3 - LE POUVOIR ADMINISTRATIF A HEDE

 

 

3.1 LES POUVOIRS PRESENTS A HEDE

3.1.1 LE POUVOIR RELIGIEUX

Le pouvoir religieux tient une grande place dans les mentalités du XVIII ème siècle. La vie est régie selon les règles de l'Église. Hédé est fidèle à ce respect de la religion. L'Église est présente à chaque moment important d'une vie.

La ville de Hédé n'est pas une paroisse jusqu'en 1777. Le fait que Hédé ait de nombreux pouvoirs politiques sans être paroisse, pose des problèmes. Ainsi le recteur de la paroisse de Bazouges, qui dirige aussi Hédé, préfère résider en ville qu'en campagne. Cette situation est très mal acceptée par les habitants de Bazouges qui demandent au recteur de réintégrer le siège paroissial. L'intendant se fait l'arbitre ces querelles, le recteur obtient le droit de résider dans la ville de Hédé. Les altercations vont se poursuivre pendant toute notre période. Elles seront étouffées en 1790 avec le regroupement de plusieurs villages, dont Bazouges, autour d'une me me paroisse, Hédé.
Nous allons étudier le rôle détenu par l'encadrement religieux à Hédé et, analyser les conséquences de la Révolution Française sur le pouvoir religieux.

 

* Le rôle de l'encadrement religieux

L'encadrement à Hédé est de deux sortes. Il y a tout d'abord, le clergé séculier. Il regroupe un curé nommé par le recteur et trois vicaires. Le premier prêtre de notre période s'appelle Aougstin il meurt en 1753 à l'âge de 55 ans. Le recteur Delamarre dirige la paroisse de Bazouges. Même Si Hédé n'est pas une paroisse, elle abrite sa propre église. Il est intéressant de savoir que nombres d'habitants de Bazouges se rendent à Hédé pour suivre les offices religieux. Ce phénomène s'explique par la promiscuité de l'Église de Hédé par rapport à la leur.
Outre le clergé séculier, Hédé abrite aussi un clergé régulier représenté par le couvent des Urselines. La congrégation a été sollicitée par les habitants de Hédé en 1666. Malgré le désir formulé par les hédéens, les Urselines se sont installées plus tardivement, en 1690. Leur première résidence est la maison du Bas-Manoir, située à l'ouest du prieuré. Au départ, la congrégation ne comptait que neuf religieuses et trois novices. Les Urselines ont fait construire un couvent au centre de la ville, à l'est des halles. Un grand jardin entoure le couvent, les Urselines y ont planté un verger qui leurs procure quelques revenus. De nombreux bâtiments annexes jalonnent le terrain : une chapelle, une maison pour les pensionnaires etc... Le couvent accueille des habitants contre argent, ainsi que les personnes qui travaillent pour elles ( 3 jardirners, servantes etc...). Il abrite des malades, les indigents et quelquefois des soldats, Si la ville n'arrive vraiment plus à les loger. Nous savons que les résidents finissaient leur vie dans le couvent. Tous étaient inhumés dans le cimetière du couvent situé à 1'extrémité sud de la propriété. Pour ne prendre que deux exemples : c'est le cas d'une pensionnaire nommée Anne Jolies décédée à 84 ans, et de Dame Montotiel, domestique chez les Urselines.

La communauté des Urselines est pauvre. Le roi louis XV, en 1762, ordonne que tous les revenus du monastère des Dominicains à Rennes, supprimé à cette époque, soient donnés au couvent de Hédé (67).
Le pouvoir religieux assure, avant tout, un rôle dans l'éducation des jeunes âmes, a travers le catéchisme et l'école.
A partir de 1726, le diocèse de Rennes ordonne la création de petites écoles pour les garçons d'abord, puis pour les filles. Le recteur dirige l'école des garçons qui est réservée aux enfants des familles aisées, c'est-à-dire aux fils de notables, juristes ou riches marchands. Toutefois, le collège peut devenir un moyen de s'élever dans la hiérarchie sociale pour 1 es enfants des autres couches de la société. Au contraire, nous savons que le collège de Hédé n'était pas considéré par les bourgeois de la ville qui lui préféraient celui de Rennes. L'éducation des jeunes filles est confiée aux Urselines. Là encore, l'enseignement reste l'apanage des filles riches (68).
IL apparaît que le pouvoir terrestre de l'Église se borne au domaine éducatif. Seul le recteur détient un certain pouvoir, puisqu'il entre au conseil de la ville dans les années soixante-dix.

