds pour envoyer ses hommes aux frontières, en attendant prudemment la tournure qu’allaient prendre les événements. Même Guipel connaît ce phénomène car elle a été obligée d’élire, le 20 mai, 4 hommes pour compléter son contingent de 16 recrues puisqu’ils n’étaient que 12 à s’être présentés à Rennes. A part cela, la levée s’est opérée sans difficulté dans le canton.

    Malheureusement, elle s’avère insuffisante pour combler le déficit des armées, ce qui amène la Convention a ordonné une nouvelle mobilisation le 23 août 1793 : cette fois, la réquisition ne touche que la première classe des citoyens, c’est-à-dire les 18-25 ans. Le canton doit donc fournir 194 jeunes gens (16 à Hédé, 14 à Langouët, 50 à Guipel,…). Or, 55 d’entre-eux ont été renvoyé dans leur foyer " par les officiers de santé " ou le commissaire à la guerre Chasteigner (son adjoint est Jacques Belletier de la garde nationale de Hédé) pour des motifs très variés, mais les plus courants sont ceux concernant les problèmes de taille et de santé. Ainsi, à Bazouges, Vincent Thébault est exempté car il a " les écrouelles dans le nez ", ou bien encore Jean Eon : " il a l’épaule gauche cassée par un coup de fusil. L’épaule n’est plus à sa place ". Le plus intéressant sont ceux renvoyés à cause de leur âge : ils sont 4, parmi lesquels Charles Berthault à Saint-Symphorien. Agé de 26 ans, il est refusé lors de l’examen de son certificat de naissance, pour être finalement autorisé à remplacer Jean Patier qui ne voulait pas partir. Il y a donc manifestement une volonté d’intégrer l’armée (par volonté patriotique, goût des armes, voir du pays…), mais il faut également que cet engagement ait une portée militaire clairement établit, et non pas destiné à un objectif politique lointain.

    Ainsi, lors de la crise fédéraliste qui fait suite à la chute des Girondins les 31 mai et 2 juin 1793, de nombreuses administrations départementales acquises par leurs sympathisants, dont l’Ille-et-Vilaine, refusent ce qu’elles considèrent être un " coup d’état " antirépublicain. La Convention ne fait que passer sous le contrôle des jacobins alliés aux sans-culottes, mais la plupart des autorités girondines tentent d’organiser une force armée pour partir sur Paris. Alors que de nombreuses villes de Bretagne, dont Hédé, témoignent leur sympathie envers les mesures de résistance, on demande au commandant Belletier de Hédé de s’occuper pour le district de Rennes " du recrutement de la force départementaire. Il a agi de toute promptitude pour tâcher de procurer des hommes [dans le canton de Hédé], mais que tous ses soins ont été inutiles ". Les soldats du canton ne partent donc pas pour défendre un régime politique particulier, mais bien par obligation ou par conviction pour la République.

    D’ailleurs, le tableau des déserteurs issus du district de Rennes tend à montrer cette volonté de ne pas se battre pour le nouvel ordre des choses. Mis à part Hédé et Saint-Gondran qui n’en comptent pas, les autres communes ont entre 1 et 3 hommes qui ont abandonné leur bataillon. L’exception reste le cas particulier de Bazouges, car avec 8 déserteurs, cela représente 31 % de son contingent !

    En un sens, nous ne sommes pas surpris de ce constat si nous émettons maintenant une hypothèse assez simple à première vue. Une forte proportion de demandes d’exemption en fonction du nombre des appelés serait révélatrice d’une véritable résistance à la Révolution. Ainsi, presque tous les jeunes appelés de Bazouges fait l’objet d’une demande écrite, tandis que Hédé n’en compte que 2. Nous n’avons trouvé la trace d’exemption grâce à un métier spécifique que pour 2 citoyens : le premier est Joseph Denis, maréchal à Vignoc, l’autre est Jean Denais, forgeron à Hédé. Exceptions à la règle, ces hommes sont considérés comme indispensable pour réparer l’équipement destiné aux travaux agricoles, ou celui des militaires faisant étape à Hédé. L’incorporation se fait donc en fonction de l’utilité que la République peut en tirer.

