1 - ETUDE DEMOGRAPHIQUE

 

1.1- ANALYSE DÉMOGRAPHIQUE

1.1.1 CONSTAT GÉNÉRAL

La source essentielle pour traiter ce sujet est le dépouillement des B.M.S conservés aux archives d'Ille-et-Vilaine. il faut mettre en garde le lecteur sur la rigueur des registres. Les naissances semblent être notées régulièrement, néanmoins, on peut se demander dans quelle mesure il est fait réellement mention de toutes. Le registre des mariages est encore moins fiable. Notre travail, sur la comptabilisation des bénédictions nuptiales, est allégé par l'existence d'un registre où tous les mariages, qui concernent notre période, sont notés (1). La mortalité est assez bien retranscrite; il en est de même pour la mortalité infantile. La preuve en est que nous pouvons suivre la trajectoire d'une famille assez aisément ; c'est ce que nous ferons pour celle de Noëlle Monnier.
L'étude démographique s'effectue sur un cycle de cinquante quatre années. Nous avons relevé le nombre de 1695 naissances pendant cette période, soit par année 31,98 enfants. Certaines années, le nombre de naissances est élevé. Ainsi en 1750, nous obtenons un maxima de 53 naissances. A cela, quelles explications pouvons nous apporter ? En 1739 / 1740, Hédé a été frappée par la dysenterie. Le nombre des naissances a chuté autour de 30 par an. En 1746, le chiffre oscille autour de 40 enfants par an, puis nous constatons une reprise régulière de la natalité jusqu'en 1753.
Le nombre des naissances atteint son minima en 1772, alors que la ville est à nouveau frappée par la dysenterie. Pouvons nous dire que les épidémies régissent le rythme des naissances ? On peut le croire, une mauvaise qualité de vie peut avoir des répercussions sur les comportements humains.
Toutefois, si on se rapporte aux estimations de la population hédéene faites par Madame Régine Dalnoky (2), et par Monsieur Claude Nières (3), il apparaît que le nombre des naissances est important. il semble pourtant aventureux de proposer un chiffre définitif de la population, car nous ne sommes pas en mesure d'affirmer nos dires. Seulement, sans tromper le lecteur, pouvons nous annoncer un chiffre minimal de 200 habitants résidents.
Bourg sans paysan, Hédé n'en est pas moins réglé par des coutumes calquées sur celles de la campagne. Ainsi, on se rend compte que les naissances sont moins nombreuses pendant la période des moissons. Il semble, en effet, que beaucoup de femmes (mais aussi des hommes) complètent leurs revenus en travaillant aux champs à l'époque des moissons. Les naissances sont plus importantes au printemps.
Nous avons essayé de rechercher la fréquence des naissances selon les couples. il en résulte que le premier enfant naît, dans plus de la moitié des cas, avant le premier anniversaire de mariage des parents. On peut établir un ordre de grandeur qui s'étend entre le neuvième et le douzième mois après le mariage.
Nous allons prendre quelques exemples :

* Le 12 janvier 1751, le sieur Cochery épouse Anne Thébault. Leur premier enfant, Mathurin Cochery, naît le 7 novembre 1751, soit neuf mois après l'union des parents (4).
Ceci est un exemple parmi beaucoup d'autres. La généralité veut que l'écart de neuf à douze mois soit respecté. Pourtant, des exceptions existent:

* Le 9 novembre 1756, Gilles Trotoux épouse Françoise Coubrun. Leur premier enfant, Perrine Trotoux, est née le 28 février 1757, soit trois mois et demi après la célébration de la bénédiction nuptiale (5).

* Inversement, nous avons l'exemple d'un couple constitué par Sébastien François Hervoche, âgé de 26 ans, receveur des octrois de Hédé et de Rose Dupuy, âgé de 13 ou 14 ans, à la date du mariage en 1739. Leur premier enfant n'est enregistré qu'en 1745 (6). Peut-on parler de stérilité ? Doit-on mettre en cause le jeune âge de la mariée?

