LE CHÂTEAU. 1000-1598

 

 

L'an mil, pendant lequel une terrible catastrophe devait, disait-on amener la fin du monde, était passé. Il s'était terminé comme les autres, sans avoir vu se réaliser la terrible prophétie. Les craintes avaient disparu, les esprits remis de leur émoi s'étaient calmés, et chacun débarrassé de ses inquiétudes pour le passé ne pensant plus qu'au présent, avait repris comme auparavant ses habitudes et ses travaux et songeait à organiser l'avenir. On se souvenait de ce X ème siècle qui venait à peine de disparaître, siècle tout entier de luttes et de batailles causées, d'abord par l'invasion des Normands qui avaient ravagé toute la Bretagne d'où ils n'avaient pu être chassés qu'en 939 par Alain Barbetorte, puis la rivalité des Comtes de Nantes et de Rennes et leur compétition à la suprématie et à la souveraineté qui ne prirent fin qu'en 995 par le triomphe des derniers et la constitution définitive et incontestée du duché de Bretagne au profit de Geoffroy, fils de Conan le Tort.

Tous les malheurs et les désastres accumulés pendant ces cent dernières années, n'avaient point éteint l'ardeur batailleuse des Bretons mais ils leurs avaient fait apercevoir que la science de la guerre avait marché, que leurs moyens de défense n'étaient plus à la hauteur des moyens d'attaque, que leurs fortifications de terre et leurs château de bois, quelque solidement qu'ils fussent établis, n'étaient plus suffisants, et que s'ils voulaient être protégés efficacement et avoir un abri sûr où ils pourraient se réfugier sans crainte, ils devaient les remplacer par des constructions plus capable de résister à l'incendie et aux machines des assiégeants. C'est pour cette raison qu'on vit s'élever de tous côtés, partout où l'on rencontra la pierre, ces hautes tours, ces donjons aux épaisses murailles, dont les restes mutilés bravent encore les assauts du temps et la main plus meurtrière des hommes.

Il en fut ainsi à Hédé, et le château de la Motte-Jouhan, tombé en mauvais état par suite de son âge et des guerres du siècle précédent ou, du moins, reconnu incapable d'assurer la protection qu'on devait en attendre, fut remplacé par un nouveau plus conforme aux nécessité de l'époque.

Ce nouveau château ne fut pas bâti à la place de l'ancien. Quelque favorable qu'eût paru autrefois l'emplacement de la Motte, un seul de ses côtés se trouvait défendu par l'escarpement du coteau ; les trois autres, ayant eux un terrain plat et simplement protégé par un fossé, n'était plus à l'abri d'un coup de main. Il fallait éviter ce danger.

A quatre cents mètres environs à l'ouest de la Motte-Jouhan, descend un étroit vallon qui partant de l'étang de Hédé, vient briser la ligne des coteaux et s'ouvrir en un passage pour aboutir à la plaine inférieure. Ce vallon par sa pente très faible, offrait un chemin facile d'accès à l'étranger qui allait de Rennes à Saint-Malo, lui permettant de ne pas traverser Hédé, et d'éviter la surveillance.

Au dessous du point où se produit l'ouverture, l'escarpement dirigé vers l'Est se rencontre brusquement avec celui qui borde la vallée et tous deux forment à leur jonction, une pointe aiguë qui s'avance en forme d'éperon. C'est sur cette pointe à environs 50 mètres de son extrémité et sur le côté dominant la vallée qu'eût lieu le nouvel établissement qui consistait en une tour s'élançant de fossés secs, mais profonds.

Du pied de cette tour partait un autre fossé se dirigeant en ligne droite vers le nord coupant le plateau en deux parties inégales ; l'une, à l'ouest, d'environ un quart d'hectare ( 40 cordes) comprenant la pointe toute entière, défendue par l'escarpement du rocher, et le marais formé à ses pieds par le ruisseau qui coulait le long de la vallée, formait un bayle intérieur qui renfermait les communs ; l'autre plus vulnérable car il était sans défenses naturelles, fut aussi entouré de douves creusées probablement en même temps que celle du château et destinées à lui former une enceinte et une première ligne de protection.

Le château avait ainsi, une situation bien supérieure à la première. Du haut de ses remparts, il gardait la route de Rennes à Saint-Malo, soit à travers la ville, soit au passage de la vallée, et surveillait celle de Dol, tout comme lorsqu'il était à la Motte-Jouhan.

