INTRODUCTION

À tous les coeurs bien nés que la Patrie est chère. ( Voltaire )

 

Dans cette grande Patrie à laquelle nous devons tout notre respect et toute notre affection, il est un petit coin de terre, sans importance pour les autres, et pour lequel, cependant, chacun de nous garde une sympathie toute particulière, c'est le pays natal.
Si petit que soient le pays, ville, bourg ou village, la maison où l'on à vu le jour, on ne les quitte jamais sans regrets. C'est là que l'on à connu les joies de l'enfance, les baisers maternels, les douceurs de la vie de famille et si quelquefois, les soucis et les amertumes, partage inévitable de l'humanité, sont venus s'y mêler, on oublie bien vite, lorsque les nécessités de l'existence vous ont contraint d'abandonner ces lieux aimés, tous les déboires qu'on y a rencontrés et toutes les souffrances qu'on y a subies, pour ne plus se ressouvenir que des temps heureux et calmes qu'on y a vécus.
Si le ciel permet qu'après une longue absence vous reveniez à votre berceau, votre premier soin sera de rechercher le logis paternel, vieilli, mais toujours regretté, la rue mal pavée et irrégulière, où vous avez fait vos premiers pas, l'antique église où, le dimanche, vous conduisait votre mère, la place où se tient le marché, les ruines du vieux château qui vous parlaient d'un autre âge, les étangs qui font mouvoir les moulins de la vallée,les chemins ombreux dans les campagnes où vous vous promeniez en compagnie de vos frères et de vos soeurs.
Peut-être, par suite du nombre d'années écoulées, vos impressions de jeunesse, seront-elles un peu modifiées et ne verrez vous plus tout cela avec les mêmes yeux qu'autrefois ; peut-être les nécessités modernes auront-elles apportées de nombreux changements et aurez-vous tout d'abord beaucoup de peine à vous reconnaître.
Les vieux parents ne sont plus là ; ils dorment leur dernier sommeil à l'ombre de la croix du cimetière ; le toit paternel est vide ou habité par des étrangers, peut-être même il a disparu ; les vieilles maisons ont fait place à des habitations plus confortables, la rue étroite et tortueuse est devenue large et droite ; bien des camarades d'enfance, bien des voisins avec lesquels vous aviez eu des relations amicales, que vous aviez laissés plein de santé, ne sont plus là ; les uns sont morts, d'autres ont été obligés comme vous, d'aller au loin mener le grand combat pour la vie. Mais bientôt votre pensée relève la maison tombée, ranime le foyer éteint autour duquel vous revoyez le père, la mère, toute la famille ; les amis qui vous tendent la main vous rappellent ceux qui ne sont plus ; vous revivez toute votre jeunesse et si quelques vieilles maisons ont été démolies, si l'aspect général a un peu changé, ce n'en est pas moins votre pays natal et les habitants presque votre famille. Est-il, en effet, un indifférent celui qu'on appelle " un pays " lorsqu'on le rencontre loin de la patrie ?
Mais ce passé que vous avez pu encore évoquer aujourd'hui, va disparaître inexorablement avec la marche incessante du bien-être matériel. La vie simple de nos aïeux ne s'accorde plus avec les besoins nouveaux ; les ruines que le temps avait épargnées vont achever de s'écrouler sous la main des hommes pour faire place à des constructions plus modernes et avec elles vont s'éteindre les souvenirs des anciens temps qui les avaient vu élever.
Certes,nous ne devons point repousser le progrès, mais faut-il pour cela dédaigner ce qui n'est plus. Tout le monde ne sort pas de Jupiter ; cependant n'y a-t-il pas dans chaque famille quelques hommes dont les descendants peuvent-être justement fiers des traditions honorables qu'ils nous faut respecter et continuer ?