Parmi les naissances, certaines ne sont pas le fait de personnes résidentes à Hédé, mais de gens de passage. Le rôle de Hédé comme ville marché, est ici à prendre en compte. Ainsi, Claude Lenoir est né le 20 février 1747 chez François Lebret, débitant. Sa mère venait de la paroisse de Boussac dans l'évéché de Dol (7). L'enfant est enregistré à Hédé comme tous les enfants de la ville.
Pour n'omettre aucun fait important concernant les naissances, il est nécessaire de parler des enfants naturels, c'est-à-dire des enfants de pères inconnus. Nous retrouvons régulièrement dans les registres, le nom de Toussainte Delamarre qui met au monde sept enfants naturels, après la mort de son mari (8). Néanmoins, il faut reconnaître que les enfants illégitimes sont rares.
Venons-en à un exemple précis qui s'étend sur une large partie de notre période. Il s'agit d'étudier la fréquence des naissances de Malo Dumont, meunier de son état, et d'Angélique Guillet, sa femme.

* Malo et Angélique se sont mariés le 5 octobre 1752. Ils ont eu douze enfants ensemble dont sept vivent au-delà de 1792. Il est intéressant de montrer, par un tableau, l'étalement des naissances.

 NOMS  NAISSANCES    FRÉQUENCES   DÉCÈS
         

 1
 Janne

 24 / 10 / 1753

  12 mois*

 /

 2
 Françoise

 22 / 03 / 1755

 18 mois

 /

 3
 Laurance

 03 / 06 / 1756

 15 mois

 1757

 4
 Julien

 09 / 12 / 1757

 18 mois

 /

 5
 Jan

 24 / 07 / 1759

 19 mois

 1759

 6
 Jan

 24 / 12 / 1760

 17 mois

 1763

 7
 Pierre

 11 / 1763

 23 mois

 /

 8
 Dominique

 1766
 /

 /

 9
 Julienne

 1768
 /

 /

 10
 Laurance

 1770
 /

 1770

 11
 Olivier

 1771
 /

 /

 12
 Ange

 1774
 /

1783

(*)Intervalle entre la date du mariage et la naissance du premier enfant.

Nous nous apercevons que les naissances se succèdent en moyenne tous les dix-huit mois. Entre chaque naissance, la mère allaite son enfant. L'allaitement recule l'arrivée de l'enfant suivant. Nous pouvons sans erreur, généraliser à la plupart des couples, le tableau ci-dessus.

D'autre part, le tableau met en avant un important taux de fécondité des femmes de Hédé. Ici l'exemple n'apparaît pas comme représentatif de la population. On peut, plus vraisemblablement, avancer le chiffre moyen de six enfants par femme en âge de féconder.

Un autre élément ressort du tableau. Angélique Dumont s'est mariée alors qu'elle était majeure. Nous pouvons penser qu'elle était âgée entre vingt et vingt-cinq ans (âge moyen de mariage chez les jeunes filles). Hors les différentes naissances se sont échelonnées pendant vingt et une années. Nous pouvons en déduire que la femme a un maxima de fécondité entre vingt et quarante ans. Sur de nombreux cas étudiés, on constate la faiblesse des naissances chez une femme âgée de plus de 45 ans.

Dernière remarque ; un enfant qui meurt avant son premier anniversaire est rapidement remplacé par un suivant. Nous pouvons dire que le décès d'un enfant en bas âge interrompt la période post-natale, consacrée à l'allaitement; la femme est à nouveau féconde. C'est le cas en 1759 et en 1770 pour Angélique Dumont.

En s'alignant sur la chronologie humaine, nous allons nous intéresser au second grand moment d'une vie : la nuptialité.

La nuptialité est beaucoup moins quantifiable que les naissances. Certaines promesses de mariage n'aboutissent pas, ou inversement des mariages sont célébrés sans fiançailles.

On peut aussi rencontrer des enfants de Couples qui apparaissent subitement sur les registres de baptême alors que nous n'avons aucune trace du mariage de leurs parents. Les bénédictions nuptiales ne sont pas toutes notées.