 

* Les conséquences de la Révolution

La Révolution Française inflige au pouvoir religieux, qu'il soit régulier ou séculier, de lourdes répercussions. Les premières mesures inscrites sur les cahiers de délibérations communales datent de 1790.

Le 7 mai 1790, un décret de l'assemblé nationale annonce la suppression des Ordres Religieux. La communauté des Urselines est directement touchée par cette décision. Le 1 août, les officiers municipaux de Hédé déclarent : "nous sommes dans l'intention de faire, au nom de notre commune l'acquisition des domaines nationaux "(69).
Deviennent alors biens nationaux le prieuré de Hédé qui appartenait aux Bénédictins, le domaine détenu par la communauté des Urselines ainsi que l'Hôpital. A cette même date, les officiers de la ville ajoutent que "la communauté est bien éloignée de désirer la suppression de la maison des Urselines, cette maison étant très~ utile à l'instruction des jeunes personnes (70).

En réalité, les Urselines sont dépossédées de leurs biens et priviléges mais peuvent continuer à enseigner dans la ville. Le 12 octobre 1790, alors que les biens ecclésiastiques deviennent propriété de l'Etat, la ville modifie encore, son comportement vis à vis des religieuses. Dès le début de 1791, l'enseignement dispensé par les soeurs est remis en cause. La ville adresse une lettre à la mère supérieure de la congrégation, qui ressemble davantage à une mise en garde :


"Madame, Si votre règle vous engage à instruire la jeunesse nous ne pensons pas qu'elle puisse vous autoriser à répandre des scrupules mal fondés dans les jeunes coeurs. Nous avons connaissance que les dames que vous préposez à faire apprendre à lire aux externes condamnent de leur autorité privée les pauvres enfants parce qu'ils pensent sur les affaires publiques comme leurs pères. Invitez vos dames à se borner à leurs seules instructions. "(71).

Le pouvoir religieux est un pouvoir moral réel. La Révolution a retiré à la religion son pouvoir terrestre sur le peuple.

Hédé connaît d'autres problèmes que ceux liés à la théologie. Ville militaire par excellence, la vie quotidienne est rythmée par la milice, bourgeoise puis nationale, et synonyme d'hébergement des garnisons chez l'habitant.

 

 

3.1.2 LE POIDS MILITAIRE

Hédé abrite une milice bourgeoise qui regroupe, dans les cadres de commandement, les privilégiés de la ville. La milice intervient essentiellement lors des défilés et des fêtes. Son pouvoir est plus honorifique que militaire. Néanmoins, le rôle proprement militaire est représenté par les nombreuses garnisons qui traversent ou séjournent à Hédé.

* La milice bourgeoise

L'idée d'instaurer une milice bourgeoise est née sous Louis XIV. La politique extérieure du royaume de France, associée aux dépenses somptuaires obligent le roi à créer des offices héréditaires comme ceux de colonel, major ou capitaine. Ces charges étaient vendues très chers : il fallait, par exemple, payer une somme de 4000 livres pour obtenir l'office de major (72). La ville de Hédé n'avait comme seule ressource le fruit de ses octrois. Elle n'avait aucune raison d'acheter des offices. Pourtant, la ville est dans l'obligation de le faire car trop peu de personnes se sont portés acquéreurs. La ville paya les offices le 25 octobre 1705 et reçut quittance " de finance et de confirmation d'hérédité des offices de colonel, capitaine et lieutenant".
A partir de cette date, la milice prit place au sein de la ville. Elle concerne tous les habitants valides entre dix-huit et 60 ans. Dans la réalité, certains échappent à cette nouvelle obligation, parmi eux les infirmes et les Religieux.
Jusqu'en 1789, le conseil nomme un capitaine, un lieutenant et un enseigne. La ville a donc acquis Ces trois offices à son nom. Seuls les notables étaient choisis pour remplir ces fonctions. La population constituait la troupe de la milice. La milice bourgeoise ne détient pas de pouvoirs très étendus elle est la garante de l'ordre mais surtout, elle se manifeste chaque année par une fête appelée le papegault.