Ainsi protégé de tous côtés par les obstacles résultant de la nature du terrain, et presque imprenable avec les moyens de l'époque, du moins aussi longtemps que le canon n'aurait point acquis la force nécessaire pour détruire ses murailles, il fût considéré comme une place de grande importance, dont la garde n'était confiée qu'à de vaillants capitaines, et le Père du Paz a pu en dire, en parlant de Robert d'Espinay qui avait le commandement de l'une et de l'autre, que : "Hédé et Dinan auraient toujours été des meilleurs places du pays." ( Du Paz "Histoire générale de plusieurs maisons illustres de Bretagne .)

Un voyageur qui le voyait trente-cinq ans après sa démolition, en disait encore : " et y avoist château dont le circuit reste encore tout muraillé, ayant veüe sur une très belle et large vallée. Il estoit très fort à coup de trait." ( Dubuisson-Aubernay "Itinéraire de Bretagne en 1636" - Société des Bibliophiles Bretons - IX - page 22.)

De ses fenêtres on aperçoit à l'ouest Montmuran et Bécherel ; et ces trois forteresses se dressent si près l'une de l'autre, sur la même ligne de hauteurs qui communiquaient si facilement par des signaux, semblaient bâties tout exprès pour se soutenir mutuellement contre un ennemi commun. Il en fut cependant rarement ainsi ; et elles ne furent, au contraire, que trop souvent et malheureusement pour le bien du pays, des soeurs ennemis.

La première fois que nous trouvons mention du château de Hédé, ce n'est pas à l'occasion d'un fait militaire.

Vers le milieu du XI ème siècle, vivait à Combourg un prêtre du nom de Harnon marié à une certaine Orvenna, dame noble, dont il avait eu quatre enfants, trois fils, Jean qui se fit moine, Hingant et Orricus, et une fille nommée Flandrine. Celle-ci habitait le château de Hédé. À quel titre ? Nous l'ignorons, mais elle y mourut vers 1069 ou 1070. Sa mère, alors veuve, désolée de cette perte, fit avec le consentement de ses fils aux moines du Prieuré de Saint-Florent de Dol, possesseurs du prieuré de Combourg, une dotation afin d'obtenir des prières pour l'âme de sa fille et, ne voulant pas que le corps de sa fille reposât loin d'elle, dans une terre étrangère, elle exigea qu'ils allassent le chercher pour l'inhumer dans leur cimetière ; ce qui fût fait. ( "Hac de causa, illam mortuam de Hadoico castello detulimus et in cimeterio nostro sepelivimus" )

Quinze ans plus tard, le duc Alain Fergent vint visiter Hédé. A cette époque vivaient dans le pays deux puissants seigneurs, Geoffroy de Dinan, seigneur de Combourg et de Bécherel, et Guillaume de Tinténiac, trop voisins pour rester en paix. Tous deux, types de ces guerriers vaillants et hardis, mais ne comptant que sur leur épée pour maintenir leurs droits et vider leurs querelles, avaient fréquemment des contestations. Guillaume de Tinténiac, "grand batailleur, toujours en guerre avec ses voisins, probablement d'une violence qui n'avait rien de chrétien, de là son surnom - d'Ismaélite." s'opposait à la prise de possession par les moines de l'abbaye de Saint-Florent sous Dol, a qui il en ait été fait don, de la terre de la Lande-Huan en Lanrigan, proche de la forêt de Tanouarn. Le sire de Combourg protecteur des moines établis sur ses terres, soutenait leurs justes réclamations, et l'entêtement de l'Ismaélite allait amener une lutte sanglante et mettre le trouble dans toute la contrée.

Il ne fallut pas moins, pour ramener la paix que la puissante intervention du souverain Alain Fergent, duc de Bretagne depuis l'année précédente. Alain n'hésita point à se déplacer, pour réconcilier les deux ennemis. Il vint jusqu'à Hédé, où il avait convoqué les adversaires. Geoffroy de Dinan et Guillaume de Tinténiac obéirent à son appel, et tous trois se rencontrèrent le 5 mai 1085 à l'entrée de la ville, sur la chaussée de l'étang, auprès de l'hôpital des lépreux. Là, les exhortations d'Alain Fergent, ses remontrances, sa volonté formellement manifestée peut-être parvint à calmer les colères. Guillaume de Tinténiac reconnut ses torts envers les moines, puis on rentra au château pour signer le traité de réconciliation. ( Recueil d'actes des ducs de Bretagne - M de la Borderie - Sté Arch I et V - Tome XVII - page 47.)

