LE PAPEGAULT à HÉDÉ.

L'an mil sept cent trente neuf, le septième may environ les sept heures du soir, dans l'hostel des Nobles Bourgeois et habitants de la Ville et Communauté de Hédé, sur le requisitoire du sieu de la Tribonière Ruaulx, sindic, du consentement unanime de tous les anciens Roys et Chevalliers tirant au Padgault de ladite ville, ledit Padgault a été, par Monsieur le Sénéchal, président de la communauté, déclaré bien et loyalement abbatu par le sieur de Hautvillé Thouault, père, en conséquence ordonné qu'il jouira des privilèges accoutumés et accordés aux Roys dudit Padgault. Fait et aresté sous les seing des sous-signants, ledit jour et an.
Hérisson, Ruaulx, sindic, Boursin, enseigne, F Rufflé,Thouault, Roy 1738,Thouault, Betuel, Boursin, Brugallé, Boizard, Jan Perou, Robiou, Beillet, F Martin, Pierre ..., ...Garnier ..., Morandais Maillard, Greffier.

Tel est le texte le plus ancien que nous ayons trouvé dans les registres de la communauté de ville concernant le Papegault. Il faut dire que la suite de ces registres, conservés aux archives de la mairie ne remonte pas plus loin que le commencement de cette même année, 1er janvier 1739.

Ainsi le 7 mai 1739, l'institution du Papegault existe à Hédé, mais à quelle époque y fut-elle établie et dans quelle condition fonctionna-t-elle ? C'est ce que ce procès verbal de concours ne nous dit pas et qu'il va nous falloir chercher.
Les tirs du Papegault ou papegai, de l'oiseau, du joyau avait été créé dans la plupart des Provinces de France dès le XV ème siècle, et peut-être même auparavant en Bretagne, puisque nous trouvons des ordonnaces rendues en 1407, en faveur de la compagnie des chevalliers de la ville de Nantes.

Le XIV et le XV ème siècles furent pour la France une des époques de son histoire les plus troublées et les plus désatreuses. En Bretagne, c'était la longue guerre de succession entre Jean de Montfort et Charles de Blois, guerre qui dura tant d'années, à laquelle prirent part tous les Bretons sans exception, qui sépara les amis, partagea les familles, y sema la division et en arma les membres les uns contre les autres, guerre enfin, qui transforma tout le territoire du duché , d'une extrémité à l'autre, en un immense champ de bataille, non-seulement pou les étrangers, les Anglais et les Français.

Dans le reste du royaume, c'était les tristes temps du règne de Philippe VI, de Jean le Bon et l'invasion anglaise, de Charles VI, du malheureux Charles VI qui finit le XIV ème siècle et commenca le suivant avec les luttes sanglantes de Bourgignons et des Armagnacs, puis de Charles VII, le roi sans royaume et sans capitale, le roy de Bourges qui avec Jeanne d'Arc, batailla si longtemps pour reconquérir sa couronne et chasser les Anglais.

Pendant cette longue et sanglante période, connue dans l'histoire sous le nom de période de la guerre de cent ans, durant laquelle les batailles et les expéditions militaires n'avaient point cessé, la Bretagne, la France entière avaient été livrées aux soldats. Les campagnes sans protection, étaient pillées par les bandits, et les routiers ; les chemins étaient abandonnés par les marchands, le commerceétait ruiné ; les paysans n'osaient même plus cultivr les terres dont ils n'espéraient pas récoleter les fruits ; les villes elles-mêmes étaient inquiètes derrière leurs murailles ; elles ne se sentaient point à l'abri contre les attaques de ces bandes mercenaires des grandes Compagnies qui ne vivaient que de la guerre et du pillage, et qui dans les moments de trève ou de paix, alors que les soudards qui les composaient se trouvaient sans emploi et sans ressources, n'auraient pas craint de les surprendre, de les assièger et de les mettre à rançon.