Le papegault est un jeu qui se déroule chaque année jusqu'en 1770. Il permet de déterminer le meilleur tireur qui est nomme roi pour un an. Au-delà de l'aspect honorifique du jeu, la gagnant bénéficie d'exemptions fiscales (il ne paie pas le droit sur la boisson), et reçoit 60 livres. Le papegault est organisé au mois de mai sur le champ de foire. Le but est d'abattre un faux pigeon placé au sommet d'un mât. Les jeunes, voulant y participer, sont acceptés à partir de l'âge de quinze ans même Si la règle spécifie un âge minimum de dix-huit ans. Le tirement de papegault est hiérarchisé. Le sénéchal ouvre le jeu, le procureur tire en second suivi par les officiers de la milice, du roi de l'année écoulée, des anciens rois puis pour finir, par tous ceux inscrits sur la liste.

Le sénéchal rédige après le tirement du papegault une lettre sur laquelle est inscrit le nom du vainqueur

"le dit papegault a été, par monsieur le sénéchal/ président de la communauté, déclaré bien et loyalement abattu par le sieur de Hautvillée père, en conséquence ordonné qu'il jouisse des priviléges accoutumés et accordés aux lois dédit papegault." (73).

De cette même façon, la communauté se réunie chaque année pour déclarer le nom du vainqueur.
Le papegault n'est pas la seule occupation de la milice bourgeoise. Celle-ci a pour première tâche de faire régner l'ordre dans la ville. Avant de pouvoir le faire, elle doit lutter contre les exemples de désobéissance " il a été dit par monsieur Guynot des Chapelles, capitaine de la milice bourgeoise, que depuis quelques temps il remarquait de l'insubordination dans la milice bourgeoise, comme cette troupe ne connaît pas la discipline militaire " (74). Malgré le désordre de la milice, elle doit assumer le maintien de l'ordre pendant la journée mais aussi la nuit, propice aux débordements. En 1763, Sébastien François Hervoches, recteur, demande que certains habitants s'acquittent d'amendes parce qu'ils "firent un bruit et un tapage horrible, ils frappèrent aux portes de plusieurs bourgeois et habitants, ils troublèrent leur repos et mirent aux mêmes portes des ordures " (75). Il faut encore attendre vingt ans pour la mise en place d'une milice de nuit, en 1789. Il s'agit d'un règlement composé de douze articles. Le sieur Belletier, major de la patrouille de nuit, est responsable de son application. Le règlement a pour but d'assainir les rues de la ville pendant la nuit. Pour cela, il est dit que toutes les personnes se promenant dans la rue après vingt-deux heures seront appréhendées. D'autre part, la milice demande aux habitants de coopérer en lui donnant le signalement de tous les étrangers présents dans la ville.
En octobre 1789, la milice bourgeoise change de nom et devient la milice nationale. Les anciennes prérogatives sont maintenues. Seule différence notable, maintenant les officiers de la milice sont élus. Nous savons, grâce aux délibérations municipales, qu'une ~te est organisée le 7 octobre 1789 pour la bénédiction des drapeaux de la nouvelle milice.
La milice de nuit disparaît en 1790 "considérant que la garde de nuit de cette ville est très onéreuse au peuple dans ces temps de chéreté des grains, force une grande partie des habitants a doubler leur travail pour gagner leur vie ; la communauté et les notables ont arrêté que la garde de nuit de cette ville demeurera a présent suspendue a compter de ce jour " (76).
Distincte de la milice bourgeoise, il existe à Hédé une milice " militaire "qui se veut être un soutien pour l'armée régulière. La milice "militaire " est instituée à partir de 1743 à Hédé. Elle concerne davantage la ville que la campagne où le recrutement est moins important. La ville de Hédé est faiblement peuplée et la milice "militaire " apparaît comme une spoliation des actifs. La communauté de ville est d'avis de :
" supplier Monseigneur l'intendant de diminuer le nombre des miliciens que doit fournir la ville, entendu qu'il n'y a presque point de garçons de taille, ni d'hommes mariés capables de servir ni de porter les armes, et que d'ailleurs cette ville est obligée de fournir une compagnie de cinquante hommes pour aller sur les côtes quand il en est question et a cet effet la dite communauté a chargé monsieur le sénéchal et procureur du roi de présenter une requête a Monseigneur l'intendant"(77).
Hédé connaît de grandes difficultés lorsqu'il s'agit de fournir des hommes, d'autant que plusieurs notables sont dispensés de service d'arme. La ville, en période de troubles pour le royaume, se vide de ses marchands et artisans. La ville est réticente face à la milice "militaire" ; elle est, en plus, alarmée devant tous les soldats qu'elle a l'obligation d'héberger.