Alain Fergent mourut en 1112. Pendant le règne de Conan III, son successeur, le pays de Hédé semble avoir été relativement calme, mais il n'en fut plus de même après son décès arrivé en 1148.

De sa femme Mathilde, fille de Henri I, roi d'Angleterre, Conan, laissait deux enfants : un fils Hoël qu'à son lit de mort il refusa de reconnaître comme légitime, et une fille Berthe, mariée deux fois : d'abord à Alain le Noir conte de Porhoët, fils d'Étienne comte de Penthièvre. Ce désaveu fut le signal d'une guerre civile qui commence entre Hoël et Eudon, le second mari de sa mère, reconnu duc par le comté de Rennes, pour durer un demi-siècle.

Hoël vaincu, du bientôt céder la place à Conan fils ainé de sa soeur Berthe, qui lutta contre son beau-père. Conan battu à son tour par Eudon, n'hésita pas à appeler à son secours en lui cédant le comté de Nantes qui tenait pour son adversaire, le roi d'Angleterre, Henri II, son oncle, qui, trop heureux qu'on lui ouvre la porte d'un pays où il avait déjà essayé de s'introduire, s'empressa d'accourir, et en 1155 descendit en Bretagne. Il partit de son duché de Normandie, où il se trouvait alors, et son premier soin fût de faire disparaître tous les obstacles qui se trouvaient sur la route entre Rennes et lui, et qui en cas de revers, eussent pu gêner sa retraite. Il marcha d'abord sur Tinténiac ( Montmuran ), qu'il emporta, puis il se tourna vers Hédé.

Dans son armée, parmi les partisans et favoris de Conan qui le suivaient, se trouvait un seigneur de Montfort, Robert,
fils de Raoul et de Havoise de Hédé, qui par sa mère y possédait un certain nombre de vassaux. Par la suite de la connivence de ses hommes avec quelques soldats de la garnison, Robert parvint à se faire ouvrir les portes de la forteresse qu'il livra sans combat au roi d'Angleterre, qui de là, marcha sur Rennes, qu'il parvint à enlever sans peine.

Le château ne resta pas longtemps entre les mains des Anglais ; il rentra l'année suivante en possession des partisans d'Eudon (Ogée Dictionnaire de Bretagne ), et lorsque celui-ci battu et obligé de fuir à la cour de France, pût retrouver ses fidèles et recommencer la lutte, Hédé était commandé par Geoffroy de Montfort. Les seigneurs de Montfort, en effet avaient changé de parti, ils avaient abandonné Conan et les Anglais.

Des enfants de Raoul de Montfort et de Havoise de Hédé, Guillaume l'aîné, avait épousé Amice de Porhoët, soeur d'Eudon ; il était donc naturel qu'il défende son beau-frère et c'est donc ainsi que Geoffroy, son fils eût le commandement de Hédé. Lors de la reprise des hostilités en 1168, Henri II revint, décidé à mener rudement la guerre pour en finir plus vite. Il porta le ravage et la dévastation dans tout le pays qui tenait pour Eudon, puis lorsqu'il reprit sa route vers la Normandie en passant par Dinan, il attaqua Hédé qui se trouvait sur son chemin, puis Tinténiac ( Montmuran ) qu'il rasa. ( D.Morice - Preuves - Tome I - page 132 Chronique de Robert Abbé du Mont Saint-Michel - Arch7 )

Dès que Geoffroy de Montfort avait été averti de l'approche des Anglais, il s'étaient enfermé dans le château et mis en mesure de soutenir l'attaque. Si celle-ci fût vigoureusement menée, la défense ne lui céda en rien, et ce ne fût qu'après avoir épuisé tous les moyens de résistance, et se voyant à bout de ressources que les assiégés, consentir à capituler.
Le roi d'Angleterre ne fit point subir au château le cruel traitement qu'il allait quelques jours plus tard infliger à celui de Tinténiac.Non seulement il ne le détruisit pas, mais le considérant comme une excellente place qui pouvaient lui être très utile, il répara avec soin les dégâts causés aux fortifications, augmenta celles-ci et les compléta ; et après l'avoir mis dans le meilleur état de défense, y plaça une garnison.
Après la défaite complète d'Eudon, le chef de la branche cadette de Bretagne, la couronne fût placée sur la tête de Geoffroy, son propre frère cadet, à peine âgé de dix ans, qu'il avait marié à Constance, la fille de Conan, et qui fut proclamé duc, en 1169.