    En imposant le service militaire aux communes rurales, l’Etat les privent d’une main d’œuvre indispensable aux travaux agricoles. La Convention en tient compte et adopte le décret du 15 frimaire an II (5 septembre 1793) qui accorde l’exemption momentanée pour ceux reconnus utiles à l’ensemencement des terres. Le taux s’élèverait ainsi dans notre département à environ 60 %. De nombreux motifs personnels (et invérifiables) influencent la tournure de ces pétitions, pour être ensuite toujours validées par les municipalités communales, car comme l’indique Jean Guérin, maire de Guipel, " le directoire le verra de bon oeuil " ! D’autres n’oublie pas de préciser qu’ils exploitent une métairie issue des biens nationaux, on ne sait jamais ! Nous ne citerons que quelques exemples qui nous paraissent très évocateurs dans le refus de partir. L’une des raisons peut être des parents âgés et infirmes, comme l’affirme François Rageul (Bazouges) qui exploite 9 journaux : vivant seul chez sa belle-mère, elle " sera réduite à la mendicité et la ferme restera nécessairement inculte ". Ou bien encore, nous trouvons le cas d’une mère veuve, Julienne Fiscot (Bazouges), dont le mari " était tisserand et faisait vivre sa famille des produits de son métier ", alors que son fils aîné Mathurin Trotoux, réquisitionné, est le seul à pouvoir prendre la relève car " ses frères et sœurs sont dans un âge trop tendre pour vivre de leur travail ". Le motif peut également être des terres étendues à mettre en valeur, avec Guillaume Tourel, agent national de Vignoc, quand il déclare " remplir cette place étant vrai républicain et constitutionnel ", mais il n’a que son fils pour l’aider à exploiter une ferme de 600 £. Cet argument est également utilisé par l’officier municipal de Hédé Duclos, qui tente de protéger " son valet de harnois " qui travaille ses 80 journaux situés en grande partie à Bazouges, car " 2 de ses domestiques sont partis consécutivement pour les armées, il s’est trouvé dans l’obligation de prendre le pétitionnaire pour conclure son harnois, n’ayant pu en trouver d’autres ". En effet, Jean Aubert, un petit laboureur à Bazouges, se plaint de la raréfaction de cette main-d’œuvre " dans le pays à cause des nombreuses levées ", et dont la conséquence directe est que désormais, " un fermier est dans l’obligation de tout pressurer pour payer le prix de sa ferme ".

    Prenons simplement le cas des pétitions de Bazouges. Dans l’ensemble, elles sont toutes rédigées par une seule et même personne que nous n’avons pu identifier, car même le maire Pollet signale que Jean Aubert n’a pas souscrit sa pétition vu qu’il ne sait pas signer. Or, cet " écrivain mystérieux " jouit indéniablement de la confiance des habitants, mais surtout, il est suffisamment cultivé pour utiliser des arguments physiocratiques. Il s’agit vraisemblablement d’un bourgeois rural ou d’un gros propriétaire terrien, au vu de son mépris à l’égard des domestiques et autres journaliers et des " cultivateurs d’une classe subalterne ", par opposition à " la profession honorable du laboureur ". Selon lui, il faut labourer ses terres pour ne pas les laisser en friche ou en pâture, car c’est " l’une des obligations les plus sacrées à un citoyen ". Ainsi, la terre ne peut " fructifier que sous la main active du maître " car seuls ses bons soins feront " tripler les productions de sa ferme ". La pétition destinée à Laurent Aubert, datée du 18 ventôse, est l’une des plus abouties car elle reprend l’intégralité des arguments précédents, à un détail près : elle se termine par une mention sans équivoque, celle de laisser impérativement les laboureurs " féconder les sillons qui nourrissent l’habitants des villes et les défenseurs de la patrie ". Constat troublant, il est marqué implicitement à la fois par le chantage typique de la chouannerie (contrôler les campagnes et affamer les républicains) et par le compromis local, cette voie intermédiaire paysanne que décrit R.Dupuy : la dette des autres catégories sociales, celles des patriotes urbains et des soldats qui dépendent entièrement des paysans pour leur subsistance, alors que la Révolution a en échange mis à mal l’économie rurale par les nécessités de la guerre, en vidant les campagnes de ses fils. Par un balayage exhaustif de toutes les pétitions de Bazouges (les autres communes du canton ont le même " son de cloche "), nous avons l’impression que les habitants cherchent juste à mettre fin aux nouveaux abus de la Nation qui se sont substitués à ceux de l’Ancien Régime. Or, ce compromis est rejeté par les autorités car refuser les réquisitions, c’est justement remettre en cause l’intérêt général de la Nation et de la République révolutionnaire. Il est évident que les pétitionnaires ont une sensibilité proche du rédacteur, appartenant sans doute à ces gros laboureurs qui " forment la majorité des meneurs, soit directement intéressés par le tirage, en tant que célibataires, soit parce que leurs fils sont menacés, soit tout simplement par hostilité invétérée contre la Nation et ses jureurs ". Or, ce serait la plupart du temps des officiers municipaux, hypothèse vérifiée à Guipel où nous sommes formellement parvenue à identifier le rédacteur : Jean Biet, l’un des principaux notables, officier municipal et contre-révolutionnaire notoire (mais discret). Ne tombons pourtant pas dans une attitude systématique qui condamnerait ces pétitions tendancieuses, car Guipel est la seule commune où la plupart des pétitions ont des tournures véridiquement républicaines. Celle rédigée elle-même par la " citoyenne Jeanne Charpentier veuve " réclame son fils Gilles Briand : " citoyens, les bras guerriers sont innapréciables, mais aussi les cultivateurs sont nécessaires. Sans notre récolte prochaine, nos armées ne pourroient plus nous deffendre ". Ou bien encore Jean Cormier, qui date sa demande " le septidi de la première décade du mois de ventôse l’an deuxième de la République française une et indivisible ", et signale que " si j’avais 2 enfans en âge de porter les armes, je ne balancerais nulement à en offrir un à la République […]. S’il faut des bras armés pour la défense de la patrie, il faut aussi des bras pour exploiter les terres qui nourrissent les défenseurs de la liberté ". C’est d’ailleurs dans ce contexte que se déploie la fête révolutionnaire dans cette commune, au même titre que celles qui se déroulent à Hédé : l’agent national signale pour cette occasion à son collègue du district que " on fit hier les premières rejouissances en mémoire des grandes victoires qu’ont signalés et signalent les premiers ans de la République. On se dispose à en faire de plus grandes le jour de la dernière décade de nivôse ". Reflet des rapports politiques et sociaux au sein de la commune, la célébration n’aurait sûrement pas été signalée (ni celles à venir) si elle n’avait suscité aucune participation populaire : de leurs succès dépendent les bons rapports entre Guipel et le reste des autorités républicaines. Or, jamais nous n’avons retrouvés de documents exprimant cette acculturation festive dans les autres communes du canton…