* La présence militaire

Hédé est une ancienne place forte entre Rennes et la mer. Des troupes militaire séjournent régulièrement dans la ville, d'autres ne font que la traverser. Au XVIII ème siècle, le conseil de ville se réunit souvent, afin d'adresser des messages à l'intendant en vue d'un allégement du poids militaire supporté par la ville. Les habitants sont les premiers confrontés au problème de l'hébergement des soldats. La situation est aggravée par la destruction de la halle qui servait d'abri au corps de garde et aux chevaux. Il est intéressant de noter les différentes interventions de la ville auprès de l'intendant, pour montrent l'état d'esprit général des hédéens.

Le passage des troupes oblige les habitants de Hédé à assurer, non seulement 1'hébergement, mais aussi l'entretien des soldats. Les hédéens doivent fournir la soupe, le chauffage et les chandelles. Chose difficile car les périodes de disettes réduisent le potentiel alimentaire des habitants. La ville demande à l'intendant de disperser les garnisons dans ~usieurs villages: "[...]la représentation qu'il conviendrait faire à Monseigneur l'intendant au sujet des logements des troupes qui passent fréquemment par cette ville dont elle est accablée, pour avoir un soulagement de la part des paroisses voisines, en autre celle de Tinténiac dont le bourg est aussi considérable que cette ville "(78).
Les habitants se plaignent constamment de cette situation. Les plus démunis supportent difficilement de devoir loger, nourrir et chauffer les militaires alors que des personnes plus riches ne le font pas.
Un nouveau problème surgit avec la destruction de la halle en 1752. La halle était utilisée comme abri pour les chevaux de la garnison. La destruction du bâtiment donne plus de poids aux revendications de la communauté de ville. Le conseil demande à l'intendant de " s'engager à exempter la ville du passage des troupes qui descendent dans cette province et en retournent" à cause de "la petitesse des lieux, la pauvreté des habitants et l'impossibilité où l'on se trouve de loger les chevaux" (79). Cette requête n'aboutit pas. La ville continue de loger et nourrir les soldats. Le problème s'accentue en 1758 ; La misère s'est installée dans la ville. Les habitants sont dans l'incapacité d'entretenir les troupes. La communauté envoie une lettre à l'intendant pour que la situation soit prise en compte: "[...]ordonnant par écrit qu'en cas de foule, nul exempte ne serait dispensé de logement [...]. Chaque habitant, proportion gardée, doit loger six, huit ou dix soldats ; comment pourvoir au logement des officiers qui veulent coucher seul, exigent des lits pour leurs domestiques et se prétendent fonder à faire donner des écuries, étables ou granges pour leurs équipages, chevaux et voitures " (80). La communauté demande aux privilégiés de bien vouloir soulager le fardeau des pauvres en hébergeant des officiers. Les auberges ont été réquisitionnées. Malgré le bon comportement de certains, quelques uns se refusent encore à loger des soldats, parmi eux, le sieur Macaire :
les priviléges que prétend le sieur Macaire, l'un des plus aisé bourgeois de Hédé, doivent n'être d'aucune considération dans la conjoncture présente." (81). La communauté espère que l'intendant obligera les récalcitrants à héberger des soldats.
