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Pouvoirs et politisation : Hédé et son canton
( 1785 — An II)


ANNEXE 19

    Lettre de la municipalité de Hédé au district sur les troubles occasionnés par la garde de nuit (27 juillet 1792). (L 862)

    « Messieurs, nous avons l’honneur de vous adresser cy joints les reçus des municipalités de notre canton relativement à vos arrêtés du 18 de ce mois concernant la formation d’une garde de nuit à Hédé. Nous ne pouvons avoir l’agrément de vous annoncer que ces paroisses se soient empressées d’obéir aux authorités constituées. Toutes, à la réserve de la seule paroisse de Guypel, refusent de partager le service de cette garde. Le sieur Pollet maire de Bazouges, çy devant procureur fiscal des paroisses de Bazouges, Saint-Symphorien, Saint-Gondran et agent actuel de Blossac, a une grande influence sur les habitans de ces paroisses. Il annonce par sa lettre du 23 que sa municipalité va demander le retrait de vos arrêtés. On conçoit bien par quelle impulsion et d’où sont partis les ordres pour l’établissement d’une garde sans organisation que montent depuis peu les habitants de Bazouges. Cette garde établie sans la participation du commandant de bataillon de ce canton de Hédé ni du chef de légion, fait beaucoup de bruit et parcourt les villages des environs du château de Bonespoir où réside le sieur Pollet. Malheur aux habitans de Hédé lorsqu’elle les rencontre. En voici un exemple. Le domestique du sieur Duclos citoyen de Hédé charoyoit mercredi dernier un fus de cidre, pris au cy devant presbitère de Bazouges, pour être transporté à Hédé en la demeure du curé constitutionnel. Passant environ les neuf heures et demie du matin avis un cabaret du village de la Villeneuve en Bazouges, il fut arrêté par plusieurs hommes de Bazouges armés de fusil. Ils lui disent qu’ils étoient là pour protéger la tranquillité publique, qu’ils avoient ordre de l’arrêter avec son harnois et qu’ils le feroient toutes les fois qu’ils le trouveroient, qu’il falloit qu’il eut sur le champ reconduit le cidre à Bazouges où il devoit être bu. Sur le refus qu’il en fit, cette prétendue garde protectrice l’accabla de coups. Ce pauvre domestique excédé de maltraitances est resté malade au lit. Le sieur Duclos son maître a appellé en justice un des malfaiteurs. Si cette garde sans dissipline comme sans chef accrédité, est tolérée, il en résultera d’autres inconvéniens, elle ne souffrira point tranquillement passer les citoyens de Guypel sur son territoire pour se réunir à la garde de nuit de Hédé.
    Les autres paroisses de notre canton qui veulent disent-elles établir des gardes à l’imitation de Bazouges n’ont d’autre but que d’éluder l’effet de vos arrêtés. La lettre cy jointe des officiers municipaux de Langouët en datte du 24 sembleroit d’abord avoir quelques motifs apparens, mais lorsque l’on fera réflexion que cette paroisse, une des moins peuplée de celles qui se trouvent sur la route de Rennes à Dinan, est hors d’état d’entretenir seule une garde de nuit sans grever excessivement ses habitants. Il sera facile de se convaincre du peu de bonne volonté de cette municipalité pour l’exécution de vos arrêtés.
    Vous trouverés dans votre sagesse les moyens d’obliger ces paroisses mal constituées, d’obéir aux ordres des authorités constituées qu’elles ont juré de respecter. Nous sommes avec respect, Messieurs, les officiers municipaux de la commune de Hédé ».

    [Suit les signatures de Deslandes maire, Duclos, Courtin, Lemarchand, Gaisnel, Guynot procureur]