Si toutes les petites villes n'ont pas eu, comme les capitales, à jouer un rôle prédominant dans les affaires du pays, il en est peu, cependant, qui n'y aient été mêlées plus ou moins. Si leur histoire n'a pas toujours à enregistrer de grandes actions, des faits éclatants, des épisodes brillants de ces luttes que les Bretons eurent à soutenir à tant de reprises, soit contre les Anglais, soit contre les Français, pour la défense de leur indépendance, il n'en est pas moins vrai que c'est souvent la force de leurs murailles et le courage de leurs défenseurs qui ont décidé des destinées du pays, et, parce qu'elles n'ont pas la statue d'un grand homme pour orner leur place publique, un monument pour rappeler leur dévouement, avons-nous le droit de laisser tomber dans l'oubli des événements honorables et peut-être glorieux, auxquels ont participé nos ancêtres et qui peuvent servir d'utiles enseignements et de précieux exemples à leurs descendants ? Du reste à défaut de faits militaires, nous retrouverons du moins la vie communale, vie plus modeste mais qui a aussi son grand intérêt, les usages particuliers si curieux et, surtout, les moeurs antiques si respectueuses de tout ce qui est bien et respectable, la religion, la famille, le pays, moeurs qui s'affaiblissent de plus en plus et tendent à disparaître chaque jour, et dont la nécessité est pourtant si grande, que nous ne saurions trop en rappeler le souvenir et la pratique aux générations nouvelles.
Nous reconnaissons volontiers que le XIX ème siècle s'est fait une place remarquable parmi ceux qui l'ont précédé et qu'il a marché à pas de géant dans la voie de la science matérielle, mais il n'en est pas moins vrai que les siècles antérieurs ont eu aussi leur gloire et leurs hommes illustres dans la guerre, l'administration, aussi bien que dans les sciences et les arts et qu'il n'a fait la plupart du temps que perfectionner les travaux dont ceux-ci lui avaient fourni les premiers éléments. Si la vie était moins active autrefois et moins fiévreuse qu'aujourd'hui où le temps est de l'argent, où l'on ne connait plus les distances, où le chemin de fer disperse les familles, elle devait être plus heureuse, lorsqu'elle se passait dans le calme et la tranquillité d'une petite ville où les générations se succédaient de père en fils dans la maison familiale, sous l'autorité paternelle, au milieu de parents et d'amis ayant les mêmes goûts et les mêmes habitudes.
Pour celui qui aime son pays, rien de ce qui le touche ne peut être indifférent, ni le présent dont il jouit, ni l'avenir qui se prépare pour ses enfants, ni le passé qui s'efface dans le lointain des temps, et il semble qu'il doit être bon et doux à son coeur de rechercher non plus seulement les souvenirs prochains de son père et de sa mère, mais ceux des époques bien plus reculées, avec lesquels il lui sera possible de reconstituer la vie habituelle des anciens, se mêler à leurs joies et à leurs peines, aux éléments heureux ou malheureux qu'ils ont traversés et, en même temps, y trouver de bons et nobles exemples à suivre dont on a si grand besoin dans les temps agités que nous traversons.
C'est sous l'empire de cette idée que nous avons entrepris notre travail, et que nous essayerons, non pas d'écrire l'histoire de Hédé, ce qui serait trop de prétentions, mais de recueillir et mettre en ordre tout ce que nous avons pu trouver dans les auteurs où son nom est prononcé, dans les archives de la communauté de ville, du département d'Ille et Vilaine, du château de Nantes, et dans celles des particuliers qu'ils nous ont donner à consulter? Ce n'est point un monument, dont les matériaux nous feraient défaut, que nous nous proposons d'élever à une petite ville qui n'a point de si haute visée, c'est un hommage affectueux que nous avons voulu rendre, un tribu filial que nous avons voulu payer au pays que nous avons du quitter, certain qu'en même temps nous serions agréables à nos compatriotes et aux amis que nous avons laissés là-bas et qui j'en suis sûr, éprouvent pour leur petite ville les mêmes sentiments que nous ....

 

Texte tiré de : HÉDÉ, Essai d'histoire d'une petite ville. - Association Bretonne - Tome XVI- 1895.
Archives Départementales d'Ille et Vilaine - Rennes - Cote : Delta usuel 13.

 

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