La ville est rémunérée pour l'hébergement des troupes. Les habitants reçoivent il est vrai une indemnité, mais celle-ci ne couvre pas les frais occasionnés par l'entretien de garnison. Le miseur de la ville est chargé de la répartition de l'indemnité : "distribution de la somme accordée pour indemnité aux habitants de cette ville et des paroisses de Bazouges, Saint-Symphorien qui ont logé les régiments de Tourraine, Normandie pendant l'année dernière" (82). C'est une mince compensation face aux contraintes qui naissent de cet état de fait.
Au problème de l'hébergement s'ajoute celui des délits dont sont responsables les militaires les bagarres dans les cabarets en sont une expression. Les registres de sépultures nous ont permis de retrouver le cas d'un militaire exécuté dans la ville de Hédé. Il s'agit de André Cavalier, âgé de 23 ans et appartenant au régiment Dauphin de la Compagnie de Granville. Nous ne savons pas pour quel motif il a été condamné, mais tout laisse à supposer que sa mort est en rapport avec un mauvais comportement dans la ville (83).
Hédé se plaint aussi, de la détérioration de la voirie par le passage incessant des garnisons.
Une amélioration est ressentie dans les années 80, lorsque les villages voisins commencent à accueillir des soldats.
La ville connaît des difficultés pour loger les militaires, mais aussi le corps de garde. Depuis la démolition de la halle, le corps de garde n'a plus de maison fixe. La communauté intervient afin de trouver une nouvelle maison pour ce dernier.
La description des différentes charges est incomplète, car le sieur de la Tribonnière avance un montant total dépensé chaque année par la ville de 2836 livres. Si on fait le rapport entre les dépenses et les recettes, la ville est déficitaire chaque année de 200 livres environ. En réalité, la perception des octrois est ici majorée. Les anciens octrois ne rapportent pas plus de 1600 livres par an à la ville. L'écart continue des s'élargir entre les recettes et les dépenses, car la ville dépense plus de 400 livres dans la voirie. Le sieur de la Tribonnière tente d'intéresser le Parlement aux problèmes de la cité.
Deux ans plus tard, nous apprenons que Hédé se plaint d'une nouvelle baisse de ses octrois. Pour remédier à une situation qui semble s'aggraver d'une année sur l'autre, Hédé demande à l'intendant le droit de lever de nouveaux octrois, de percevoir un droit de bouteillage, droit détenu par les Bénédictins de l'abbaye de Saint Melaine de Rennes et d'organiser d'autres foires (85).
Les préoccupations monétaires resurgissent dès que se produit un événement qui modifie les prévisions monétaires du miseur de la ville. Ainsi, les feux de joie constituent une dépense inattendue pour laquelle la ville demande une aide à l'intendant. C'est le cas en 1774 à l'annonce de la mort de Louis XV. La communauté rédige une lettre à l'intention de l'intendant : " [...] désirant témoigner sa vive et juste douleur, supplie Monseigneur l'intendant de lui permettre de prendre sur ses deniers ou en cas d'insuffisance de faire les emprunts nécessaires pour un service solennel à un monarque aussi chéri "(86). L'intendance accorde de l'argent à la ville pour honorer le feu roi.

Hédé exerce son pouvoir sur les villages et paroisses avoisinantes. De son côté, la ville est assujettie aux décisions venues de Rennes. On s'aperçoit donc qu'elle n'a pas de pouvoir politique réel puisque son comportement lui est dicté. Les officiers royaux partagent un pouvoir illusoire sur la ville avec des notables et juristes. Ensemble, ils constituent la communauté de ville.

* La communauté un pouvoir dans la ville?