    Malgré ces pétitions nombreuses, il semble que les exemptions refusées n’aient pas provoqué de grandes difficultés pour le départ, s’agissant sans doute de toute une classe d’âge qui est concernée par ce mode égalitaire de réquisition. Il n’en va pas de même pour la levée des 30000 hommes de cavalerie, suivant la loi du 22 juillet 1793. En effet, le district relaie l’ordre aux communes du canton par une lettre du 5 octobre. Chacune doit fournir un homme, mais le mode de désignation va prêter à confusion. Il s’agit toujours des hommes de 18 à 40 ans, célibataires ou veufs sans enfants, qui sont susceptibles d’être appelés, mais leur taille doit être au minimum de 5 pieds et 2 pouces. Aucune difficulté n’est relevée à Vignoc et à Saint-Gondran, tandis qu’à Hédé, la désignation paraît exemplaire : seuls 4 hommes remplissent les conditions requises. La municipalité leur a " demandés quel mode ils désiroient adopter pour remplir le contingent de cette commune. Ils nous ont déclarés préférer la voix du sort " par " 4 billets roulés dans un vase, sur l’un desquels étoit écrit le mot cavallier et les 3 autres restés en blanc ". Par contre, ceux de Langouët et Saint-Symphorien sont refusés car l’un est " attaqué d’une distre ", tandis que le deuxième est trop petit (le procès verbal du 14 octobre signale pourtant qu’il a la taille requise). Toujours est-il que le commissaire aux armées Frey exige 2 nouveaux cavaliers requis par loi, ce qu’exécute Langouët mais pas Saint-Symphorien qui maintient son choix !