Afin de limiter les risques d'erreurs, on est en mesure d'utiliser un registre où tous les mariages contractés sur notre période ont été enregistrés (9). Il nous permet d'en évaluer le nombre à 304 bénédictions entre 1739 et 1792.

Les registres de mariages nous donnent peu d'éléments sur les futurs époux. Pourtant, ils nous renseignent sur les lieux d'habitation des fiancés avant le mariage. D'autre part, ils précisent s'il s'agit d'un premier ou d'un second mariage. Ces deux éléments sont les seuls fiables et donc utilisables pour notre analyse.

La recherche des lieux de résidence des époux avant leur union permet de déterminer la sphère de rayonnement de Hédé sur la région. Une remarque générale émerge de notre étude : on constate un nombre important de mariages entre des habitants de la même ville. Plus de la moitié des actes de mariages s'effectuent entre familles voisines. L'ordre social est aussi respecté puisque les unions se font à l'intérieur d'un même groupe économique.

Une limite doit pourtant être émise ; nous ne prenons en compte que le lieu d'habitation d'un individu, non son lieu d'origine. Ainsi, il est possible que beaucoup d'habitants de Hédé le soient depuis peu de temps, mais si ils y résident au moment de notre étude, nous leur attribuerons Hédé comme lieu de résidence. Toutefois, nous savons que de nombreux habitants de Hédé viennent d'autres villages. En général, ils étaient domiciliés dans les bourgades proches de Hédé comme Bazouges, Dingé, Langouët, Tinténiac, Gévézé, Guipel etc...

Ce qui est plus intéressant, c'est de se rendre compte que 80% environ des unions sont contractées entre habitants de ces mêmes villages. La recherche des futurs époux correspond à une sphère concentrique autour de Hédé. L'influence de la ville ne s'étend pas au-delà d'une ou deux lieues. Toutefois, il arrive que l'un des fiancés vienne de l'extérieur de cette zone. Ce sont des cas marginaux mais qui correspondent à une réalité économique et militaire pour la ville. Certaines femmes s'amourachent de marchands ambulants ou de militaires de passage. Ainsi, nous savons que Julien Yvon dit Dubuisson, soldat de la compagnie d'infanterie, au service de la compagnie des Indes, épouse en 1763 une jeune fille mineure résidente à Hédé (10). On note aussi des épousailles avec des soldats, appartenant au régiment de Normandie, qui séjournent régulièrement dans la ville.
Les registres nous permettent aussi de savoir si c'est l'homme ou la femme qui est originaire de Hédé. Dans la plupart des cas, les hommes viennent de l'extérieur. Les femmes suivent leur mari. On peut avancer cette hypothèse car après le mariage, nous n'avons pas trace d'enfants issus de leur union sur les registres de baptême.
Les mariages sont célébrés fréquemment entre l'âge de 20 à 25 ans. Trop peu de registres notent cette caractéristique. Nous ne sommes pas en mesure d'affirmer nos dires. Il faut juste tenir compte de cet ordre de grandeur comme d'une moyenne. A l'époque que nous étudions, la mortalité fait partie intégrante de la vie quotidienne. Ainsi, beaucoup de couples ne vieillissent pas ensemble. Le nombre des veuvages est important. Beaucoup d'hommes perdent leur femme au cour d'une grossesse. Cette situation conduit à la recherche d'une nouvelle alliance. Les exemples, sur ce sujet, ne manquent pas:

* En 1749, Olivier Ruaulx, avocat au Parlement de Bretagne, épouse en secondes noces Elizabeth Robion, elle-même issue d'une famille de notables. Nous pouvons ici regretter l'oubli de l'âge du sieur Ruaulx sur le registre.

* En 1757, Julien Cohan, veuf à 25 ans, épouse Perrine Amice (11).

Les femmes, veuves de bonne heure, se remarient également. Pourtant les exemples sont moins nombreux. Devons nous en déduire que les hommes préfèrent épouser des femmes jeunes et célibataires?

