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Pouvoirs et politisation : Hédé et son canton
( 1785 An II)
Mémoire de la garde nationale de Hédé adressé au directoire de district de Rennes, en réponse aux plaintes de la municipalité de la Mézière (juillet 1791).(L 440)
« [
] Le samedi 9 de ce mois, un détachement de la garde nationale de Hédé, après un consentement des municipalités de Hédé et Tinténiac, descendu le 6 au château de la Tour le Lain et y avoir ôté les canons qui donnaient leffroy aux campagnes, cru devoir continuer sa mission et sassurer dans les endroits évidents, suspects des armes et conciliabules.
Ce détachement de retour de Gévezé, où méprisant les injures et les pierres lancées par des habitants égarés que Mademoiselle Perron avait attroupés, se rendit à la Mézière environ les 6 heures du matin : arrivé au portail, il y frappe, après quelques instants on lui ouvre, et pour lordre, 2 sentinelles sont placés à lentrée de ce portail. Des grands mouvements dans le presbitère se font entendre, une partie du détachement y entre et demande Mr Maignan. Il ny est pas, les gardes nationaux restent dans la cour, lapperçoivent qui sen fuit, on le joint dans son jardin, on le somme de rentrer, mais sans le coucher en joue. On lui observe que sa maison est suspecte, quil doit le savoir, que la garde nationale va sassurer si chez lui il ny a rien contre public. Il revient à son presbitère, en se permettant des invectives contre le commandant de la garde nationale de Hédé. Un soldat lui répond que cest au commandant même quil parle, et le curé déconcerté, fait ses excuses [
]. La visite se fait, rien nest trouvé. Il était trop tard, lévacuation de Mademoiselle Perron à Gévezé avait donné le signal de la précaution. Cette visite faite, le curé prie le détachement de déjeuner ; on le remercie et lon refuse. M. Maignan avait si peu lieu de se plaindre des gardes nationaux de Hédé, quil leur fit lhonnêteté de les reconduire jusquau bourg. De part et dautre réciprocité de procédés, le curé loua le zèle du détachement et son honnêteté. Celui-ci rendant justice à son mérite, lexhorta à devenir patriote, lui offrit dengager Mr le Coz à son retour de Saint-Malo, de se détourner pour venir à la Mézière, et M. Maignan répondit quil le recevrait comme citoyen et jamais comme évêque. Rendus ensemble dans le bourg, quelques gardes nationaux demandèrent au commandant la permission de se rafraîchir, elle leur fut donnée, et lon fit halte. Dix ou douze entrèrent chez Gigon, les autres se reposèrent sur lherbe, le curé toujours causant avec une partie des soldats. Le rappel battu, le commandant se transporte chez laubergiste pour savoir sil ne lui est rien dû, et la réponse fut que tout était payé. Cest ainsi que le détachement prit congé du curé, et quitta le bourg de la Mézière.
Le détachement était loin de sattendre à une plainte injurieuse de la municipalité de la Mézière, encore moins de la voir trahir la Vérité. Mais cette lettre est-elle louvrage des officiers municipaux ? Non, cest luvre du maire, et le maire est le curé lui-même. Ajouter les menaces à limposture, après avoir donné à la garde nationale de Hédé léloge qui lui est dû : linjurier quand elle est loin, être rampand quand il se croit en danger, turbulent quand il pense navoir rien à craindre, et dans une déviation continuelle, jurer, se rétracter, protester et infirmer sa signature ; se rétracter encore et animer sourdement : tel est le caractère versatile de M. Maignan, dont lesprit est un fléau pour la paroisse.
Que la garde nationale de Hédé est mécontente de linfidélité des commissaires chargés de porter à la municipalité les procès verbaux rapportés dans lombre contre la descente de son détachement à Gévezé chez le curé et Mademoiselle Perron. Cest ici quil serait utile de peindre dans leur ensemble les clubs antipatriotiques, ces conciliabules de prêtres réfractaires, aux quels la fortune de Mademoiselle Perron donne des ressources. Ces manèges subalternes, employés pour révolter la Constitution les trop crédules citoyens de Gévezé et la Mézière, les diners aux officiers municipaux. Cette joie insultante et criminelle, quau sortir de chez Mademoiselle Perron, un prêtre chassé de Rennes et réfugié chez elle pour infecter nos campagnes, osa montrer lorsque sa correspondance secrète lui apprit lévasion du Roi. A cette terrible et désolante nouvel, ce prêtre fanatique, dont nous voulons bien encor taire le nom, sécrie dans le bourg de Gévezé avec un front rayonnant de joie : Bonne nouvel, mes amis, le Roi sest enfui, nous allons voir beau jeu.
Quoi, dun prêtre mâtan, est-là le langage ! Oui, cest ainsi que ces prêtres réfractaires, trompans ou trompés se permettent de tout contre la liberté publique, tandis quils réclament avec instance leur liberté individuelle.
Mais la garde nationale de Hédé, dans limpuissance où elle est de répondre aux plaintes de Gévezé, et de montrer la modération quelle a opposée aux insultes, sait bien que le département ne la condamnera pas sans lentendre : elle revient au curé de la Mézière.