    A Guipel, le mode de désignation se porte sur une élection à la pluralité des voix, mais l’inconvénient de ce système est qu’il prend généralement la forme d’un ostracisme à l’encontre de l’individu le moins apprécié au sein d’une communauté. Cela peut réactiver les conflits entre les différentes parentèles villageoises car sitôt l’élection achevée, " la municipalité s’est retirée ne pouvant par le tumulte désigner ledit cavalier en due forme ". A Bazouges, cette opération se déroule tout aussi difficilement car le 16 octobre, les suffrages sont " pris à haute voix " et tombent " sur le nommé François Queman ou Quèma, natif de la commune de Vezin près Rennes ainsi qu’il l’a déclaré ". Travaillant sur une métairie depuis quelques mois, sa description physique laisse à penser qu’il s’agit d’un journalier. Il nous paraît évident qu’il a été désigné puisqu’il n’appartient pas à la communauté de Bazouges. D’ailleurs, il disparaît très rapidement ! Cela oblige la municipalité à envoyer une délégation à Vezin pour récupérer cet individu mais son procureur affirme " ne connoître point d’individu de ce nom dans cette commune ". Plus tard, ils apprennent que ce François Quèmard est natif et domicilié à Gévezé, or " on sait qu’il est inutile de donner des réquisitions " à cette municipalité, " et celle de Bazouges n’a pu se procurer ce sujet ". Il est donc décidé de procéder le 20 octobre à un nouveau " scrutin pris à basse voix ", et le sort tombe sur Alain Rufflé, natif de Guipel mais " domicilié sous cette commune de Bazouges au village de Belleme depuis 6 ans, garçon vivant de son revenu ". Décrit physiquement avec beaucoup de rondeurs et d’embonpoint, habillé élégamment et " tenant la tête bien droite en marchant ", il est requis de se présenter le lendemain à Rennes, mais après avoir " répondu par quelques imprécation, s’est retiré brusquement ". Le maire Pollet précise que sous couvert d’arranger ses affaires domestiques, Rufflé en aurait profité pour fuir chez sa sœur à Broons, après avoir pris un passeport à la municipalité de Guipel. Ironie du sort, cette nomination prend les mêmes aspects que pour Quèmard, avec peut-être qu’ici, il s’agirait d’un règlement de compte à l’encontre d’un rentier un peu trop présomptueux, car le maire le dénonce immédiatement au district : " ce serait une perte pour la République si on négligeait d’en faire la recherche ". Véritable piège tendu, Pollet estime qu’il finira bien par se rendre car " il n’abandonnera ainsi une belle fortune et son honneur, il ne peut tarder de rejoindre, car autrement, il serait ainsi émigré ". Il apparaît donc que le départ à la guerre n’enthousiasme plus personne et cette tendance semble se confirmée lorsque l’administration municipale du canton déplore que 94 de garçons sont appelés pour la conscription, conformément à la loi Jourdan du 5 septembre 1798 : " il y a tout à craindre qu’en obligeant les jeunes gens de ces communes à entrer dans les compagnies franches, ils ne prennent le parti de se joindre de nouveaux aux ennemis de la République ". Il est tout à fait possible que les déserteurs préfèrent remplir les rangs de la chouannerie, et l’on comprendrait alors pourquoi aucune des communes rurales n’enregistre de réelles progression des mariages. Or, selon la loi de conscription, les hommes mariés sont exemptés et seuls les jeunes citoyens de Hédé préfèrent gonfler les célébrations nuptiales dès l’an VI, plutôt que de rejoindre les chouans.

    Seulement, il ne suffit pas de réquisitionner des hommes pour la guerre, les troupes ont également besoin de matériel et d’approvisionnement alimentaire. Les paysans du canton sont donc largement mis à contribution, et placent Hédé dans une situation de dépendance encore plus précaire qu’auparavant.

    Il suffit simplement de faire une référence à ces passages de troupes de plus en plus réguliers. Le 23 mars 1793, le commissaire aux armées Honoré Viany signale à la municipalité de Hédé que 2 bataillons , partis de Cherbourg, arriveront en ce chef-lieu dans une semaine, soit au total 1300 volontaires et leurs 69 officiers. Même si ce détachement n’est sûrement pas totalement dépourvu de vivres, nous pouvons facilement imaginer les conséquences à venir pour le marché de Hédé.

    Le 6 frimaire an II (26 novembre 1793), on fait remarquer qu’il n’y a plus de suif à Hédé, donc plus de lumière au corps de garde ou dans le couvent des Ursulines où loge une partie des soldats. La municipalité en vient à réclamer au fournisseur de viande auprès des armées, le suif " provenant des bêtes à cornes tuées à Hédé pour les troupes ", afin de les transformer en chandelles. Cela concerne également le combustible car il ne reste plus que 8 jours de bois pour " la cuisson du pain public ", si bien que le conseil général ordonne que la forêt de Tanouarn sera mise à contribution, en tant que bien national.