Malgré tout, nous avons retrouvé la trace de quelques remariages féminins.

* Françoise Thouault, veuve, épouse le sieur Gobineau, chirurgien à Hédé en 1753
(12).
* Julienne Guynot, veuve du procureur Thouaulx, épouse en 1755 Mathurin Boizard,
procureur (13).

Il est intéressant d'envisager le temps qui sépare un veuvage d'un remariage. on s'aperçoit que le délai est plus important pour les femmes. Il est de l'ordre de deux ans. Le temps de veuvage se réduit à quelques mois pour les hommes :

* Pierre Bameul, maître perruquier à Hédé, perd sa première épouse en 1741. Il se remarie le 08 mai 1742, soit six mois après le décès de sa femme (14).

La vie quotidienne à Hédé est perturbée par le maintien d'une mortalité élevée.

La mortalité est fréquente à tous âges. Certaines périodes de la vie apparaissent comme plus meurtrières que d'autres.
La vieillesse est, bien sûr, un critère de mortalité. Les habitants de la ville peuvent vivre vieux. On constate que les décès sont nombreux entre 55 et 70 ans. Peu de personnes dépassent ces âges. Les femmes sont plus nombreuses au sommet de la pyramide des âges:

* Dame Montouel, domestique chez les Urselines, meurt à 70 ans (15).

* Mademoiselle Françoise Reynaud, dame de la Ville Allée, décède à 68 ans (16).
Les femmes vivent plus longtemps, en revanche, beaucoup meurent en couche. Il n'est pas question ici, de mettre en cause le manque d'hygiène de certaines. Au contraire, nous avons des exemples qui montrent que toutes les femmes sont touchées par ce problème :

* Anne Pyrois, 34 ans, première épouse d'Olivier Ruaultx notable, meurt en 1748 à la suite de son accouchement (17).

* Anne Deslandes, épouse de maître Boursin, meurt à 38 ans en mettant au monde un enfant, en 1778 (18).

Ce dernier point est une transition bienvenue entre la mortalité et la mortalité infantile. En effet, peu d'enfants dont les mères sont mortes en couche survivent :

* Le fils de Anne Pyrois est décédé dès sa naissance. Il n'a pas pu être enterré religieusement, car il n'avait pas reçu les sacrements du baptême. Il a donc été "inhumé sans cérémonie dans le lieu destiné à cet effet" (19).

Le nombre des enfants morts avant d'atteindre l'âge d'un an est impressionnant. Un accouchement "naturel" et des conditions de vie précaires jouent sûrement un rôle, mais quelle famille peut se vanter, à Hédé au XVIII ème siècle, de n'avoir pas perdu au moins un enfant en bas âge ? Selon les registres, aucune famille n'a été épargnée. La mortalité infantile est tellement fréquente qu'elle n'apparaît pas comme un drame. Un enfant mort est remplacé par le suivant, même si le chemin est long avant de pouvoir voir grandir un enfant :

* En 1767, René Bordier, dit Neuville, perruquier à Hédé, assiste à la mort de son fils
qui n'avait pas encore un an. En 1768, sa femme met au monde une fille qui meurt à la naissance. En 1769, sa femme accouche d'un autre enfant mort-né. Dernière tentative puisque René Bordier décède cette même année, à l'âge de 50 ans (20).

En guise de conclusion sur ce constat général de la démographie à Hédé, nous allons examiner le cas d'une famille pendant plus de quarante années.
Cet exemple regroupe tous les éléments précédemment étudiés : naissance, mariage, veuvage, remariage et mortalité.

Noëlle Monnier est originaire de la paroisse de Gévezé et est domiciliée à Bazouges. Le 27 janvier 1745, elle épouse à l'âge de 18 ans René Labbé, fils mineur de Gilles et Sébastienne Monnier. Elle s'installe avec son mari à Hédé, où il est cabaretier.