 

Les privilèges de la ville

La communauté de ville énonce en 1779 le contenu de lettres patentes (c'est-à-dire de lettres issues de l'autorité royale), qu'elle a retrouvé dans ses archives. Les lettres remontent à Jean V, duc de Bretagne et comte de Montfort. Elles ont été réactualisées par les différents rois de France. La ville de Hédé possède son administration propre depuis longtemps. Elle a un corps municipal ancien. Le conseil se réunit pour énoncer le bien fondé de leurs droits. La communauté de ville est restée la même depuis les lettres patentes. On peut, toutefois, noter quelques modifications apportées en 1774. A partir de cette date, la conseil est composé de dix-huit membres : le maire en exercice, les deux échevins, le miseur, treize conseillers et un greffier.

Les échevins en exercice sont remplacés tous les ans. Le maire électif et le greffier sont élus tous les deux ans. Les dix-huit délibérants sont nommés à vie, sauf en cas de changement d'adresse, d'erreur grave ou de mort (bien sûr!). Si l'un de ces cas se présente, le maire doit réunir la communauté afin de procéder à de nouvelles élections. La convocation aux assemblées répond à certains critères. Le hérault est chargé d'envoyer une lettre aux intéressés, au moins vingt-quatre heures avant la réunion. La réunion se tient toujours à deux heures de l'après midi à l'hôtel de ville. Chaque élection se déroule de la même façon : le maire dépose les noms des trois postulants au poste vacant. La communauté doit élire l'un d'entre eux. Si les trois sujets déplaisent au conseil, le maire doit en présenter d'autres. Il peut advenir, lors des réunions, que certains délibérants soient excusés de leur absence. Néanmoins, les élections ne peuvent avoir lieu sans la présence de douze personnes minimum.


La présente délibération précise les noms et activités des dix-huit délibérants, ainsi que la date de leur admission au sein du conseil municipal. Elle a été effectuée le 7 novembre 1779.

 

* Ruaulx de la Tribonnière : admis en 1767
Maire électif
Avocat au Parlement
Juge
Sub-délégué

* Guynot de Brémard : admis en 1742
Échevin en exercice - Médecin

* Boursin du Petit Bourg : admis en 1769
Échevin en exercice

* Carron de la Morinnals : admis en 1772
Miseur
Avocat

* Cochery : admis en 1753
Notaire royal

* Delamarre de la Ville Alée : admis en 1755
Avocat
Procureur du Roi
Ancien maire

* Morel des Vallons : admis en 1757
Sénéchal
Ancien maire

* Hérisson Delourme: admis en 1758
Avocat
Juge
Ancien maire

* Guynot de Brèmard fils: admis en 1768
Maître en chirurgie

* Thouault : admis en 1770
Notaire royal

* Deslandes : admis en 1770
Notaire royal

* Eon : admis en 1770
Notaire royal

* Belletier de l'Etang : admis en 1773
Avocat
Ancien maire

* Binel de la Motte : admis en 1774
Bourgeois vivant de ses rentes
Juge

* Le Marchand : admis en 1774
Cabaretier
Tient la poste aux chevaux

* Bourssin : admis en 1775
Curé à Hédé

* Hervoches admis en 1777
Recteur

* Duclos de Montaillé : admis en 1779
Notaire royal

 

 

Le règlement de la communauté

Il est nécessaire de faire la référence au règlement initial de la communauté de ville, rédigé le 20 août 1773, et enregistré par le procureur du roi le 25 février 1774. A cette date, le conseil est constitué de dix-huit membres. Nous pouvons nous reporter à quelques articles qui complètent le règlement :

Art 3 : "[...] elle (la communauté) pourra prononcer, soit par voie d'interdiction ou par privation absolue de suffrage, conte ceux de ses membres qui auraient officiellement mamqué aux intérêts de la communauté et au respect du a l'assemblée."

Art 6 :" le maire en exercice pourra convoquer les assemblées de son propre mouvement".

Art 7 : " la communauté [...] nommera aux urnes quatre de ses membres pour con~poser un bureau devant lequel on s'assemblera tous les lendemains de l'arrivée des postes de chaque semaine [...] pour se trouver a l'ouverture des paquets que fera en leur présence le maire en exercice afin que le service du roi ne puisse souffrir aucun retard. ".