    Les citoyens de tout le canton sont également sollicités en échange de dédommagements. Ainsi, Joachim Freté, laboureur et marchand à Hédé, est remboursé de 240 £ pour un cheval fournit à un officier, tandis que Etienne Blin, aubergiste, reçoit 222 £ pour du foin, de l’avoine, 2 casseroles en cuivre et une barrique de cidre consommée par la troupe. Enfin, à Bazouges, Jean François Duclos, " propriétaire ", reçoit 989 £ pour des pommes, quelques arbres et " une pièce de terre dont le gazon a été enlevé pour construire une redoute " lors d’un bivouac. Ces réquisitions " sauvages " ne sont pas toujours très appréciés et peuvent parfois assez mal se passer, à l’exemple de François Monnier, fermier de la vaste métairie de Montbourcher en Vignoc : il signale les " pillages " commis par la troupe lorsqu’elle lui enlève " sa viande, son beurre, cidre avec la majeure partie du linge ". Ou bien encore Jacques Simon, adjudicataire du presbytère de Langouët, qui se plaint de ne pouvoir jouir de ce bien national car de nombreux détachement de " la légion des francs " l’occupe quasiment sans interruption comme logement depuis l’an IV. Cependant, ils ne sont pas les seuls à le troubler car depuis l’an III, " j’ateste que par violence et voix de fait, les chouans l’ont forcé de fournir en foin plus de 4 milliers " de livres. La municipalité de Hédé est quant à elle atterrée lorsque le général Chérin lui donne l’ordre de livrer ses 2 canons : armes dissuasives par excellence, elles sont " notre principale défense contre les chouans qui nous entourent ". Ce type de réquisition laisse certainement une rancœur mais elle est sans commune mesure avec l’événement qui s’est déroulé durant la nuit du 14 au 15 frimaire an II (4-5 décembre 1793). Suite à la déroute républicaine à Pontorson, les frères Maillaut sont 2 volontaires ne retrouvant plus leur compagnie éparpillée de par les campagnes. Ils décident de retourner à Rennes où ils reçoivent un passeport pour rejoindre leur bataillon stationné à Dinan. Ils font étape à Saint-Gondran , chez Jean Thébault : après avoir abattu son chien d’un coup de fusil, ils " menacèrent de tuer quiconque sortiroit de la maison. Ils demandèrent à boire et à manger , ce qu’on ne leur refusa pas […]. Ils ont continué toute la nuit à menacer d’ôter la vie ou de mettre le feu dans le village ". L’affaire prend fin vers 5 heures du matin lorsque plusieurs citoyens de la commune les saisissent. Reconduits à Rennes par la gendarmerie, ils sont jugés en comparution immédiate et emprisonnée. Ces genres d’exactions sont évidemment isolées, mais ce sont leur addition qui se répandent ensuite dans toutes les autres communes, par effet de rumeur amplifiée, un sentiment de vexation injuste qui ne favorisera pas la bonne volonté des paysans lors des nouvelles obligations. L’administration cantonale tentera d’en tenir compte en préconisant de ne " point endommager autant qu’il sera possible les propriétés des particuliers car nombreux sont ceux qui n’ont toujours pas été dédommagés ". En effet, l’hiver 1795-1796 est marqué par une décision du département de faire toutes les réquisitions nécessaires pour fortifier à nouveau la place de Hédé et consacrera d’importants fonds " nécessaires aux payements des ouvriers qui ont été et seront employés aux dits travaux ".
    Cette nouvelle mobilisation de l’économie de guerre passe également par l’impulsion du Comité de Salut Public, qui ordonne une levée de cochons. La municipalité de Hédé est alors amenée à dresser un état de recensement car une proportion (non-précisée) doit être conservée pour l’unique consommation de l’armée.