1- enfant : naissance le 9 novembre 1745 de Sébastienne Labbé. L'enfant est baptisé dans la maison de ses parents. Il meurt le jour même. Neuf mois séparent le mariage de la naissance du premier enfant.

2- enfant: le 10 août 1746, Noëlle met au monde un enfant mort-né. L'écart entre les deux naissances est de neuf mois.

3- enfant : le 29 août 1747, naissance de Anne Labbé; douze mois séparent le deuxième du troisième enfant. Anne meurt un mois après sa naissance.

4- enfant: le 21 novembre 1748, naissance de Marie Labbé. Quinze mois séparent les deux filles.

5- enfant: Anne Labbé est née en novembre 1750, soit 24 mois après Marie.

René Labbé meurt en 1751, à l'âge de 25 ans. Noëlle est veuve à l'âge de 24 ans, avec deux enfants vivants. Elle hérite du cabaret de son époux. Elle respecte deux années de veuvage avant de se remarier. Le 31 octobre 1753, une promesse de mariage est passée entre Noëlle et Jan Beillet, fils d'un riche marchand de la ville. La bénédiction nuptiale est célébrée le 28 Novembre 1753, dans l'église de Notre Dame de Hédé.

6- enfant : Perrine Beillet est née le 14 septembre 1754, soit neuf mois après le mariage. Elle décède en 1757 à l'âge de deux ans et demi.

7- enfant : le14 janvier 1756, naissance de Michelle. L'écart avec le dernier enfant est de quinze mois.

8- enfant : le 31 juillet 1757, naissance de Jan qui est son premier garçon. Le délai entre les deux derniers enfants est de dix-huit mois. Noëlle n'a que 30 ans. Son fils décède à trois ans en 1760.

9- enfant : le 17 septembre 1758, quatorze mois après Jan naquît Janne Toussainte.

10- enfant : le 8 mai 1760, Noëlle met au monde Perrine, fille posthume de Jan Beillet, décédé le 6 avril 1760 à l'âge de 32 ans.

Noëlle Monnier se retrouve, pour la seconde fois, veuve. Elle a 33 ans. Ne cherchant pas à se remarier, elle consacre sa vie à ses cinq enfants vivants et à son auberge de la Maison Rouge.

En 1770, elle unit sa fille Anne Labbé, mineure, au sieur Ambroise Deslandes, juriste à Hédé. Ce mariage est l'exemple type d'ascension sociale pour la famille de Noëlle, elle même déjà enrichie grâce à deux beaux mariages. Cette union montre la pratique d'une exogamie ascendante.

En 1787, à l'âge de 60 ans, Noëlle meurt dans la ville de Hédé.

Exemple complet qui met un terme à l'explication des mouvements humains entre 1739 et 1792 à Hédé. Un point a été volontairement laissé à part dans cette analyse. Il se rapporte aux comportements de l'homme face à des accidents ponctuel qui se produisent au cour de sa vie. On fait ici référence aux conséquences des aléas climatiques, épidémiques ou autres sur la variation de la population de la ville.

 

1.1.2 Les aléas de la vie quotidienne

L'analyse des comportements humains résultant des attaques microbiennes ou climatiques nous est bien connue. De nombreux documents (délibérations communales, rapports de justice, textes émanant de l'intendant) insistent sur le chaos qui traverse épisodiquement la ville. Ces textes nous donnent juste un aperçu des conditions de vie à Hédé. C'est la raison pour laquelle, il est nécessaire de comparer les documents écrits et les statistiques issues des B.M.S (voir tableau suivant). On a délibérément découpé notre période en classes fictives de neuf ans, afin de mettre en relief l'évolution sur le long terme. Les lignes qui correspondent à la mortalité nous intéressent plus particulièrement.

L'étude de la sécheresse et de sa conséquence première : la disette constitue un premier centre d'intérêt Ensuite, nous allons analyser la fréquence des épidémies qui touchent Hédé en corrélation avec les mesures prises par la communauté, pour palier à leur propagation chez les habitants.