Art 9: "dans le cas du scrutin qui ne pourra être refusé quand il sera demandé par deux membres, les scrutins ou billets seront mis dans un chapeau isolé duquel le maire en exercice se saisira, les ouvrira en présence de deux membres nommés a cet effet par la communauté, comptera les suffrages, en fera le rapport à haute voie [...].

Art 11 : " le greffier ne pourra faire aucun délivrement aux étrangers de la communauté sans la permission de la communauté entière [...]. "(87).

Le règlement est mis en place par nécessité, car le roi a été informé que certains notables, membres de la communauté de ville, se rendaient très irrégulièrement aux assemblées. Monseigneur Dupleix, intendant et commissaire de la province de Bretagne, a le droit de réprimer par des amendes tous manquements à ce nouveau règlement.
La communauté est soumise aux décisions du maire en exercice. Il préside aux assemblées, convoque les délibérants. Son attribution est primordiale au sein du conseil municipal.

 

L'élection du maire

De nombreux offices ont été mis en vente au XVIII ème siècle. La ville de Hédé a acheté celui de maire. Le roi de France ne récolte pas assez d'argent avec les offices. Il est obligé de mettre en vente de nouvelles charges. C'est de cette manière que la charge de maire alternatif ou titulaire est apparue. Un notable de la ville s'est porté acquéreur de cet office municipal. Le maire en exercice ou électif dirige la communauté, propose de nouvelles réformes et jusqu'en 1783, représente la ville aux États de Bretagne. Le maire titulaire le seconde en tout et devient député, à partir du rachat de l'office par Hérisson Delourme.

Donc, à Hédé, nous avons :

"deux offices de maire, l'un acquis pour 1200 livres par monsieur de Chaugiron Duval et revendu par lui à monsieur le sénéchal, l'autre réunit au corps de la municipalité qui paye pour cet effet 800 livres au sieur Saiget, receveur des nouveaux octrois " (88).


Dans les années pré-révolutionnaires, les mêmes notables se succèdent, tous les deux ans, à la mairie.
La communauté de ville choisit trois personnes parmi les hommes désireux de devenir maire. Les mêmes noms sont, continuellement, cités Ruaulx de la Tribonnière, Hérisson Delourme et Belletier de l'Etang. Le conseil n'a pas le pouvoir d'élire seule son maire. Il envoie au duc de Penthièvre et à l'intendant les noms des trois postulants à la charge de maire. La liste doit être approuvée avant que la communauté puisse émettre une préférence. En 1782, Belletier de l'Etang obtient la charge de maire électif. Il la conserve jusqu'à sa mort en 1789.
La charge de maire alternatif appartient en 1782 au sieur Morel, sénéchal de la ville. L'office est vendu à cette date. Le sieur Hérisson Delourme s'en porte acquéreur. Sa proposition est examinée par la communauté de ville. Seul un notable appartenant au conseil émet un doute sur le bien fondé de ce choix ; il s'agit du sieur Robion. La majorité de l'assemblée est, malgré tout, favorable. Le conseil envoie une lettre au roi afin que la charge de maire titulaire lui soit accordée.

En 1783, le sieur Delourme est entrée en charge :

" Je viens d'être reçu maire titulaire alternatif de la ville et de la communauté de Hédé , pour m'acquitter des fonctions qu'il a plu au roi de me confier, j'ai besoin Monseigneur de votre protection puissante "(89).

Le lettre venant du conseil du roi introduit, définitivement, monsieur Delourme dans sa charge, car il a honoré la totalité de sa dette.
A cette date, monsieur Belletier et monsieur Delourme exercent, conjointement le rôle de maire dans la ville de Hédé.
La Révolution Française met un terme à la vente d'offices. Le décès inopiné du sieur Belletier permet à monsieur Delourme de poser sa candidature pour le siège de maire. Il est élu dans l'Église de Notre Dame de Hédé. En 1790, monsieur Delourme doit quitter ce poste. Il est remplacé par monsieur Ruaulx de la Tribonnière.