À cet affreux état de choses, à ces calamités épouvantables qui ruinaient le pays et qui ne laissaient aux habitants de sécurité , ni pour leur vie, ni pour leurs biens, il était nécessaire de chercher un remède prompt et efficace. Ce remède, il ne fallait pas aller le demander aux rois et aux seigneurs, qui avaient assez de s'occuper des intérêts généraux de leur royaume ou de leurs intérêts personnels et de leurs querelles particulières, et qui n'avaient pas du reste, toujours les moyens suffisants et la puissance nécessaire pour rétablir l'ordre et veiller à la sécurité des routes et du commerce. Les opprimés comprirent alors qu'ils ne devaient compter que sur eux-mêmes et aussi, que s'il voulaient être forts, ils ne devaient point agir isolément ; ils comprirent encore que, pour résister à des hommes armés et à des soldats pillards, il fallait qu'ils eussent comme ceux -ci l'habitude des armes de guerre. Là fut vraisemblablement l'origine de l'institution du Papegault.

Dans toutes les Provinces, les villes appelèrent leurs habitants à se réunir, à s'exercer au tir et à former des compagnies bien organisées dans le but de se protéger contre les maraudeurs, d'aider les soldats à garder les murailles contre les attaques des ennemis extérieurs, et au besoin même de défendre leurs libertés et leur franchises s'il prenait envie au suzerain de vouloir y porter atteinte.

Ces associations ou confréries portèrent des noms divers : chevaliers de l'arc, chevaliers de l'arbalète, chevalliers du papegault ; mais malgré ces noms différents, toutes avaient le même principe et tendaient au même but.

Tout le monde ne pouvait faire partie de ces compagnies ; c'était un honneur d'y être incorporé. Elles étaient spécialement composées de l'élite des bourgeois des villes, avec lesquels les membres de la noblesse même ne dédaignaient pas de s'enrôler. Il n'y eu pas jusqu'aux prêtres qui ne voulurent, eux aussi, en faire partie, et il fallut une ordonnance du roi François 1er en 1544, confirmée plus tard par le dauphin, Henri II, pour leur en interdire l'entrée et les empêcher de se livrer à un exercice que l'on regardait comme incompatible avec leur caractère sacré.

Cette institution du papegault fut, ainsi qu'on vient de le voir, dès sa création, l'objet d'une grande faveur ; aussi non-seulement les grandes et les puissantes villes tinrent à possèder leur compagnie d'archers, mais beaucoup de petites places fortes ( parmi nos voisins : Bécherel.) et même les bourg comme Tinténiac, voulurent leur tireurs de joyau. ( Bécherel et Tinténiac avaient obtenu par l'entremise de leur puissant seigneur Gaspard de Coligny, seigneur de Montmurant et de Bécherel, l'autorisation d'acheter et de vendre sans payer de droits au roi, trente tonneaux de vin pour celui qui abbaterait le papegault à l'arbalète, et vingt pour celui qui l'abatterait à l'arquebuse. - Ogée Dictionnaire de Bretagne - Bécherel, du reste ne jouit pas bien longtemps de ce privilège, qui lui fut enlevé par l'édit du Conseil d'État du 27 juillet 1761. " Et les habitants et communaut de Bécherel, pour le droit de papegault... à faute d'avoir présenter leurs titreset justifié des exemptions par eux prétendues, desdits impôts et billots, en exécution de l'arrêt du Conseil du neufvième septembre 1669 à eux bien duement signifié, ils seront et demeureront déchus de tous leurs privilèges, exemptions et affranchissementdesdits impôts et billots, et en conséquence Sa Majesté les a condamné et condmne à payer....lesdits droits d'impôts et billots, des vins et autres boissons qu'ils ont vendus.....à quoy faire ils resteront contraints par les voies accoutumées. Si une mesure assi sévère avait frappé le papegault de la petite ville de Bécherel, il est à croire que celui du bourg de Tinténiac, bien moins important, avait eu une exsistance beaucoup plus courte et avait disparu longtemps déjà avant cette époque, puisque l'édit n'en fait même pas mention.)

La noblesse avait ses grands spectacles militaires, les tournois, où les chevalliers faisaient briller leur adresse aux yeux de leurs dames, et en combattant à armes courtoises se préparaient à des luttes plus sérieuses ; les bourgeois et les roturiers voulurent aussi avoir leurs fêtes militaires ; leur tournois furent leurs concours de tir, qu'ils eurent soin d'entourer de cérémonies religieuses et de jeu de toutes espèces pour en faire une réjouissance populaire, particulièrement intéressante pour les habitants.

............ à suivre

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