 

Plus d'un siècle s'est écoulé, de nouveaux ducs se sont succédés avec des fortunes diverses, et pendant tout ce temps qui ne fut point exempt de troubles et de guerres, Hédé n'a pas d'histoire. Il faut arriver à 1283 pour retrouver son nom. En cette année un événement mémorable s'y passa : la mort d'une duchesse de Bretagne.

Voici comment l'historien Le Baud mentionne le fait : "et après mourut cette noble dame Blanche de Navarre, duchesse de Bretagne, en la tour de Hélé, sur l'étang de Ploëroy, le jeudi es octaves de Saint-Dominique, l'an 1283." D'Argentré, après lui dit : " et mourut ladite dame ( duchesse Blanche ) en la terre de Hédé, sur l'étang de Ploëroy."

Il faut d'abord faire ici deux remarques ; la première au sujet du nom de Ploëroy donné à l'étang ; c'est la seule et unique fois qu'il nous apparaît. C'est un de ces noms bretons, souvenir de l'origine de Hédé, dont quelques-uns se sont conservés jusqu'à nos jours, mais dont beaucoup tendaient à disparaître. Dans les actes les plus anciens et depuis cette époque, il est toujours dit : " Etang de Hédé ". L'autre remarque sur la désignation du château par Le Baud : " la tour de Hélé ". Hélé est évidement une faute d'orthographe comme il s'en faisait tant, alors qu'on écrivait Haduc, Hatduc, Hedeium, Hedde, et même plus tard La Herde ( Froissard ). Quant à la tour, on sait que la forteresse ne se compose en effet que d'une tour carrée. Don Morice à simplement copié Le Baud, mais Dom Lobineau et les nombreux historiens de la Bretagne qui l'ont suivi sont unanimes à placer le décès de la duchesse de Bretagne au château de Hédé, sans donner de nom particulier à l'étang, sans qu'il y ait d'erreur possible.

 

 

Blanche était la fille de Thibault VI, comte de Champagne et de Brie, roi de Navarre en 1234, très connu dans l'histoire pour son goût pour la poésie et pour la passion dont il fit montre pour Blanche de Castille, mère de Saint-Louis, pour laquelle il fit " des vers tendres, dit Mr de Meaux, qu'il eût la folie de publier ". Cette passion ne l'empêcha toutefois pas de se marier trois fois, et c'est de sa seconde femme Agnès, fille de Richard, seigneur de Beaujeu, que naquit une fille à laquelle il donna le nom de la Reine douairière de France et qui épousa, en 1237, le duc de Bretagne Jean I, dit le Roux.

Cette alliance avait semblé tellement avantageuse à Thibault, que pour arriver à la conclure, il donna à sa fille, par contrat de mariage, qui fut signé au mois de juin 1235, le royaume de Navarre, après son décès ( Plus tard, Jean I et Blanche renoncèrent, à la succession du royaume, moyennant une rente de 3000 livres.), encore qu'il vint à un héritier mâle, tandis que le duc, de son côté, s'engageait à donner à sa femme, le tiers de sa terre de Bretagne et à lui laisser la moitié des terres qui devaient lui revenir de son beau-père au royaume de France, et de Champagne.Femme de haute vertu, la jeune duchesse s'occupa de bonnes oeuvres, fonda l'abbaye de la Joie à Hennebont, et une autre à Quimperlé pour les Dominicains, dite abbaye Blanche.Aussi vaillante que pieuse, elle ne craignit point en 1270, ayant près de cinquante ans, de prendre la croix et de traverser les mers pour aller, avec son mari, rejoindre en Afrique le roi de France accomplissant sa deuxième croisade. Elle assista au siège de Tunis et ne rentra en Bretagne qu'après avoir vu expirer Saint-Louis.

Pourquoi et comment était-elle venue expirer à Hédé ? Nous l'ignorons.