    Les chevaux sont également réquisitionnés pour servir d’attelage car le 22 floréal an II (11 mai 1794), Hédé doit en fournir 15. Ce n’est que 3 jours après que l’ensemble du canton est sollicité pour fournir 2 charretiers, " 2 voitures solides propres au transport des fourrages ", 12 colliers de trait, 2 selles de brancard et 7 sacs d’avoine. Il en sera encore question avec la loi du 15 pluviôse an IV, qui ordonne la nouvelle levée du 30ème cheval : 25 sont sélectionnés parmi lesquels 17 formeront le contingent du canton. Leur propriétaire sont pour la plupart de gros laboureurs, mais nous trouvons également de petits métayers. Il n’est donc pas étonnant que cette réquisition suscite des résistances car le 20 thermidor suivant, le département rappel à l’ordre l’administration de Hédé car on " on ne peut accepter aucun accommodement pour exempter de cette levée ". Cette lenteur d’application est compréhensible puisque ce cheptel est d’une importance considérable quand pointaient à l’horizon les labours de printemps. Même si tous savent qu’ils seront dédommagés, la méfiance à l’égard des assignats n’atténue en rien leur bon sens : un cheval requis au service des armées est une bête perdue.
    Pour la fabrication de la poudre, on manque surtout de salpêtre depuis le blocus anglais qui empêche désormais toutes les importations de la France. En 1793, le Comité de Salut Public reconstitue donc pour l’occasion le corps privilégié des salpêtriers, puis invite tous les citoyens à lessiver eux-même la surface de leurs caves, écuries, celliers… Gersin, agent national de Hédé, soulève pourtant le problème que " notre terrein élevé est nulement propre, étant très sabloneux, " à la recherche de salpêtre mais quoiqu’il en coûte, c’est le 2 prairial an II (21 mai 1794) que le salpêtrier Joseph Barbier arrive à Hédé pour y créer un atelier de fabrication, et charge ensuite 10 personnes, hommes et femmes, pour s’occuper de l’extraction des terres salpêtrées, de 6 heures à 18 heures. En effet, il est vital que Hédé soit pourvu d’une autonomie en matière première. Le 16 prairial enfin, il réclame que chaque ménage du canton fournissent 2 godets de cendre criblée, sûrement destinée à faire fonctionner les chaudières qui lessivent la terre salpêtrée.

    Le mal endémique du canton reste pourtant de connaître les possibilités frumentaires de chaque commune. Le décret du 4 mai 1793 oblige tous les citoyens à déclarer tous leurs grains, afin que le district puisse répartir les réquisitions en fonction de la population. Bien évidemment, ces tableaux de recensement ont généralement tendance à sous-évaluer les disponibilités réelles des communes. Ainsi, le 21 pluviôse an II (9 février 1794), la municipalité de Saint-Symphorien se plaint auprès du district que les commissaires envoyés de Rennes en octobre dernier ont évalué leur bled noir sur des apparences " puisqu’il est vrai qu’à cette époque, ce grain n’était point encore récolté ", et que la commune n’a produit finalement de l’avoine qu’en quantité à peine suffisante pour ses besoins. Cet exemple marque clairement la méfiance des autorités du district à l’encontre de ces communes rurales, afin d’éviter les mises en réserve (et la spéculation) pour approvisionner régulièrement les marchés urbains. Saint-Gondran fait le même constat lorsqu’elle envoie son propre état de recensement des 1856 quintaux de grains dont elle disposerait : " il est facile de conclure si cette commune est à lieu de founir les 601 quintaux que vous requerrez […] mais la classe indigente, instruite du peu de grain qui reste actuellement dans cette commune […] menace beaucoup de s’y opposer ". Si la plupart des communes du canton finissent toujours par verser leur contingent en entier, et même parfois davantage, ce n’est pas toujours suffisant malgré les efforts des locataires de biens nationaux : Allix, l’agent national de Guipel, apprend ainsi que les foins récoltés sur les terres de la ci-devant fabrique doivent être versés aux " magazins nationaux ", et seront payés 40 £ la quintal. D’ailleurs, l’agent du district rappel que même si leur quantité de grains disponibles est insuffisante pour leur autoconsommation et " si tu connaissois la détresse où nous sommes [à Rennes], tu ne te plaindrois pas. Je t’invite à faire approvisionner les marchés le plus que tu pourras ". On ne peut évidemment pas tout expliquer par la mauvaise volonté car la disette est aussi une résultante de la désorganisation économique et des troubles intérieurs. La municipalité de Bazouges fait ainsi remarquer qu’elle sera obligée de régler la réquisition de 45 boisseaux d’avoine pour les messageries de Rennes, après avoir échangée " du bled noir contre de l’avoine qui leur a été fournie par les habitants de Montreuil-sur-Isle et autres communes du canton de Saint-Aubin-d’Aubigné. On ne peut s’en procurer au marché de Hédé vu que l’avoine est enlevé par l’étapier, le maître des postes et les aubergistes aussitôt qu’elle paroit sur la place ". Face au passage quasi journalier de troupes à Hédé, tout la canton gémit de ne plus pouvoir encore très longtemps alimenter les réquisitions alors que les communes " placées dans le fond des terres, loin des lieux d’étape et des marchés, ont encore la plus grande partie de leurs grains ", comme le signale le maire Pollet. Ce sont typiquement les réactions des ruraux à l’égard de la terreur, bien qu’il faille également tenir compte des pressions exercées par les chouans pour empêcher les paysans d’aller vendre leurs marchandises à Hédé.