 

TABLEAU DES B.M.S DE 1739-1792

 ANNÉES  NAISSANCES  NUPTIALITÉ  MORTALITÉ  M. INFANTILE
 39-47  324  47  320  81
 48-56  308  45  230  87
 57-65  268  52  215  60
 65-74  237  49  283  69
 75-83  275  57  221  62
 84-92  283  54  248  63
         
 TOTAUX  1695  304  1539  422

 

TABLEAU DE L'ACCROISSEMENT NATUREL

Naissances - décès = accroissement naturel

 ANNÉES  NAISSANCES  MORTALITÉ  A.NATUREL
 39-47  324  320  +4
 48-56  308  230  +78
 57-65  268  215  +53
 65-74  237  283  - 46
 75-83  275  221  +54
 84-92  283  248  +35
 TOTAUX  1695  1539  + 146
(Source Arch I&V)


La ville de Hédé s'approvisionne en denrées le jour des marchés et foires, ou directement sur son plat pays. Les habitants achètent du blé "brut" et s'occupent de la transformation en pain, crêpes ou autres aliments. Le blé, et ce que nous appellerons aujourd'hui les céréales secondaires, constituent les principaux composants des repas au XVIII ème siècle. Le blé sert de palliatif aux disettes. Hédé possède un nombre considérable de moulins, depuis le moulin du Perray, situé au débouché du ruisseau du Grand Étang de Hédé, jusqu'au moulin du Breil Marin, situé à la sortie de la ville en direction de Rennes. Les meuniers, souvent associés aux boulangers, transforment la céréale. Le pain, ainsi fabriqué, est commercialisé dans la ville même. Il est essentiellement destiné aux cabaretiers, militaires ou gens aisés. Les habitants font moudre le blé par les meuniers mais cuisent eux-même le pain. Le problème se pose si les meuniers, en période de sécheresse, ne peuvent plus moudre le blé parce qu'il n'y a plus d'eau pour faire tourner les moulins. La chose est encore plus grave si le pénurie en eau témoigne d'un acte criminel. C'est le cas en 1742 lorsque six meuniers attaquent en procès Gilles Guynier, meunier du Grand Moulin, pour avoir retenu l'eau qui coule normalement jusqu'à leurs moulins. Cet acte est autant plus grave qu'il s'insère dans une année difficile pour la ville. En effet, l'accroissement naturel est de - 5 pour 1742 ; ce qui veut dire que le nombre de décès est plus important que celui des naissances. Empêcher les meuniers de moudre le blé, c'est plonger la population entière dans la disette. Les meuniers lésés en appellent au substitut du procureur du roi, le sieur Delamarre, pour qu'il trouve un remède à cette situation. Le substitut promulgua une lettre obligeant Gilles Guynier à laisser passer l'eau même la nuit "afin que les moulins inférieurs puissent moudre et que le public soit servit de farine" (21 ). L'affaire est résolue rapidement car l'acte de Gilles Guynier est considéré comme un crime en période de sécheresse.