Il naime pas la ville de Hédé, qui lui a deffendu de venir verser sur nous le poison des discours insidieux, qui lui a dit voilà vos limites, faites le mal là, mais vous ne viendrez point jusquà nous. Egarez vos malheureusement citoyens, dites leur que la Constitution et la damnation éternelle sont synonymes. Le tems viendra que leurs yeux seront dessillés et que vous ne serez plus dangereux. Vous mourrés dans la honte des méchans qui ont été impuissans à faire le mal. Si quelques uns de nous sont amenés parmi vos paroissiens pour leurs affaires, vous faites crier vos brebis trop aveugles à limpiété, déclamer contre la Constitution, et provoquer des disputes. Les liens du sang même sont devenus trop foibles. Vous avés égaré les âmes de vos crédules paroissiens, qui ne nous regardent plus que comme des hommes dune autre religion, et nous traitent en ennemis. Abusant de votre place de maire et des talens que la nature vous a départis, vous avez trompé votre municipalité, empêchés les électeurs de se rendre aux assemblées, vous avés vous même donné lexemple de la résistance. Vous avés fait plus, vous avés presque annihilé vos citoyens : vous avés empêché quils se fussent fait inscrire sur le registre de la garde nationale et contrevenant aux décrets de lAssemblée Nationale, que dans votre coeur, vous voudriez détruire. Vous avés privé les habitans de la Mézière du droit de citoyen de citoyens actifs : vos officiers municipaux ne le sont pas même, mais vous lêtes trop. Nous voulons rester purs comme notre air. Allez porter votre venin ailleurs.
Des reproches aussi amers ont déchiré lâme de M. Maignan et nont pas fait triompher la raison. Son amour propre sen est blessé, il a cru trouver la vengeance, il la saisie ; mais il ne nous effraie pas. Quil apprenne que les citoyens de Hédé nont rien à craindre de lui ; que nous ne faisons ici quune famille de frères, maris, femmes, enfans tous ont prêté serment ; tous sont plus à la Patrie quà eux-même.
Cetres, Hédé aurait besoin de cette union qui fait sa gloire, et de se rendre sur sa hauteur, le rocher contre lequel se briseront toujours les efforts du fanatisme.
Car quelle ville, Messieurs, mérite mieux de la chose publique, quel zèle inattendu ? De Rennes à Saint-Malo, cette ville est presque la seule sur laquelle la Patrie puisse compter. Au nord de Tinténiac où lon a osé tant de fois prêcher contre la Constitution, et où vont connaisses [sic] tant de mécontents. Au midi, la Mézière et Gévezé : il nest pas besoin de sattacher à les peindre, Rennes les connaît assés. A lorient, cest Montreuil-sur-Isle et Guypel et si cette dernière paroisse commence à revenir, cest que la garde nationale de Hédé a renversé les projets criminels de lancien curé, lintime ami du curé de la Mézière. Représenté vous, Messieurs, M. Dautry qui, pour se servir des expressions de Voltaire, est formé de vertus sans aucun vices, prennant possession des habitans, la tête couverte devant les signes respectables de la religion, refusèrent dentrer dans léglise : nous seule avec la municipalité et quelques femmes, le prêtre ne trouvant ni hosties, ni caporal, ni clefs de confessionnaux, lhostie même du Saint-Sacrement, le dimanche de la Fête Dieu, était consommée. Telles étaient les plaies que Mr Boëssel avait faites dans les curs de ses paroissiens ; ainsi comme lennemi lâche qui ne peut plus tenir, ravage tout en senfuyant. Ce curé réfractaire avait tout spolié : nous en attestons Mr le Coz et nous, messieurs, amis ou parens des citoyens de Guypel, nous quittons le temple, nous nous mêlons parmi eux, et nous parvenons à les amener à léglise. Elle est remplie, et à la fin de la messe, ils nous remercient en nous disant vous avés raison, les nouveaux prêtres disent la messe comme les autres, rien nest changé, nous y retourneront. Une telle garde nationale nest sûrement pas une horde de furieux.
A loccident, cest Saint-Symphorien, les Iffs et Vignoc. Ce côté nous donne la paix depuis que nous avons dispersé les assemblées du curé de Saint-Symphorien. Il est dans la nature quun zèle aussi pur ait déplu à nos prêtres réfractaires, mais croient-ils faire de nous des traîtres. Ils invoquent à grands cris la liberté individuelle, ils ne veulent pas être troublés, ils ressemblent à un homme qui minant sourdement sous une maison pour la reverser en décombres, demandrait encore limpunité.
M.Maignan, maire de la Mézière, se plaint en vain de la descente du détachement de Hédé. Les descentes se sont faites dans tous les districts, et sans retracer ici celles des autres départements, il nous suffit sans douter de désigner les recherches ordonnées dans celui des Côtes du Nord [
], et la garde nationale de Rennes ne vient-elle pas de déjouer à champ de pie les manuvres dun carme stipendié pour aveugler les campagnes.
Si lon nous faisait le reproche davoir passé notre territoire, davoir été sur le terrein dune municipalité voisinne, nous répondrons que le Salut de lEtat, dans les circonstances difficiles où la chose publique était en danger, a été notre loi Suprême. Cette descente ne pouvait être faite que par Rennes ou nous, dans des paroisses où les prêtres réfractaires ont rompu tout lien social, où les municipalités ne suivent que limpulsion quils leur donnent ; ne voient, nagissent, ne marchent quen suivant la direction quils en reçoivent, où il nexiste pas de garde nationale, et où la religion redemande dautres pasteurs, quelle ressource peut avoir la Patrie que dans le zèle que nous lui avons voués. Il nous pousse, il nous presse et nous avons juré de ne jamais nous démentir. Vous nous louerez sans doute, Messieurs, et vous daignerez rendre à notre conduite la justice que nous de vous : et plus connus à présent que nous avons déchiré le voile de limposture, vous daignerés avouer les sentimens que nous professons et vous dirés sans doute les gardes nationaux de Hédé ont prêté serment de fidélité à la Nation, et serment est dans leur cur comme dans leur bouche. Ils sont dignes de la Liberté quils chérissent puisquils sont leffroy des ennemis que la Patrie nourrit malheureusement dans son sein [
] ».
[ Suit 18 signatures des officiers et sous-officiers de la garde nationale de Hédé ]
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