    Ce pessimisme instinctif mêlé du souvenir de la sécheresse de 1785-1786 amène le paysan à mettre de côté " quelques provisions pour survivre au cas où la situation empirerait ", pratiques qui irritent les autorités car elles y voient " une méfiance, voire une opposition sourde à leur système ". Or, la réglementation de mai 1793 sur le commerce des grains puis celle du Maximum général n’apparaissent jamais directement sur les registres municipaux du canton ou dans les correspondances. Ainsi, nous ne connaissons pas les modalités d’application sur le marché de Hédé, sûrement occultées par les nécessités militaires et la désorganisation de ce chef-lieu suite à la descente des vendéens.

    Nous sommes convaincus que la terreur rural dans ce canton durant l’an II tourne pour une large part autour de l’armée, plaçant Hédé sous un régime d’exception et gérée par les commissaires de guerre qui ordonnent, via l’étapier et l’agent national du district, toutes les mesures et réquisitions nécessaires, celles qui " marquent profondément le monde rural par leur ampleur, leur arbitraire [bref] l’impopularité de l’irruption brutale de l’Etat dans l’économie ". Prenons simplement l’exemple, parmi tant d’autres, de Chasteigner commissaire pour la levée de la première réquisition, qui signale au district que l’étapier " ne pourrait fournir les vivres à nos seuls réquisitions que nous faisons assembler, sans y être authorisé […]. S’il était possible de lui faire passer du pain et de la viande pour 3 ou 4 jours pour environ 300 hommes […]. Cela vat, cela ira, Vive la République, Salut, Union et Fraternité ". Toute la hiérarchie militaire et administrative se met alors en branle pour faire parvenir à Hédé les subsistances, les 30 paires de souliers et le numéraire nécessaires car on signale au général de brigade Damas que " le passage des armées ont beaucoup contribué à l’indigence de cette commune et autres environnantes. A peine l’habitant trouve-t-il son nécessaire absolu. Toi seul peut [donner ?] les suites qui pourraient résulter de cette disette ".
    La municipalité de Hédé semble totalement astreinte à un rôle d’application des directives militaires, d’enregistrement des lois et autres dysfonctionnements locaux : le 7 ventôse an II (25 février 1794), l’adjudant Louis Coutray dépose que la veille, il se trouvait sur la grande route à Vignoc (au niveau du Tertre Picqueboeuf) et a requis au nom de la loi auprès du maire, " 2 fusiliers pour garder 1000 rations dans un caisson cassé ". Se rendant chez un particulier pour lui confier cette mission, il " s’est permis de dire à différentes fois merde pour la loi et qu’il chiait sur la nation, et ce en présence du maire qui, à différentes reprises, chercha à lui imposer le silence ". Une telle assurance dans la " réponse " manifeste clairement qu’il ne craint pas de représailles ou qu’il ne fait qu’exprimer l’opinion partagée par l’ensemble de sa communauté. Mais qu’importe, cette situation de pénurie et de tension est également palpable à Hédé lorsque le procureur Guynot, membre du comité de surveillance, accuse la citoyenne Lebreton, épouse de l’étapier, de pas avoir fournit la ration réglementaire à 4 chevaux d’artillerie. La traitant de " salope " et de " voleuse de lare public ", elle affirme pourtant ne pas avoir fraudé car elle ignorait que les bottes fournis n’avaient pas le poids suffisant. Signalons que nous n’avons jamais relevé la moindre dénonciation sur des infractions au Maximum, alors que la fraude a toujours existé sur le marché de Hédé.