On s'aperçoit que le problème de l'eau resurgit dès qu'un vent de disette souffle sur la ville. C'est en effet le cas en 1765, alors que les conditions climatiques annoncent à la ville une nouvelle vague de sécheresse.
Les moulins sont au coeur des préoccupations quotidiennes. Une note du trois décembre accuse Gilles Guynier et le boulanger Vincent Marion d'accumuler de la farine pour leur subsistance et leur commerce. Les autres meuniers affirment que le sieur Guynier "se fait un jeu de la misère publique " (22). L'accusation semble fondée puisqu'une délibération, de ce même mois, la conforte "les habitants de cette ville (...)se trouvent en effet dans le cas de périr par la faim "(23). Les autres meuniers ne peuvent plus faire de la farine. La situation alimentaire de la population devient précaire. Il est très difficile de chiffrer, en vies humaines, les conséquences d'une sécheresse. Néanmoins, il est possible, grâce aux statistiques (consulter les tableaux précédents) , d'en examiner les répercutions sur l'ensemble des habitants de la ville. Nous pouvons en déduire que la sécheresse de 1765 a eu des conséquences dramatiques sur la population, et cela, pendant plusieurs années. En effet, les habitants avaient des réserves pour limiter la propagation de la disette; mais si celle-ci n'était pas résorbée très rapidement, les individus devenaient très vulnérables. C'est malheureusement le schéma décrit par Hédé. Entre 1765 et 1769, l'accroissement naturel n'est jamais positif. Ainsi, en 1769, le nombre des naissances est de 30 alors que les décès atteignent 37. Les jeunes enfants semblent particulièrement touchés par ces événements, car on compte plus de quinze décès pour les moins de dix ans. Les enfants et les personnes âgées apparaissent comme les plus exposés. D'ailleurs, la période qui couvre des années 1766-1774 a un bilan naturel négatif, ce qui montre bien qu'elle a été meurtrière. Les mesures prises immédiatement par la communauté n'arrêtent pas le fléau, même si elles sont sans appel (...)pour l'intérêt public, qu'entendu la disette d'eau, Vincent Marion et le meunier du Grand Moulin de Hédé tiennent jour et nuit la bouche du grand Étang levée et ne puissent la rabattre jusqu'à nouvel ordre, sous aucun prétexte " (24).

L'analyse sur une longue période permet un constat général plus juste. Ainsi, on se rend compte que les fléaux surviennent de façon cyclique. La ville de Hédé est affectée par de tels problèmes tous les vingt ans. Après 1765, nous en venons presque naturellement, à la sécheresse du printemps 1785. Son étude n'est pas une obligation car elle ressemble, d'une manière trop parfaite, à la précédente.
Les disettes qui touchent Hédé ont des conséquences encore plus dramatiques si elles sont associées à des épidémies.

Les épidémies se succèdent presque sans interruption de 1739 à 1791. Elles n'ont pas les mêmes caractères ni la même virulence selon les années mais, nous pouvons dire que le mal est endémique pendant toute notre période.
La dysenterie frappe la ville à partir de 1739. A cette date, le nombre des décès excédent de dix-sept le nombre des naissances. La maladie, appuyée par un constat alimentaire et une hygiène précaire, s'installe pour quelques années sur la ville. Jusqu'en 1743, l'accroissement naturel est négatif. Cinq années difficiles qui ont marqué l'ensemble de la période, puisque l'excédent naturel entre 1739 et 1747 n'est que de quatre.
Une autre épidémie apparaît en 1760 et se prolonge jusqu'en 1791 il s'agit du choléra. Quelques documents, datant de 1774-1775 nous renseignent davantage sur la maladie. Tout d'abord, il faut savoir que les médecins et les autorités du XVIII siècle ont beaucoup de difficultés à cerner les caractères propres de l'épidémie. Elles restent, dans les esprits, associées à la misère.
Les disettes affaiblissent les résistances naturelles des individus qui sont alors réceptifs aux attaques microbiennes. C'est ce qui transparaît des disettes consécutives aux sécheresses de 1765 et 1785.
La maladie est violente en 1774. L'assemblée de Hédé annonce qu'au mois de janvier, dix-neuf personnes sont atteintes par le mal ; chiffre qui s'élève à 102 au mois de mars. Jean-Felix Pigeon, maître chirurgien installé à Hédé en 1775, est chargé de soigner les habitants touchés par la maladie. Nous avons retrouvé la description qu'il en donne : "c'est une fièvre bilieuse, putride et fétide (...) qui depuis plusieurs années réapparaît périodiquement pendant l'automne et se déclare tantôt dans une paroisse, tantôt dans une autre et souvent dans plusieurs à la fois "(25).

L'hygiène est un critère de propagation des maladies infectieuses. C'est dans cette optique que son analyse se place au coeur de notre étude. Deux domaines, l'un concernant l'individu, l'autre concernant la ville, sont ici à prendre en compte. Cette étude s'insère dans une partie plus large qui englobe hygiène et médecine.



 

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