Depuis que le château avait été pris et réparé par le roi d'Angleterre, pour son jeune frère le futur duc de Bretagne, il avait été un peu négligé pendant les années de paix qui succédèrent à la défaite d'Eudon, et ce ne fut que dans le siècle suivant, longtemps après le décès de Geoffroy, que les ducs de la maison de Dreux, Pierre Mauclerc et Jean I le Roux, songèrent à s'en occuper. Peut-être la duchesse était-elle venue voir le résultat de la restauration ; peut-être que surprise par la maladie pendant un voyage, elle se vit obligée de s'arrêter au château, et d'y rester jusqu'au moment où, le 12 août, âgée d'environs soixante deux ans, elle s'endormit de son dernier sommeil.

Son corps ne fut point inhumé à Hédé. Elle avait voulu qu'il repose dans l'abbaye de la Joie, pour laquelle elle avait une grande prédilection et ses volontés furent accomplies. Son mari, ou plutôt son fils, lui fit élever un magnifique tombeau. Un savant voyageur qui le vit en 1636, nous en fait la description suivante : " Elle a sa sépulture au milieu de l'Église ou sanctuaire de bois couvert de plaques de cuivre, où sont les armes de Dreux et de Bretagne, parties de Navarre, soutenu de Champagne et portant une statue gisante, en habit de moniale, la teste appuyée sur un oreiller de bronze, gravé des armes de Navarre et de Champagne." ( Dubuysson-Aubernay - Histoire de Bretagne en 1636 - Sté Bibliophiles Bretons - Tome IX - page 22.)
Son épitaphe, nous dit Don Morice qui a pu la lire, la représente comme la mère des pauvres, le refuge des affligés, la protectrice des malheureux et la règle vivante des moeurs. ( Don Morice - Histoire ecclésiastique de Bretagne - Tome I - page 209.)

 

Tout le milieu du XIV ème siècle fut rempli par la grande guerre que souleva la succession de Jean III, mort le 30 avril 1341, ne laissant pour héritiers que sa nièce Jeanne, dite la Boiteuse, fille de Guy, comte de Penthièvre, son frère cadet, mariée à Charles de Blois ; et Jean de Bretagne dit de Montfort, aussi son frère mais d'un second mariage de son père.

Tous les deux se présentèrent pour saisir la couronne ducale. La lutte fut longue et acharnée entre les deux prétendants ; elle dura vingt-quatre ans sans interruption, jusqu'à la bataille d'Auray, en 1365, dans laquelle, périt Charles de Blois, et le traité signé l'année suivante à Guérande qui la termina au profit de Jean , dit Jean IV de Montfort.
Pendant cette longue période, le pays tout entier fut une proie aux horreurs de la guerre entre les deux adversaires, entre les Français et les Anglais, leurs alliés, mais une partie surtout, celle qui s'étend entre Rennes, Dinan, Saint-Malo, Pontorson, premières étapes sur les routes d'Angleterre et de Normandie, et dans laquelle est située Hédé, servit de champ de bataille entre Du Guesclin et les Anglais.

En 1353, les Anglais s'emparent de Bécherel, ils en sortent au commencement de l'année suivante, pour tenter la surprise de Montmuran, où se trouvaient alors réunis le sire d'Andréhan, gouverneur pour le roi de France, de la ville de Pontorson, et nombreux chevaliers venus chez la maîtresse du château, Jeanne de Dol, comtesse de Combourg, veuve de Jean de Tinténiac, passer les fêtes du Jeudi-Saint. Certes, cela eut été une belle prise, mais avertis à temps, les chevaliers bretons et français eurent le temps de s'armer et d'aller au devant de l'ennemi.
Celui-ci fut complètement battu et Hugues de Caverlée, qui le commandait, fait prisonnier. Le chemin où eût lieu la rencontre, s'appelle toujours " le chemin sanglant".
C'est à cette occasion, au moment de partir pour le combat, encore simple écuyer, qui se trouvait parmi les hôtes du château, crut pouvoir réclamer les éperons d'or du chevalier qu'il avait assez mérité par ses exploits antérieurs.
L'accolade lui fut donnée dans la chapelle du château - non pas l'actuelle chapelle où la tradition dit qu'eu lieu la cérémonie, parce qu'elle ne fut bâtie qu'un siècle plus tard, mais dans une plus ancienne qu'elle avait remplacée. La noble châtelaine, sans doute et ses demoiselles d'honneur lui ceignirent l'épée et lui chaussèrent les éperons.

"et de là en avant Messire Bertrand se dit et porta chevalier commençant à lancer son cry d'Armes qui fut Notre-Dame du Guesclin ". ( Bertrand d'Argentré -Page 397.)