    En détruisant les instrument de la Terreur, les thermidoriens ne peuvent plus maintenir le Maximum national au nom de leur libéralisme économique. Le Comité de Salut Public prend alors l’arrêté du 16 thermidor an II (20 juillet 1794) sur le nouveau système d’approvisionnement décadaire des marchés, selon un simple principe d’ " invitation ". Ainsi, l’agent national du district explique par un courrier du 19 fructidor an II (5 septembre 1794) que Guipel et Vignoc fourniront désormais les marchés de Rennes, les autres communes du canton celui de Hédé. Par exemple, Langouët devra fournir 18 quintaux par décade, mais l’agent du district, de sa propre initiative, décide par scepticisme de maintenir au moins dans le canton une taxation pour les paysans récalcitrants. Cela n’empêche pas Allix de critiquer ses décisions car " un pauvre malheureux qui n’aurait qu’une très petite quantité de grains à vendre " est contraint d’aller à Rennes " tandis que le marché de Hédé n’est qu’à une lieue et quart ". Le comité de surveillance de Hédé tire la sonnette d’alarme car les " grains qu’on a tiré des campagnes pour aprovisionner les magazins de Rennes fait que notre marché est presque totalement désert, et nous laisse la perspective affreuse de la plus horrible famine. Cependant, ont veut nous forcer à fournir 91 quintaux de froment […]. Ne peut en fournir qui n’a pas, ne peut en acheter qui n’a pas d’argent ". De son côté, Bazouges est menacée d’une garnison, tandis que Saint-Symphorien se plaint de n’avoir jamais " eu besoin d’injonction pour que les citoyens de la commune portassent dès aussitôt la récolte de leurs grains aux marchés de Hédé " afin de " prouver le dévouement et la bonne volonté des citoyens de la commune " . Or depuis la dernière décade de fructidor, si les 4 communes ont jusqu’à présent fournit leur contingent, ajouté à cela le produit des 7 moulins au chef-lieu, Hédé aurait reçu environ 646 quintaux, " beaucoup plus que sufisant pendant un si court espace de temps ". Ne disposant plus de réserves, Saint-Symphorien prévient qu’elle cessera de répondre aux réquisitions : c’est tout à fait crédible, car la pétition est signée du patriote et maire Guynot, ancien hédéen où il était membre du comité révolutionnaire.

    La pénurie depuis la suppression de Maximum général et la dévaluation des assignats provoquent une nouvelle flambée des prix pour le blé noir (7£ 4s le boisseau) ou le froment (17£ 12s 6d le boisseau, un record) sur le marché de Hédé au jour du 12 frimaire an III (2 décembre 1794), malgré un maximum par district décrété un mois auparavant. Mesure totalement inefficace, la Convention décide le 4 nivôse an III (24 décembre 1794) la libéralisation totale du commerce. Les autorités parient sur une concurrence des prix salvatrice, mais les conséquences réelles ne se font pas attendre : la spéculation, qui entraîne immanquablement une hausse des prix. Les paysans désertent les marchés et vendent clandestinement leurs grains au prix fort. La dépendance de Hédé devient une nouvelle fois catastrophique car elle ne subsiste plus que grâce aux réquisitions forcées et à de multiples appels à l’aide auprès du district puisque " les militaires sont forcées, fautte de vivre, d’aller chez les particuliers et de les contraindre à partager avec eux quelques mauvaises galettes de sarrasin qui forme la légère subsistance de plus des _ des habitants ". De son côté, la gendarmerie prévient qu’elle va devoir vendre ses chevaux, faute d’avoine. Accusant les chouans de cette situation de siège, Belletier se méfie également d’une partie des communes du canton qui ne font rien pour aider le chef-lieu : " si on s’écarte dans ces campagnes pour y acheter [des denrées de premières nécessités] à un prix excessif et si deshorbitant [sic], qu’il fait frémir ".

    La date fatidique du 16 vendémiaire an IV (8 octobre 1795) pourrait être vécue comme une libération pour le canton car le général Drut ordonne que les troupes cantonnées au chef-lieu quittent définitivement cette garnison, dont le motif est " l’insouciance où semblent être les habitans de Hédé sur le sort des braves militaires qui ont un dévouement entier à la chose publique ". Le problème est grave car de plus en plus de soldats se plaignaient d’une République qui n‘était pas capable de les nourrir convenablement. La municipalité se dit " sensible " à ces reproches car ses concitoyens ont toujours procuré " les secours qui étoient dans leur pouvoir ", mais surtout, si cette troupe venait à les quitter, alors elle laisserait Hédé dans une " position critique " et en proie aux chouans qui n‘attendent que cela pour les " massacrer ". Situation totalement paradoxale, car si tout le canton se plaint des incessantes réquisitions militaires, Hédé paie les conséquences de son engagement républicain.


    Incapable de subvenir aux besoins de ses propres habitants, la municipalité est obligée de recourir à un moindre mal, cette garnison qui est son unique garantie contre de nouvelles intrusions chouannes. La Terreur imposée d’en haut touche les campagnes inégalement, on concilie un patriotisme de façade et des intérêts communautaires, à l’image de Saint-Gondran, où les " habitants sont doux et laborieux, ils ne sont qu’indifférents sur la Révolution, toujours ils ont montré de l’exactitude dans l’exécution des loys […] la garde nationale a été quelques tems organisé, elle ne se réunit plus ". Face à cette une lassitude passive, Hédé tente tant bien que mal de concilier les obligations de la guerre, la lutte contre les suspects et son engagement révolutionnaire.