 

La députation

Hédé, depuis 1645, est représentée aux États de Bretagne, qui se déroulent à Rennes tous les ans. Un acte de 1701 confirme la ville dans son droit de députer. Un arrêt du conseil du roi, daté du 11 juin 1763, désigne le maire comme le candidat le plus approprié pour devenir député. Cet arrêt a été enregistré au mois d'août 1764. Il présente l'administration des villes et principaux bourgs du royaume. L'édit se compose de 51 articles. L'article 30 concerne la députation aux États de Bretagne. Nous apprenons que le maire électif peut être député s'il accepte de payer ses frais de déplacement. Le roi préfère éviter que des officiers municipaux soient députés (sauf si la ville en fait la demande). A Hédé, le maire électif est député jusqu'en 1783, c'est-à-dire jusqu'à l'élection de Hérisson Delourme comme maire alternatif. A cette date, ce dernier devient le candidat officiel de la ville pour la députation.

Art: "Il ne pourra être fait ou ordonné aucune députation qu'elle n'est été délibérée dans une assemblée de notables habitants de nos villes et bourgs, convoquée en la forme ci-dessus prescrite : faisons défense de députer aucun officiers municipaux si ce n 'est qu'ils veuillent se charger gratuitement et sans frais de sa députation, à peine de restitution des sommes qui lui auraient été payées, nous réservant néanmoins de permettre la députation desdits officiers municipaux sur l'avis dudit commissaire départi en cas ou' nous le jugions nécessaire pour le bien desdites villes ou bourgs." (90).


Pourtant, bien avant cet arrêt, le maire remplissait déjà cette fonction : " la communauté délibérante a été d'avis de nommer pour député monsieur Chaugiron Duval maire "(91).

La ville de Hédé montre son mécontentement en 1786, alors qu'elle doit élire son député. Elle dénonce son manque de liberté dans le choix. Elle doit nécessairement envoyer à Rennes, son maire titulaire alors qu'elle lui préfère le maire en exercice "l'arrêt du conseil du 11 juin 1763, imposant à la communauté l'obligation de donner au maire titulaire par préférence au maire électif, la procuration de représenter la communauté aux États [...]", elle ajoute qu'elle n'a pas " la liberté de nommer un autre député " (92). C'est Hérisson Delourme, maire alternatif, qui représente la ville aux États.
En 1788, monsieur Delourme refuse de représenter la ville aux États de Bretagne. il demande à la communauté d'organiser des élections libres afin de choisir un réel député pour la ville. Il annonce ainsi que "désirant mettre la communauté dans le cas de faire un choix entièrement libre, il déclare renoncer aux bénéfices de l'arrêt de juin 1763 "(93). La communauté a élu, librement, le sieur Delourme.

Les événements politiques se succèdent rapidement. La France bouge et Hédé ne reste pas sans réaction. Le 16 janvier 1789, le député de Hédé se joint à d'autres députés pour se rendre au parlement de Paris. Le 27 janvier, la situation réclame l'élection d'un autre député
Il s'agit du maire en exercice, le sieur Belletier de l'Etang. Il assiste avec monsieur Delourme, dans les rangs du Tiers-Etat, aux débats à Paris. Le premier février, la ville élit un nouveau député, le sieur Deslandes de la Ricardais qui rejoint les précédents dans la capitale.
Hédé porte un intérêt croissant aux affaires du royaume. La ville, tout en restant fidèle au roi, veut faire prévaloir les droits de ses concitoyens.

Hédé pendant toute notre période, et encore en 1789, est soumise aux décisions de l'intendant. La ville subit d'importantes détériorations urbaines et réclame en contre-partie, des réparations ou de nouvelles constructions pour améliorer le cadre de vie des habitants. De telles transformations ne peuvent voir le jour sans l'accord préalable de l'intendant. Ainsi, les projets de la communauté sont minutieusement examinés par un ingénieur délégué par l'intendant.


 

 

RETOUR AU SOMMAIRE