Après dix ans de calme relatif en 1363, du Guesclin revint avec Charles de Blois lui-même mettre le siège devant Bécherel, mais sans succès, et malgré les canons qu'il avaient amenés avec eux, engins qui paraissaient pour la première fois en Bretagne ( Sté Emulation des C du N - Tome I - page 253.), mais encore peu dangereux, ils furent obligés de se retirer. En 1371, revinrent à nouveau, le Connétable et les Français, et après toute une année d'investissements et de combats, Bécherel est enfin repris aux Anglais.

Bécherel se trouve à deux lieues et demie de Hédé à vol d'oiseau ; Montmuran à une lieue à peine. Comment se fait-il donc qu'au milieu de tous ces combats, de tous les événements divers de la guerre, le nom de Hédé n' apparaisse pas une seule fois ? Le château qui tenait pour Charles de Blois ( Sté Arch. C du N - Tome I - page 253. La seigneurie de Hédé appartenait alors à Guy IX seigneur de Laval & Vitré, comte de Caserte par son mariage avec Béatrix de Bretagne, fille de Arthur et Yolande de Dreux, qui lui avait apportée en dot. Les seigneurs de Hédé suivaient le parti de Blois.), n'eût-il donc jamais d'attaque à soutenir ? d'assaut à repousser ? Les Anglais ayant entre la mer, Rennes et l'intérieur du pays, une route suffisamment gardée par la possession de Bécherel, avaient-ils jugés inutile d'aller en chercher une seconde un peu plus loin, qu'ils n'auraient pu avoir probablement qu'avec certaines difficultés ? Faut-il admettre que, lorsque la lutte était partout, que la tourmente couvrait toute la Province, Hédé serait resté seul, calme et tranquille ; que si près de Montmuran et Bécherel, ces deux forteresses toujours ennemies, occupées par des soldats de partis différents pendant trente ans, il n'y ait pas eu sous ses murs des rencontres et des batailles conséquence de ce voisinage, que les Anglais quand cela n'eût été que pour être désagréable à du Guesclin, leur adversaire le plus craint et haï, devenu seigneur de Montmuran, dans les montres duquel combattaient tous les nobles du ressort de Hédé, n'aient point quelques fois cherché noises à un voisin de son parti et de ses amis ? Non cela n'est pas croyable, et nous allons voir bientôt en effet que s'il n'est pas possible de citer un fait précis auquel Hédé ait été mèlé, une action particulière à laquelle sa garnison ait pris sa part, son château n'en a pas moins considérablement souffert des suites de cette longue guerre civile et que de nombreuses et importantes réparations y étaient devenues nécessaires.

Jean IV reconnu duc de Bretagne par le traité de Guérande, avait dû faire hommage, pour son duché, à Charles V,

dans lequel il avait peu de confiance. Aussi, dès 1372, il renouait les relations avec ses anciens alliés, ce qui amena en Bretagne, les Français avec du Guesclin dont les succès furent tels que le malheureux duc se vit contraint de s'enfuir en Angleterre, où il serait probablement toujours resté si Charles V, n'avait eu la fâcheuse idée de confisquer le duché à son profit.

Les Bretons entendaient être maîtres chez eux, et, plutôt que de devenir français, rappelèrent Jean IV, qui fit sa rentrée à Rennes le 20 août 1379. Malgré l'enthousiasme avec lequel il avait été accueilli, se sentant trop faible pour reconquérir promptement toutes les places occupées par l'armée française, il crut bien faire en demandant secours à ceux qui lui avaient donné asile. Il s'aperçut vite qu'il s'était trompé et que ses sujets, en dignes Bretons, voulaient encore moins de l'Angleterre que de la France. Aussi lorsque six mille hommes, envoyés sur sa demande par le roi d'Angleterre, sous la conduite du frère cadet de celui-ci, Thomas Wodstock, comte de Buckingham, arrivèrent en Bretagne, le duc se trouva d'autant plus embarrassé, que le roi Charles V, son ennemi personnel, étant venu à mourir, les seigneurs bretons ne demandaient pas mieux que de vivre en paix avec son successeur, et que d'un autre côté, de grandes villes comme Rennes et Nantes refusaient de recevoir ses alliés, déclarant qu'elles n'ouvriraient point leur porte aux Anglais.

 

SUITE . . .